Qu’est-ce que le spécisme ?

À l’instar du racisme ou du sexisme, le spécisme suggère une hiérarchie entre les espèces, et de façon plus large, la supériorité de l’humain sur les animaux. Plusieurs groupes militants, comme le Collectif antispéciste pour la solidarité animale, réclament l’abolition de toutes les pratiques qui causent du tort aux « animaux non humains ». Ils souhaitent notamment voir disparaître le recours aux animaux dans l’alimentation, les tests pharmaceutiques, l’industrie de la mode ou encore celle du divertissement.

ÉDITORIAL MAXIME BERGERON

DROITS DES ANIMAUX
Cavalia, la mauvaise cible

Les actes de vandalisme perpétrés contre des panneaux publicitaires de Cavalia le week-end dernier se voulaient un coup d’éclat. Une façon de dénoncer « l’oppression » vécue par les chevaux de la troupe. Et aussi, une tentative de décourager les Montréalais d’aller voir le spectacle équestre Odysseo, qui tiendra l’affiche jusqu’à la mi-septembre à l’ombre du pont Jacques-Cartier.

Selon l’idéologie défendue par les militants « antispécistes », les chevaux, tout comme les poules, les lapins ou les lézards, devraient bénéficier du même droit au respect et à la vie que les humains. Ils font valoir que les 70 chevaux de Cavalia n’ont jamais consenti à travailler dans l’industrie du divertissement, et que leurs intérêts sont bafoués par l’entreprise.

Si leurs revendications sont légitimes, la cible visée – Cavalia – et la méthode choisie – le vandalisme – sont loin d’être les meilleures pour faire résonner cette cause auprès des Québécois. Cette stratégie les dessert.

Zéro plainte

Québec a donné en 2015 un coup de barre en matière de droit des animaux, après des années de critiques tout à fait méritées. Le gouvernement a adopté la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, qui est venue changer le statut juridique des bêtes. De façon générale, les animaux ne sont plus considérés comme des biens, mais plutôt comme des êtres « doués de sensibilité ».

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), chargé d’administrer la loi, a reçu 5499 plaintes concernant le traitement des animaux depuis sa mise en œuvre il y a trois ans. Du nombre, aucune n’a jamais visé Cavalia, a appris La Presse. Ni aucun animal impliqué dans l’industrie du divertissement. Zéro.

Les chevaux de Cavalia sont bien traités. Dans les écuries adjacentes au chapiteau d’Odysseo, que nous avons visitées, une vingtaine de palefreniers sont à pied d’œuvre pour 70 chevaux. Les bêtes sont nourries huit fois par jour selon leurs besoins spécifiques, et elles passent un minimum d’une heure à l’extérieur, beau temps, mauvais temps. Tous les sols sont recouverts de matières souples – caoutchouc, sable, fibre textile – afin de limiter les impacts sur leurs articulations.

Chaque cheval est présent en moyenne 12 minutes sur scène pendant les représentations d’Odysseo, de six à sept fois par semaine. Une fois la série de spectacles terminée, à la mi-septembre, les bêtes iront se reposer pendant plusieurs semaines dans la vaste ferme de Cavalia en Estrie.

Après SLĀV et Kanata

C’est la première fois que les spectacles de Cavalia sont ciblés par des militants « antispécistes » au Québec depuis les débuts de la troupe en 2003, confirment les responsables de l’entreprise. Ils n’ont pas porté plainte à la police à la suite du vandalisme de leurs affiches publicitaires, qui n’a jamais été revendiqué.

Les protestataires n’ont pas fini de se faire entendre. Au moins trois rassemblements sont prévus devant l’immense chapiteau de Cavalia au cours des prochaines semaines. Une première manifestation, tenue la semaine dernière, a attiré une trentaine de personnes.

Lors de ce rassemblement, un directeur de Cavalia a offert aux militants de venir visiter les écuries sur-le-champ, ou à la date de leur choix. L’objectif : leur montrer que les conditions de vie des chevaux sont adéquates, voire optimales. Tous ont décliné l’invitation.

Pourquoi ce refus ? Parce que les opposants au spectacle de Cavalia sont « abolitionnistes », nous a expliqué un porte-parole du mouvement antispéciste. Ils ne visent pas une amélioration des conditions de vie des animaux, mais bien l’arrêt complet de leur utilisation, autant dans le divertissement que dans l’industrie alimentaire ou pharmaceutique. Une visite des écuries n’aurait rien changé à leur point de vue déjà bien arrêté.

L’opposition au « spécisme » justifie-t-elle le recours au vandalisme ? Ce militant ne cautionne pas ces actes, mais il ne les condamne pas non plus. Une position similaire à celle de la SPCA de Montréal, qui s’oppose par ailleurs à « l’utilisation d’animaux à des fins de divertissement dans des milieux ou des conditions qui compromettent leur bien-être ». La SPCA avait mené la charge contre les calèches dans le Vieux-Montréal et contre l’interdiction des chiens de type pitbull dans la métropole.

Le jeune porte-parole, qui ne parle pas au nom de tout le mouvement antispéciste, dresse un parallèle avec la polémique récente autour des spectacles SLĀV et Kanata, de Robert Lepage, descendus en flamme sur la place publique. Il déplore que le débat ait souvent dérapé dans ce dossier plutôt que d’amener des conclusions constructives : « Notre but, c’est vraiment d’ouvrir une discussion, que les gens en parlent au travail. »

La cible choisie par les militants antispécistes – un bon élève en matière de traitement des animaux – et leur refus de visiter les écuries de Cavalia enlèvent malheureusement du poids à leurs revendications.

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