Vérification faite

Les 12,9 milliards de revenus de Québec solidaire

Québec solidaire s’engage à respecter le déficit zéro. Mais afin de financer ses engagements électoraux, Québec solidaire propose plutôt de hausser de 10 % les revenus du gouvernement du Québec. Une hausse de 12,9 milliards en 2022-2023, financée en grande partie par des hausses d’impôts pour les particuliers et les entreprises. L’Association des économistes québécois estime toutefois que le cadre financier de Québec solidaire est « incomplet », soulignant « l’incertitude » de plusieurs nouveaux revenus prévus par le parti.

10 %

Le gouvernement du Québec prévoit des revenus de 123,8 milliards en 2022-2023. Québec solidaire s’engage à respecter le déficit zéro, mais espère ajouter 12,9 milliards supplémentaires en revenus, soit une hausse de 10 % du budget du gouvernement du Québec.

De quatre à dix paliers d’imposition

Québec solidaire veut passer de quatre paliers d’imposition (de 15 % à 25,75 %) à dix (de 14 % à 30 %). Les contribuables gagnant moins de 80 000 $ par an (77 % des contribuables) auront une réduction d’impôt, alors que les contribuables gagnant plus de 95 000 $ (9 % des contribuables) auront une hausse d’impôt.

« Vous faites déjà votre part. […] Contrairement à la CAQ, il n’y a pas de calculatrice magique chez nous, juste du courage. »

– Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

Quatre bémols du cadre financier de QS

1) Pas d’effet comportemental

Il s’agit d’une critique commune à la plupart des cadres financiers des partis politiques, et pas seulement à celui de Québec solidaire. Quand un gouvernement fait des réformes fiscales, les contribuables s’ajustent (ex. : certains travaillent moins), et le coût réel diffère souvent du coût comptable prévu durant la campagne. Un exemple ? Les baisses d’impôt promises par les libéraux fédéraux de Justin Trudeau devaient être à coût nul avec des hausses d’impôt pour les contribuables les plus riches. Au final, elles ont coûté 1,5 milliard par an au trésor fédéral. « Des changements dans la fiscalité peuvent amener des réactions des contribuables, on l’a vu avec les libéraux en 2015 », dit Luc Godbout, professeur en finances publiques et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Québec solidaire propose des réformes ambitieuses en matière de fiscalité des particuliers (+ 2,05 milliards par an) et des entreprises (+ 2,17 milliards par an), qui sont justement soumises à des effets comportementaux « assez importants », selon l’économiste Yves St-Maurice, président du comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois. « Ça représente une hausse de 25 % des impôts des sociétés, et on n’a pas quantifié l’impact du déplacement d’entreprises hors du Québec, dit-il. Quand on augmente [aussi] de 2 milliards [les impôts des particuliers à revenu élevé], ces gens-là sont plus mobiles que d’autres. »

« Nous n’avons pas fait de longs travaux d’économétrie, c’est une tentative comptable pour donner une idée aux gens. On ne prétend pas à l’exhaustivité, on n’a pas le ministère des Finances pour faire les calculs. »

— Simon Tremblay-Pépin, candidat de Québec solidaire dans Nelligan, à Montréal, et porte-parole du parti en matière d’économie

Québec solidaire fait aussi valoir que certaines de ses mesures auraient des effets bénéfiques sur l’économie, ce qui générerait de nouveaux revenus. « Il y aurait des effets sur les changements de prix [des médicaments et l’assurance médicaments], c’est une évidence, dit Simon Tremblay-Pépin. On serait un gouvernement beaucoup plus actif [dans l’économie], mais nous n’avons prévu aucune hausse du PIB dans notre cadre de revenus. C’est à notre désavantage, mais c’est pour être prudents. »

2) 1 milliard « incertain »

Parmi les 12,9 milliards supplémentaires prévus par Québec solidaire, l’économiste Yves St-Maurice trouve que 1 milliard est « incertain ». Ce milliard « incertain » (990 millions, pour être plus précis) se compose ainsi : 450 millions en lutte contre l’évasion fiscale, 390 millions en lutte contre la corruption et 150 millions en équité fiscale pour les achats en ligne. Québec solidaire, qui se base sur des rapports du ministère des Finances et de la commission Charbonneau, n’est pas d’accord avec cette critique. « Ne pas l’écrire [dans le cadre financier], c’est comme dire que ce n’est pas important, dit le candidat solidaire Simon Tremblay-Pépin. On ne va pas faire comme les autres [partis] et juste dire : on va mettre plus d’enquêteurs [en fiscalité]. »

3) Sur un an

Le professeur Luc Godbout et l’économiste Yves St-Maurice auraient tous deux préféré un cadre financier sur quatre ans, soit la durée du mandat. Or, Québec solidaire a plutôt présenté hier son cadre financier de revenus pour une seule année : 2022-2023, soit la quatrième et dernière année du prochain mandat.

Québec solidaire s’engage à respecter le déficit zéro pour chacun des quatre années du prochain mandat, a précisé le candidat solidaire Simon Tremblay-Pépin.

Québec solidaire présentera le cadre financier de ses dépenses avant le débat des chefs, le 13 septembre.

Outre ces trois réserves, l’économiste Yves St-Maurice souligne – sans se prononcer sur le fond – que les propositions de revenus de Québec solidaire sont « claires, nettes et précises ».

4) L’entente avec les médecins

Il est loin d’être certain que le gouvernement du Québec pourrait obtenir des concessions salariales des médecins spécialistes sur l’entente conclue l’hiver dernier. Les médecins spécialistes devront approuver une nouvelle entente, et donc consentir à renoncer à toute hausse salariale prévue. Le montant de 925 millions représente une diminution de 12 % de la rémunération des médecins spécialistes québécois, qui gagnent actuellement environ la même somme que les médecins spécialistes ontariens. L’écart entre les travailleurs des deux provinces est de 12 % en faveur de l’Ontario.

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