Rentrée télé spécialisée

Branché sur l’humain

Samian présente deux projets qui lui sont chers en ce début d’automne : il anime la série En marge du monde, qui va à la rencontre de gens qui ont choisi de s’affranchir du mode de vie moderne, et revient au rap avec un album intitulé Le messager. Qu’il soit à la télé ou devant un micro, sa ligne est claire : c’est le cœur qui parle avant tout.

Il y a Emma Orbach, qui vit depuis deux décennies dans une hutte au pays de Galles. Il y a Sylvain Paquin, qui est allé rendre visite à un ami à la Baie-James il y a 20 ans et n’est jamais reparti. Et il y a cette phrase au début de la pièce-titre du nouvel album de Samian : « Je me fous de la tendance et de ce que les gens disent. »

Il est là, le lien entre les deux projets portés par le rappeur d’origine algonquine : l’intégrité. Le désir de s’affirmer « face à soi-même », pour reprendre le titre de l’album par lequel on a découvert sa verve et ses vers il y a 12 ans déjà.

Micro à la main, il aime prendre la parole « au nom de ceux qu’on n’entend pas assez souvent ». Devant la caméra, dans la série documentaire En marge du monde, qui sera diffusée sous peu à TV5, il fait parler et écoute des gens qui ont choisi de tourner le dos au monde moderne pour se rapprocher de l’environnement et de leur propre nature.

Aller vers l’autre

Parler de choc des civilisations n’est pas exagéré pour illustrer l’écart qui existe entre le mode de vie d’Emma Orbach et celui de la majorité des Occidentaux. Après avoir étudié à Oxford, s’être mariée et avoir eu trois enfants, elle n’a pas pu continuer : elle a ressenti le besoin de s’éloigner, de vivre en harmonie avec la nature.

Elle vit dans une hutte – littéralement –, sans électricité ni eau courante. Elle élève quelques animaux et, surtout, se consacre à sa vocation de guérisseuse. Des enfants lui ont déjà demandé si elle était une sorcière. « J’ai dit : oui, mais une gentille sorcière. Tous mes sorts sont bienfaisants », raconte-t-elle en riant à la caméra.

Voir Sylvain Paquin arpenter le Grand Nord (à une quarantaine de kilomètres de Radisson) remet aussi bien des choses en question : il vit au rythme de la nature, plutôt isolé, entouré de chiens et de loups… Comme Emma, il associe le mode de vie moderne à une forme d’esclavage : l’argent, le confort, la consommation…

« J’ai trouvé ça magnifique de voir ces gens qui ont un mode de vie différent, une autre philosophie », raconte Samian, qui anime la série de 10 épisodes où il sera question de la quête d’individus, de couples et même de familles partis vivre « en marge » du monde. La spiritualité a souvent été le noyau des discussions, selon l’animateur, mais l’émission demeure concrète, ancrée dans le quotidien, les relations sociales, l’approvisionnement en nourriture ou encore la nécessité de composer avec les éléments de la nature.

« Pendant le tournage, la même phrase me revenait en tête : y’a juste les poissons morts qui suivent le courant. Ces gens ont une façon d’exister qui prouve qu’on peut vivre autrement. »

— Samian

En marge du monde n’est pas une série sur la simplicité volontaire. Or, elle invite à s’interroger au sujet de notre rapport aux choses, aux gens, au travail, à l’environnement… « Ça soulève beaucoup de questions, admet Samian. Je passais une semaine avec chacune de ces personnes. Parfois, j’avoue que j’avais envie de rentrer à la maison. Parfois, j’avais envie de rester. Chaque fois, il y avait une partie de ces personnes-là qui revenait avec moi. »

Il croit que bien des gens regarderont ces émissions en se disant qu’ils aimeraient faire pareil s’ils avaient le courage de lâcher prise. « Ce n’est pas tout le monde qui peut vivre dans un système formaté, mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas non plus tout le monde qui est fait pour vivre dans le bois », observe le rappeur.

Retourner aux sources

Son album Le messager était déjà tout écrit lorsqu’il a amorcé le tournage de la série En marge du monde. Il est quand même assez facile de constater la cohérence qu’il y a entre l’émission et le quatrième disque du rappeur : lui aussi a choisi d’aller là où il veut. Sans penser à plaire ou à suivre la parade.

«  [DJ Horg et moi], on est revenus au début des 90. À la sonorité qu’on aimait. Ce qu’on voulait, c’était des beats, des samples, des scratchs et de la poésie », explique Samian. Le messager, c’est vrai, ne sonne pas comme une surproduction actuelle où les voix tiennent plus du robot que de l’humain.

Les mots « old school » viendront sur bien des lèvres. Peut-être pas comme un compliment. Le rappeur s’en fiche. Son approche dépouillée lui permet de revenir au sens du rap : des textes vrais, qui cherchent à faire des radiographies des travers de notre société.

« Ce qui m’a fait aimer le rap, ce sont de grands paroliers comme Common et Mos Def. Des gens réfléchis. Ou Immortal Technique, avec ses prises de conscience extrêmement puissantes. Si on n’a pas ça, à quoi bon faire du rap ? »

Le messager, de Samian, sortie le 6 septembre

En marge du monde, TV5, à compter du 3 septembre

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