OPINION

LUTTE CONTRE L’EMBOURGEOISEMENT
Des solutions existent

La mission principale des comités logement est la défense des droits des locataires dans un contexte plus global de lutte contre la pauvreté. Pas étonnant alors qu’ils s’opposent fermement à la « gentrification » des quartiers où ils sont implantés.

En effet, les impacts peuvent être ravageurs pour les locataires, surtout les moins aisés : hausses de loyers, reprises de logements, évictions pour travaux majeurs, pour agrandissement, conversions en condos, fermeture de maisons de chambres, démolitions, pression sur les locataires pour vider le logement et l’annoncer sur Airbnb, perte du tissu social, etc.

Pourtant, la transformation des quartiers populaires et familiaux en quartiers branchés (inabordables) pour jeunes professionnels n’est pas une fatalité. C’est le résultat de choix politiques, de non-priorisation, de la privatisation de l’aménagement de la ville, de la toute-puissance des promoteurs, des investisseurs. Il existe des alternatives.

Une autre vision du développement des quartiers, des milieux de vie, est possible et souhaitable.

Ainsi, regroupés au sein du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), les comités logement ont organisé une semaine d’actions contre l’embourgeoisement, notamment pour faire la promotion des projets alternatifs qu’ils revendiquent afin de placer le droit au logement au cœur des choix politiques. Trois actions ont eu lieu.

Hochelaga-Maisonneuve (20 mai)

La manifestation et le Festival contre la gentrification ont réuni plusieurs centaines de personnes malgré une météo capricieuse. Les locataires militants ont expliqué l’embourgeoisement et ses impacts, mais surtout, ils ont visité deux endroits qu’ils revendiquent à 100 % pour du logement social et des équipements collectifs : le terrain Lantic et l’entrepôt Pitt Chaussures situé au 1800, rue Nicolet. Déjà en 2016, les gens d’Hochelaga avaient campé plusieurs nuits sur le terrain Lantic. Une communauté d’entraide s’organisait, mais a été évincée par la police. Qu’attend l’arrondissement, devenu Projet Montréal, pour acheter le terrain et en confier le développement aux groupes communautaires ?

Rosemont (22 mai)

Plusieurs dizaines de Rosemontois sont aussi descendus dans la rue pour dénoncer l’embourgeoisement et la place grandissante que prend Airbnb dans le quartier au détriment de milieux de vie abordables et solidaires. Là encore, le comité logement a des projets alternatifs et a placardé son slogan évocateur « monREVE.ca : 100 % logement social ! » sur des projets de condos. Qu’attend l’administration, Projet Montréal, pour réaliser le rêve des locataires de Rosemont ?

Saint-Henri (24 mai)

Près d’une centaine de manifestants ont sillonné les rues et se sont arrêtés devant les endroits revendiqués. Le 4700, rue Saint-Ambroise où le comité femmes du POPIR-Comité logement et ses alliés féministes veulent développer 100 logements sociaux pour les femmes. Ce serait le premier projet de logement social sur le bord du canal de Lachine. L’ancienne caserne, abandonnée depuis 10 ans et que la communauté craint de perdre au profit du privé. Un espace autogéré et une épicerie communautaire dont le secteur a cruellement besoin pourraient y voir le jour. L’ancienne Canada Malting, revendiquée par un collectif de résidants, d’organismes et de professionnels pour un projet 100 % communautaire de logements sociaux, un pôle de production alimentaire et un centre communautaire, culturel et historique. Qu’attendent les élus, là encore Projet Montréal, pour mettre ces endroits en réserve et y permettre le développement de projets pour et par la communauté ?

Démonstration est (encore) faite qu’il est possible de contrer l’embourgeoisement. 

Derrière les ruelles vertes, les nouvelles places et les nouveaux bancs publics se cache la détresse des locataires dont la pauvreté et les dénis de droits sont rendus invisibles par les condos et les nouveaux commerces spécialisés. 

Il faut impérativement prioriser le logement social, le contrôle des loyers et le développement communautaire si l’on veut que l’embellissement et le verdissement améliorent réellement la qualité de vie plutôt que de tasser les moins nantis. C’est aux élus d’arbitrer ces choix politiques et de répondre en priorité aux demandes des comités logement plutôt que d’écouter le chant des promoteurs !

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