« On ne s’attendait pas à ça »

Le directeur général des Golden Knights de Vegas, George McPhee, est surpris par les succès de l’équipe

George McPhee préfère ne pas pavoiser.

À la surprise générale, les Golden Knights de Vegas flirtent avec le premier rang au classement général de la LNH et pourraient devenir la meilleure équipe de l’expansion de l’histoire, tous sports confondus, mais le directeur général de cette équipe Cendrillon fait profil bas.

« Si la saison prenait fin demain, nous serions ravis et ça serait une belle histoire, a-t-il confié à La Presse ces derniers jours au téléphone. Mais nous venons à peine de franchir la mi-saison et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. »

Le patron des Golden Knights est le premier surpris de leurs succès (fiche de 32-12-4).

« On ne s’attendait pas à ça. On voulait avoir un club compétitif pour nous donner une chance de nous installer solidement dans notre marché. Nous voulions aussi obtenir le maximum de choix au repêchage pour la construction à long terme de l’équipe. Nous avons un club compétitif et nous avons beaucoup de choix, alors jusqu’ici, ça va bien... »

Règles favorables

Les Golden Knights et McPhee ont eu la chance de bénéficier de règles plus favorables que lors des autres expansions. À l’époque, les équipes avaient le loisir de protéger un gardien, cinq défenseurs et neuf attaquants. Ce nombre a été réduit à un gardien, trois défenseurs et sept attaquants, dans le cas qui nous intéresse.

« Nous avons été surpris par l’identité de certains joueurs rendus disponibles. Quelques équipes auraient probablement dû négocier. Mais la plupart des clubs ont fait un bon travail avec leur liste de protection. On a essayé de ne pas trop pousser notre chance, car les équipes avaient toujours le loisir d’échanger des joueurs ailleurs. Si vous prenez l’exemple de Tampa Bay, ils ont échangé Jonathan Drouin, un joueur qui devait être protégé, en retour de Mikhail Sergachev, un joueur qui n’avait pas à être protégé. Ça a changé notre perspective par rapport au joueur du Lightning que nous convoitions. »

McPhee n’est pas choqué d’entendre dire que Vegas a pu jouir de conditions très favorables pour bâtir son équipe en juin.

« Nous avons en effet bénéficié de règles plus favorables que quiconque dans l’histoire. Mais le plafond salarial a constitué un facteur très important également. Certains clubs voulaient se débarrasser de contrats. Si nous absorbions des contrats lourds, on nous offrait de meilleurs joueurs ou des choix en retour. »

McPhee a eu un peu plus d’un an pour embaucher son personnel et préparer le repêchage de l’élargissement des cadres. Il n’a pas hésité à consulter d’anciens directeurs généraux dans la même position, Bobby Clarke, le premier directeur général des Panthers de la Floride, et Doug Risebrough, l’homme qui a bâti le Wild du Minnesota.

« Bobby Clarke nous a suggéré de prendre des gros travaillants. C’était notre premier critère. »

— George McPhee 

« On s’attardait à l’éthique de travail des joueurs que nous avions sous la loupe. On a aussi posé de nombreuses questions aux anciens entraîneurs de ces joueurs, d’anciens coéquipiers, des proches. »

Risebrough, lui, a déclaré à McPhee qu’il serait étonné par le rendement de certains joueurs méconnus. « Il m’a dit que certains n’avaient juste jamais pu avoir la chance de jouer un rôle de premier plan et qu’ils se révéleraient avec une équipe comme la nôtre. Les Jonathan Marchessault, William Karlsson, Reilly Smith, Colin Miller, Nate Schmidt n’étaient pas très connus, mais ils ont leur chance et ils jouent méchamment bien. »

Gerard Gallant

En décembre 2015, l’ancien directeur général du Wild avait donné ses recommandations aux éventuels directeurs généraux d’équipes d’expansion lors d’une grande entrevue publiée dans ces pages. Son premier conseil ? Dénicher un bon coach.

« Vous savez quoi ? Ça me revient maintenant que vous en parlez. J’ai eu une rencontre de plus de cinq heures avec Doug et nous avons beaucoup parlé de Jacques Lemaire. Ce fut une discussion très enrichissante. Il nous a beaucoup aidés. »

McPhee a trouvé « son » Jacques Lemaire : Gerard Gallant.

« Gerard était tout au haut de notre liste et nous l’avons appelé dès son congédiement. Nous ne l’avons pas embauché sur-le-champ, car nous avions alors beaucoup de pain sur la planche, mais je lui ai dit qu’il avait beaucoup de valeur à nos yeux et que nous communiquerions à nouveau avec lui au moment opportun. »

Pourquoi Gallant, ancien entraîneur-chef des Panthers et autrefois adjoint de Michel Terrien à Montréal ? « Pour plusieurs raisons : son expérience, ses qualités de tacticien, son leadership, son honnêteté envers les joueurs, ses entraînements de qualité, sa vigilance derrière le banc. C’est un coach qui ne craint pas ses joueurs. Je voulais un entraîneur qui attire les joueurs à Vegas. Je pourrais continuer pendant des heures. »

McPhee en convient : il a beaucoup eu recours aux statistiques avancées.

« Elles nous aident énormément et nous mettons l’accent là-dessus. Mais il faut aussi un équilibre entre ces statistiques et ce que nos yeux nous disent. Certains leur font pourtant une mauvaise réputation. Je ne peux parler pour les autres, mais certaines statistiques rendues publiques ne servent pas à grand-chose. Par contre, il y a les statistiques que les équipes utilisent en privé. On a travaillé fort pour éliminer les statistiques peu pertinentes. »

McPhee est heureux d’avoir pu mettre la main sur un gardien de la trempe de Marc-André Fleury, des Penguins de Pittsburgh. Fleury a une fiche de 12-4-2, une moyenne de 1,77 et un taux d’arrêts de ,942.

« Marc-André Fleury était un choix automatique pour nous. Il apporte du talent, mais aussi de l’expérience et du leadership. »

— George McPhee

Avant d’être embauché par Vegas, McPhee a œuvré comme directeur général des Capitals de Washington entre 1997 et 2014. Il a, entre autres, procédé à une importante reconstruction en 2004. Il a liquidé ses vétérans, Petr Bondra, Robert Lang, alors premier compteur de la Ligue, Sergei Gonchar et Michael Nylander, pour faire le plein de choix au repêchage et d’espoirs.

« L’échange de Robert Lang a payé. Il allait avoir droit à l’autonomie complète et nous avons pu obtenir des Red Wings de Detroit Tomas Fleischmann et repêcher Mike Green grâce à leur choix de premier tour. Ces joueurs nous ont beaucoup aidés. Je suis très fier de cette reconstruction, car elle s’est faite en seulement trois ans. Ce travail de reconstruction à Washington m’a beaucoup aidé dans mon boulot avec les Golden Knights. On avait liquidé l’équipe avant l’arrêt de travail d’un an pour rebâtir l’équipe en prévision d’un plafond salarial. J’ai beaucoup appris de cette reconstruction. »

Malheureusement, McPhee, 59 ans, a fait le pire échange de sa carrière un peu plus d’un an avant son congédiement. Le 3 avril 2013, à la date limite des transactions, il échangeait son meilleur espoir, Filip Forsberg, 19 ans, aux Predators de Nashville en retour d’un vétéran en fin de carrière, Martin Erat. Celui-ci n’a fait que passer à Washington. Forsberg vient de connaître deux saisons consécutives de plus de 30 buts.

« Ce ne fut pas un bon échange, que puis-je dire de plus ? On ne jouait pas bien et on cherchait à accéder aux séries éliminatoires. Mais nous n’avons pas fait un bon travail sur le plan du dépistage professionnel. On n’a pas obtenu suffisamment en retour et on ne connaissait pas assez bien nos jeunes joueurs.

« Le plus ironique, c’est qu’il s’agissait de la seule fois au fil des années où notre directeur du recrutement amateur, Ross Mahoney, n’était pas à nos côtés à la date limite des échanges. Il avait un engagement ailleurs, ce jour-là. S’il avait été sur place, il n’aurait probablement jamais permis l’échange. C’était une erreur. Ça n’aurait pas dû arriver. La bonne nouvelle, c’est qu’on apprend davantage de ses erreurs que de ses bons coups... »

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