billet Pointe d'humour

J’haïs le Grand Prix

Ce billet a pour seul et unique but de dire que j’haïs le Grand Prix. Ça n’est pas scientifique, objectif ou factuel. Ça n’est pas un éditorial, ça n’est que la somme des impressions qui forment un seul point de vue : le mien.

J’haïs le Grand Prix parce que je trouve qu’il n’a plus sa place à Montréal. En 2018. Je le trouve complètement dépassé. Symbole d’une ère qui tire à sa fin et pâlie comme le paysage de nos nouvelles cartes d’assurance maladie : celle du char et des baby-boomers.

Grimpez pas aux rideaux, j’adore les baby-boomers. Ce sont mes parents. Et mes beaux-parents. Loin de moi l’intention de faire de l’âgisme ou de tomber dans ce qui est symptôme de notre vanité et notre inconscience : le non-respect des générations plus âgées. Je trouve ça très vulgaire de ne pas respecter les vieux. La vie va dans le même sens pour tout le monde. Il n’y a absolument rien de spécial à être jeune, alors qu’il existe quelque chose de très spécial à être vieux. Premièrement, t’as survécu. Pensez-y, quelqu’un qui a 75 ans avait un milliard de possibilités de décéder avant l’heure. Il a toughé. À travers toutes les misères et les lourdeurs et les tristesses de la vie. Sans parler des maladies, du chaos et de toutes les chances qu’un imbécile te rentre dedans en char parce qu’il checkait ses textos.

Et ensuite parce que les vieux portent en eux l’expérience. Et l’expérience, comme le temps, ça ne s’achète pas.

Je ne cherche donc pas à relayer toute une génération à des mangeurs de biscuits soda, mais il faut bien admettre qu’à un moment donné, tout règne tire à sa fin. Pis là, j’ai l’impression que dans beaucoup de sphères, ce règne s’essouffle. Pis faudrait comme passer à autre chose.

Et le Grand Prix pour moi, c’est un peu le symbole de cette ancienne culture. Du monsieur tout-puissant aussi. Du monsieur qui aime son cash pis sa pitoune ! Pis les choses qui vont vite ! Vroooum ! Tsé, les années 80, là, quand tu pouvais mettre du béton partout pis boire du champagne à côté de ta secrétaire à grosses épaulettes en lui claquant une fesse, pis que ça la faisait donc rire, Suzanne, parce qu’elle avait pas encore le droit de faire autre chose… Je caricature, bien sûr, mais ça, là.

C’est plate, mais on est rendus 35 ans plus tard. Pis le béton de nos villes s’effrite. Bravo, vous, vous avez bâti, mais nous, faut qu’on répare. Faque pendant qu’on paye pour arranger les viaducs, je pense qu’on a aussi le droit de se demander si un changement de culture ne s’impose pas. Et mettre de l’avant un événement qui fait l’apologie du char bruyant à essence, de la femme juste pour son sexe, pis de la vitesse, me semble qu’on est rendus ailleurs. En tout cas, je sais pas si ça vaut les dizaines de millions de subventions qu’on accorde à ça et qui, au bout du compte, enrichissent des propriétaires déjà milliardaires.

Me semble que Montréal n’est pas Daytona et qu’on pourrait se souhaiter d’avoir des événements rassembleurs, internationaux et qui font tourner notre économie, tout en montrant qu’on est une ville moderne. Je sais, on est pognés avec jusqu’en 2029, j’espère que d’ici là on aura eu le temps d’y réfléchir ou que les boomers seront redevenus des hippies. Entre-temps, t’as le droit d’aimer ça, mais moi, je le dis, j’haïs le Grand Prix.

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