Architectes

Pour des honoraires justes et adaptés aux enjeux d’aujourd’hui

Peu de personnes le savent, mais les honoraires des firmes d’architecture qui réalisent les bâtiments gérés par les ministères et les organismes publics sont déterminés par décret gouvernemental. Ce règlement n’a pas été revu depuis 1984 et les taux horaires sont gelés depuis 2009, alors que plusieurs études montrent qu’un ajustement de 30 à 50 % est nécessaire. Si la qualité de nos bâtiments publics devient de plus en plus un enjeu de société, qu’attend le gouvernement pour agir ?

L’architecture est omniprésente : elle a un impact sur la qualité de vie de tous les citoyens et participe à l’attractivité de nos territoires. Écoles, universités, cliniques, hôpitaux, palais de justice, bureaux administratifs, musées, etc., nos bâtiments publics font aujourd’hui l’objet d’investissements considérables, notamment pour pallier le manque d’entretien passé.

Les bureaux d’architecture, en tant que concepteurs et coordonnateurs d’ensemble, sont au cœur de ces projets structurants qui ont un impact économique, social et écologique importants pour notre société.

Alors que les décideurs politiques commencent à se soucier de la qualité de notre environnement bâti, avec par exemple l’initiative du Lab-École, ils refusent pourtant de revoir la rémunération des firmes d’architecture, basée sur des références d’honoraires qui datent de 34 ans !

La peur de payer trop cher ou un manque de vision ?

Les fonds publics doivent être bien gérés et les architectes, comme tous les citoyens, en sont conscients. Les décisions prises au moment de la conception et la surveillance des travaux, étapes pendant lesquelles les architectes jouent un rôle crucial, ont une incidence majeure sur les coûts de construction, d’exploitation et d’entretien des bâtiments, que ce soit en termes d’efficacité énergétique, de choix des matériaux, d’accessibilité universelle ou d’intégration dans l’environnement urbain. Encore faut-il que les architectes aient les moyens de bien faire leur travail.

Les sommes investies dans la conception ne représentent que 1 à 2 % du coût global d’un bâtiment sur son cycle de vie ; alors espérer faire des économies sur les projets en refusant d’indexer les taux horaires des architectes est une vision à court terme qui limite considérablement toutes tentatives de faire preuve de créativité, d’innover et susceptibles de faire baisser les coûts globaux d’un bâtiment.

Indexer les taux horaires, un enjeu économique pressant

L’Association des Architectes en pratique privée du Québec réclame depuis plusieurs années une refonte du décret définissant les honoraires pour services professionnels fournis au gouvernement par des architectes. Au-delà d’une description de services qui ne correspond plus du tout à la pratique de l’architecture d’aujourd’hui, ce texte prévoit des taux horaires facturables, qui n’ont pas été indexés depuis 2009.

Cela fait neuf ans que les firmes d’architecture, qui sont toutes des PME, assument à leurs frais ce gel d’honoraires.

Alors que nous assistons à une pénurie de main-d’œuvre au Québec, il devient de plus en plus difficile de rémunérer adéquatement les salariés des firmes d’architecture. L’augmentation qui vient d’être accordée aux professionnels du gouvernement – dont les architectes fonctionnaires – va contribuer à accroître ce phénomène.

Par ailleurs, les accords de commerce récemment signés vont engendrer une concurrence nouvelle des firmes des autres provinces canadiennes et de l’Europe : les bureaux d’architectes du Québec doivent conserver leur compétitivité et leur capacité à innover. Les dernières études réalisées en 2015 démontraient qu’un ajustement entre 30 % et 50 % des taux horaires était nécessaire pour tenir compte de la réalité du marché. Par ailleurs, on demande aux firmes de s’engager sur plusieurs années sur des taux horaires de 2009, comme c’est le cas pour le nouveau complexe hospitalier de Québec, dont le projet va s’étaler sur 10 ans !

Les PME en architecture subissent depuis des années cette situation. Mais les premières victimes sont les citoyens, qui vont devoir se priver de la plus-value d’une architecture optimisée indispensable à la pérennité de leurs écoles et hôpitaux. L’AAPPQ demande donc au gouvernement de revoir urgemment ces taux horaires, comme il vient de le faire avec le décret qui définit les honoraires des avocats et notaires.

* L’AAPPQ représente près de 380 firmes d’architecture réparties sur l’ensemble de la province : ce sont toutes des PME garantes de la qualité du cadre bâti public québécois.

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