Opinion Mia Homsy

ÉCONOMIE Dans l’angle mort caquiste

Il y a plusieurs raisons de croire que le nouveau gouvernement a ce qu’il faut pour aider l’économie du Québec à se développer et à poursuivre sur sa lancée. Les objectifs économiques de la CAQ sont clairs et ambitieux. Le terrain est propice à la mise en place de nouvelles approches mieux adaptées aux défis de l’avenir. Mais les moyens restent à définir et les pièges à éviter sont nombreux. 

Élue avec une forte majorité des sièges, qui confirme la volonté de changement des Québécois, la CAQ a le temps et la légitimité pour procéder à des changements audacieux. Les ministres économiques semblent compétents, expérimentés et donnent l’impression de bien connaître les défis économiques du Québec et des finances publiques. 

Grâce au redressement budgétaire réalisé au cours des dernières années, l’équipe de la CAQ aura la chance de gérer des surplus plutôt que des déficits.

Cela lui permettra de concrétiser rapidement certains des allègements fiscaux promis en campagne. Elle semble également consciente de l’importance de maintenir l’équilibre budgétaire et de préserver les différents fonds existants conçus pour nous prémunir contre les imprévus et les ralentissements économiques. 

Mais au-delà de ces éléments, le premier ministre a fait de l’économie et de l’éducation (et de la santé, bien sûr) ses priorités. Son principal objectif est clair (et souhaitable) : accroître la richesse et le niveau de vie des Québécois. C’est le fondement de son ambition et de sa détermination, et c’est ce qui guidera l’action de son gouvernement. L’atteinte de cet objectif passe d’abord et avant tout par une éducation de qualité accessible à tous les enfants, sa deuxième priorité. 

Il a même déjà précisé les indicateurs sur lesquels il faudra évaluer son gouvernement : rattraper l’Ontario pour le revenu disponible par habitant, assurer une croissance plus rapide et soutenue de la productivité, augmenter le nombre d’emplois payés 25 et 30 $ l’heure et stimuler les investissements non résidentiels des entreprises. 

Avec un taux de chômage qui est à un creux historique et des besoins de main-d’œuvre de plus en plus criants, c’est très encourageant de savoir que les priorités ne sont plus la création d’emplois, mais bien la création de valeur et de richesse. Ce sont là les principales sources potentielles de croissance pour la prochaine décennie. Mais il y en a d’autres qui semblent pour l’instant dans l’angle mort caquiste.

Main-d’œuvre

Cibler la croissance de la productivité comme source d’enrichissement individuel et collectif est tout à fait approprié. Mais cela ne doit pas évacuer l’important danger qui plane sur le Québec ; le manque de bras, de jambes et de cerveaux pour contribuer au développement de la société. 

Je prends le risque d’affirmer que LE principal ennemi de la CAQ au cours de son mandat pour soutenir la croissance de l’économie et améliorer le système d’éducation et de santé sera le manque de main-d’œuvre.

Les premières questions des ministres des Finances, de l’Économie, de l’Emploi, de l’Éducation et de la Santé pour leurs sous-ministres devraient être : « combien y a-t-il de ressources disponibles et combien ça en prend pour assurer le maintien des services dans les conditions actuelles ? ».

Avoir un portrait clair des ressources disponibles et nécessaires n’est pas un luxe, c’est une condition de base pour guider la réflexion sur la façon de livrer des services de qualité et soutenir la croissance des entreprises.

C’est ce portrait, opaque et inaccessible pour les observateurs externes, qui va déterminer les actions prioritaires et les arbitrages difficiles. 

Enseignement

Voici un exemple parmi tant d’autres d’obstacles à anticiper. La promesse, si chère au premier ministre, d’ajouter 50 000 places de maternelle dès l’âge de 4 ans exigera le déploiement de 3500 enseignants additionnels par année. On manque déjà d’enseignants et de ressources dans le milieu scolaire pour respecter les engagements passés des libéraux. Alors, oubliez les promesses d’en ajouter. Les solutions ? Revoir la formation et professionnaliser l’enseignement, assouplir les ratios maître-élèves, améliorer la rétention des nouveaux enseignants, revoir les conditions de travail des enseignants et les privilèges béton qui viennent avec l’ancienneté, etc. 

La mise à jour plus rapide des programmes de formation collégiale et universitaire, l’accueil, l’intégration et la rétention des immigrants, et la formation continue deviendront rapidement des enjeux incontournables du gouvernement s’il veut respecter ses propres engagements. 

Comme le premier ministre l’a fait avec l’environnement (j’y reviendrai), il faudrait reconnaître rapidement que les besoins de main-d’œuvre sont pressants et bousculent les habitudes établies. Sans prise de conscience immédiate de l’urgence d’agir, non seulement nous ne rattraperons pas le niveau de richesse de l’Ontario, mais nous nous en éloignerons encore davantage.

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