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Fausses nouvelles, fausses photos

Les incendies de forêt qui dévastent l’Amazonie ont été l’un des sujets les plus discutés sur les réseaux sociaux au cours des derniers jours, notamment sur Twitter. Mais moult fausses informations et, surtout, fausses photos ont été relayées par des internautes et des personnalités connues… comme le président de la République, Emmanuel Macron. 

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Tempête internationale autour des incendies en Amazonie

Les incendies de forêt qui dévastent l’Amazonie, le poumon de la planète, continuaient de prendre de l’ampleur hier, et le président brésilien Jair Bolsonaro en a profité pour jeter de l’huile sur le feu, créant une tempête politique à l’échelle internationale. Explications.

Une forêt qui brûle plus que jamais

En l’espace d’à peine 48 heures, près de 2500 nouveaux incendies de forêt se sont déclarés au Brésil, la plupart en Amazonie. Entre le 1er janvier et le 21 août, 75 336 incendies de forêt ont été enregistrés dans le pays, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE). Une hausse de 84 % par rapport à la même période l’année dernière. Un collectif d’ONG vouées à la préservation « du poumon de la planète » affirmait hier que 54 % de ces incendies s’y situaient. Mercredi, la fumée qui se dégageait des incendies recouvrait presque la moitié du pays, ainsi qu’une partie du Pérou, de la Bolivie et du Paraguay, où d’importants incendies de forêt faisaient aussi rage.

Quelles sont les causes ?

Selon Paulo Moutinho, chercheur à l’Institut de recherche environnementale sur l’Amazonie, la déforestation explique la majorité des incendies, conjuguée à des périodes de saison sèche intenses. « Mais en 2019, nous n’avons pas une sécheresse aussi sévère que lors des années précédentes, or il y a une hausse substantielle du nombre des incendies. Tout indique donc que la saison sèche n’est pas du tout le facteur prédominant. S’il y avait eu plus de sécheresse, cela aurait été bien pire », a-t-il expliqué à l’AFP. Mais, ajoute M. Moutinho, les incendies ont presque toujours une origine humaine, puisque le feu est utilisé « pour nettoyer des zones déjà déforestées, pour ouvrir des pistes ou pour préparer des terres à la culture ».

Tempête politique

Au moment où l’inquiétude montait au Brésil et sur la scène internationale à propos de l’ampleur inédite des incendies, le président Jair Bolsonaro en a profité mercredi pour créer une tempête politique qui s’est poursuivie toute la journée hier. Le président élu en octobre 2018 a accusé les ONG de protection de l’Amazonie d’avoir allumé certains de ces incendies pour mettre à mal l’image du pays, en représailles aux coupes de 40 % de l’aide gouvernementale qui leur était accordée auparavant. « Les Indiens. Vous voulez que j’accuse les Indiens ? Vous voulez que j’accuse les Martiens ? Tout le monde est un suspect, mais les plus grands suspects, ce sont les ONG », a-t-il de nouveau commenté hier. Un peu plus tard, tout en dénonçant ce qu’il qualifie de « psychose climatique internationale », M. Bolsonaro a avoué ne pas avoir de preuves de ce qu’il avance. « Est-ce que j’ai accusé les ONG directement ? Non. J’ai simplement dit que je les suspectais. »

« La même stratégie que Trump »

« Le message [de Bolsonaro] contre les ONG fait partie de sa croisade idéologique contre les “marxistes culturels”, dont personne ne sait exactement de qui il s’agit », dit Dan Furukawa-Marques, spécialiste du Brésil et professeur adjoint au département de sociologie à l’Université Laval. « C’est absurde de penser que des ONG auraient mis le feu à l’Amazonie pour se venger. […] Bolsonaro utilise un peu la même stratégie que Donald Trump. Plus il dit de bêtises, plus il conforte sa base, qui correspond à environ un tiers des Brésiliens. Il a une volonté d’exacerber les tensions sociales. Pour lui, l’Amazonie, c’est l’économie. Et pour défendre cette conception, il va attaquer ceux qui veulent défendre l’Amazonie. »

Macron écorche Bolsonaro, qui réplique

Le président de la France Emmanuel Macron a aussi provoqué la colère de M. Bolsonaro hier en déclarant : « Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20 % de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence. » Des propos salués par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. « Nous avons fait beaucoup de travail pour protéger l’environnement au #G7 à Charlevoix l’an dernier, et il faut continuer ce weekend. Nous devons agir pour l'Amazonie et notre planète – nos enfants et petits-enfants comptent sur nous », a-t-il publié en soirée sur Twitter. Le président du Brésil a répondu à son homologue français de façon cinglante. Dans deux tweets successifs, M. Bolsonaro a accusé M. Macron d’« instrumentaliser une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniens pour des gains politiques personnels » avec « un ton sensationnaliste qui ne contribue en rien à régler le problème ». « Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel », a écrit le président d’extrême droite. « La suggestion du président français que les affaires amazoniennes soient discutées au [sommet du] G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au 21e siècle », a-t-il ajouté.

Un lieu convoité de richesses naturelles, et économiques

S’il est encore difficile d’établir les causes exactes de la catastrophe qui frappe l’Amazonie et la superficie de forêt dévastée par les flammes, l’histoire est peut-être garante de l’avenir, selon Dan Furukawa-Marques. « Ce que nous pouvons dire, c’est que 65 % des terres dévastées par les incendies en Amazonie se transforment en terres de pâturage pour l’industrie de la viande. Et 25 % pour la culture du soya. Le Brésil est le principal exportateur de soya dans le monde et il manque de terres. […] Ce qu’il y a de volontaire, c’est la déréglementation en ce qui a trait à la protection de l’Amazonie et le braconnage. Bolsonaro veut exploiter au maximum les ressources du pays. Il a pratiquement dit que la forêt amazonienne était à vendre. »

Québec regarde la situation de loin

Le gouvernement du Québec observe aussi la situation au Brésil, notamment à São Paulo, où se trouve un Bureau du Québec. Ce dernier est logé dans le consulat général du Canada. Rappelons que lundi, la fumée était si dense dans la mégapole brésilienne qu’une quasi-obscurité s’était installée durant l’après-midi. « Le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) est en lien avec la directrice du Bureau du Québec afin de s’assurer que des mesures soient prises si la qualité de l’air venait à se détériorer. Selon nos dernières informations, ni le personnel du Bureau ni celui du consulat n’est incommodé par la fumée, celle-ci ayant diminué depuis lundi », a dit à La Presse Liliane Côté, porte-parole du MRIF. L’aide de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), qui a l’habitude d’intervenir à l’étranger, n’avait pas été sollicitée hier au moment d’écrire ces lignes.

L’Amazonie en chiffres

20 %

Proportion du bassin amazonien déforesté, une superficie équivalant au territoire de la France

5,5 millions de km2

C’est la plus grande forêt tropicale de la planète. 2,1 millions km2 sont protégés.

60 %

Superficie de la forêt amazonienne qui se situe au Brésil

9

Nombre de pays et région d’outre-mer qui se trouvent dans le bassin de l’Amazone, qui fait 7,4 millions de km2, soit 40 % de l’Amérique du Sud. Ces pays sont le Brésil, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Surinam et la Guyane française.

25 %

Proportion des espèces mondiales présentes en Amazonie : 30 000 espèces de plantes, 2500 de poissons, 1500 d’oiseaux, 500 de mammifères, 550 de reptiles et 2,5 millions d’insectes

Source : Agence France-Presse

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