100 idées pour améliorer le Québec Nécessaire immigration

Oui, il est possible d’intégrer les immigrants !

Nous avons tous un voisin qui ressasse d’un ton accusateur que les immigrants sont mal intégrés. On peut être d’accord ou non, mais ce constat est simpliste à l’extrême.

Et si on se demandait plutôt quelles sont les solutions existantes pour un immigrant qui veut s’intégrer ? J’aimerais proposer une solution efficace, même si elle n’est pas encore assez utilisée.

Revenons à ce même voisin. Il vous racontera peut-être que, si les immigrants sont mal intégrés socialement, c’est parce qu’ils veulent rester entre eux, qu’ils ne font pas d’efforts pour parler le français, ou qu’ils ne sont pas intéressés par les Québécois et la culture québécoise.

Pour plausible qu’elle soit, cette explication ne coïncide pas du tout avec mon expérience de chercheure en psychologie de l’immigration. Le constat de toutes les études menées auprès d’immigrants de la grande région montréalaise dans lesquelles j’ai été engagée est sans équivoque.

La majorité des participants, qu’ils viennent du Maghreb, de la Russie ou d’ailleurs, veulent se faire des amis québécois et s’intégrer à la culture majoritaire.

Mais dans bien des cas, cette volonté d’intégration n’est pas couronnée de succès. Interrogée sur son cercle d’amis, une participante à une de nos études regrette n’avoir que des relations superficielles avec les Québécois. « Je n’ai pas réussi à trouver ce qu’il faut faire pour que ça aille un peu plus profond », déplore-t-elle.

Faute de se matérialiser, la volonté s’effrite et bien des immigrants se tournent alors vers ceux qui partagent leur culture ou vers des immigrants d’autres origines, qui partagent un vécu similaire. De telle sorte que si l’on converse avec des immigrés établis de longue date, il n’est pas rare de constater que leur réseau social compte très peu de Québécois, souvent des collègues de travail.

Comment expliquer cet écart entre motivation et réalisation ? Les Québécois sont-ils racistes, fermés, peu accueillants ? La réalité est assurément toute autre.

Il est simplement difficile de communiquer avec une personne d’un autre horizon. Lorsque nous interagissons avec quelqu’un de notre propre culture, nous faisons appel à tout un bagage culturel partagé qui orchestre notre interaction. Nous rions au bon moment, nous ne parlons pas trop fort, nous exprimons de la fierté lorsqu’il est approprié de le faire – tout cela sans nous en rendre compte.

Par contre, lorsque ce terrain culturel commun est absent, les rouages de la communication semblent un peu grippés, on n’est plus tout à fait sur la même longueur d’onde. « Je comprends ce qu’ils disent, mais c’est comme regarder un film avec seulement la moitié du son, ou comme s’il y avait une épaisseur de verre entre eux et moi », me dit une participante immigrante à propos de ses interactions avec les Québécois. L’incertitude règne alors, et avec elle s’installe une forme d’inquiétude, un phénomène que les chercheurs en psychologie interculturelle appellent « l’anxiété interculturelle ».

L’anxiété interculturelle est un obstacle pour tous. Mais pour les gens d’ici, dont le tissu social est bien rempli par la famille et les amitiés existantes, les incitations à surmonter ces difficultés sont minimes.

Heureusement, l’anxiété interculturelle n’est ni une fatalité ni une fin en soi.

Il existe des solutions pour favoriser l’intégration sociale des immigrants : simples, efficaces, et pas chères – comme on les aime.

Une formule prometteuse

Les jumelages interculturels sont parmi les plus prometteuses de ces solutions. Un nouvel arrivant et une personne d’ici sont placés en binômes pour se rencontrer et échanger, sans autre engagement que le dialogue. La formule varie selon le contexte.

À l’UQAM, des étudiants de l’École des langues apprenant le français (typiquement immigrants) sont jumelés à des étudiants francophones d’autres départements pour un trimestre. Au Centre d’accueil et de référence pour les immigrants à Saint-Laurent, le jumelage se décline grâce aux familles et met l’emphase sur les arrivants syriens.

Dans tous les cas, ces programmes connaissent un franc succès.

Vecteurs d’intégration pour les nouveaux arrivants, de sensibilisation et de découverte pour les Québécois, les jumelages peuvent jouer un rôle clé dans le développement d’une société inclusive et harmonieuse.

Le problème ? Leur rareté. Au Québec, ce sont environ une trentaine d’organismes qui offrent des jumelages. C’est bien. Mais compte tenu du fait que le Québec accueille environ 50 000 nouveaux arrivants chaque année, c’est clairement trop peu.

Les jumelages interculturels ne sont pas nouveaux : ils remontent aux années 80. Ce qui serait novateur, ce serait une société où ils seraient offerts à tous, soutenus par une organisation telle que le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. Une société où chaque nouvel arrivant pourrait bénéficier de ce formidable outil d’intégration.

Suggestion de lecture Carignan, N., Deraîche, M., & Guillot, M. C., Jumelages interculturels : communication, inclusion et intégration, Presses de l’Université du Québec, 2015

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