Liberté volontaire

Scott Rieckens et sa femme Taylor ont tourné le dos à des carrières exténuantes et à une vie comportant un bateau et une BMW à San Diego afin de poursuivre l'objectif de l’indépendance financière. Ils comptent prendre leur retraite dans six ans, une histoire que M. Rieckens raconte dans son nouveau livre, Playing with FIRE, et dans un documentaire qu’il présente dans plusieurs grandes villes américaines. La Presse lui a parlé.

Dans votre livre, vous expliquez avoir découvert le mouvement de l’indépendance financière en 2017, au moment où votre épouse Taylor et vous viviez ce qui semblait être une vie de rêve à San Diego. Qu’est-ce qui vous a accrochés ?

Nous venions d’avoir notre fille, Jovi, et ma femme Taylor ne voulait pas retourner au travail. Elle voulait élever elle-même notre fille – c’est devenu une priorité pour elle. Nous avions alors des revenus familiaux d’environ 140 000 $US, deux carrières, une maison, deux voitures louées, dont une BMW, nous mangions au restaurant plusieurs fois par semaine et j’étais membre d’un club de yachting… Bref, nous ne pouvions pas nous permettre de perdre le salaire de ma femme. Mon réflexe a été d’essayer de trouver une idée d’entreprise web qui pourrait m’enrichir et régler tous nos problèmes. Un jour, en me rendant au travail, j’écoutais la baladodiffusion de Tim Ferris, et l’invité était Mr. Money Mustache, ce blogueur canadien qui a vécu raisonnablement, travaillé fort, investi son argent dans la vingtaine et qui a pris sa retraite avec sa femme avant l’âge de 31 ans. Cette entrevue m’a frappé comme une tonne de briques. J’ai rangé ma voiture sur le côté de la route pour l’écouter. Tout d’un coup, j’ai vu qu’il existait une porte de sortie, qu’on ne devait pas se brûler à travailler comme des fous durant 40 ou 50 ans, qu’il existait une autre façon de vivre.

En quelques mois, votre femme et vous avez décidé de changer votre vie : vous vous êtes défaits de votre maison, de votre BMW et de vos habitudes coûteuses pour déménager dans une petite ville en Oregon.

Oui, notre choix a été de placer notre liberté au cœur de notre projet de vie. La vie est moins chère en Oregon, et comme nous travaillons de la maison, nous pouvons désormais alimenter chaque mois nos placements et travailler à bâtir notre indépendance financière plutôt que payer une voiture neuve ou des factures de restaurant. Déménager ici m’a aussi fait voir à quel point la culture des grandes villes nous pousse à dépenser. Concerts, restaurants, véhicules : tout est à votre portée. Vous avez les mains sèches ? Amazon peut vous livrer de la crème hydratante le jour même. Vous vous ennuyez ? Le resto de sushis est à deux pas, et Uber peut vous livrer ça en 20 minutes. En Oregon, les choix sont limités, mais, étonnamment, notre niveau de bonheur est plus élevé qu’il ne l’était à San Diego.

Lorsqu’il est question d’épargner, bien des gens suggèrent de couper les cafés achetés chez Starbucks chaque jour ou d’autres dépenses courantes non essentielles. À l’opposé, plusieurs disent que s’attaquer à ces dépenses est futile. Quel est votre avis ?

Je crois que c’est un bon exercice d’analyser ses dépenses courantes non essentielles, comme les 4 $ ou 5 $ dépensés chaque matin chez Starbucks, car pour bien des gens, c’est un premier pas concret et facile à mettre en application. Par exemple, 5 $ par jour donnent 1825 $ par an, soit plus de 30 000 $ pour une période de 10 ans si vous aviez investi cet argent dans les marchés boursiers. Vues sous cet angle, nos dépenses de tous les jours ont une incidence énorme. Une fois que les gens le constatent, ils veulent souvent aller plus loin. Les trois dépenses les plus importantes sont le logement, le transport et la nourriture. C’est là que vous avez l’impact le plus grand, mais ça ne se change pas du jour au lendemain. Nous avons changé ces trois catégories, et c’est en investissant les sommes ainsi dégagées dans des fonds indiciels Vanguard que nous pourrons atteindre la liberté financière dans six ans.

Bien des gens ont du mal à voir pourquoi quelqu’un prendrait sa retraite aussi jeune – dans votre cas, quelque part au début de la quarantaine. Que comptez-vous faire à la retraite ?

J’aime dire que le travail, c’est important, mais qu’un emploi, ça ne l’est pas. J’ai découvert que le 9 à 5, ce n’est pas un plus dans ma vie. Je ne veux pas qu’on planifie mes journées pour moi. À la retraite, je vais continuer à travailler, mais je n’aurai plus besoin de gagner ma vie. J’aimerais démarrer un espace de travail partagé et aider les jeunes entrepreneurs à démarrer leurs projets. Je compte aussi continuer à faire partager mes connaissances et mon expérience sur la question de l’épargne et de l’indépendance financière. Aux États-Unis, la crise économique de 2008-2009 est terminée depuis longtemps. Or, les finances des gens sont dans un état critique : environ 70 % des Américains n’ont pas 1000 $ à leur disposition. On le voit même chez des gens qui gagnent bien leur vie. Ils dépensent chaque dollar : tout s’en va en consommation. C’est une façon très stressante de mener sa vie. Je le sais, je l’ai fait. Lorsque nous habitions à San Diego, la plage était tout près, mais nous n’y allions pratiquement jamais. Nous étions trop occupés à travailler.

Qu’est-ce que le mouvement FIRE ?

Le mouvement FIRE (acronyme de Financial Independence, Retire Early, soit indépendance financière, retraite anticipée) rassemble des gens qui ont décidé d’épargner environ la moitié ou plus de leurs revenus familiaux afin d’investir et d’acquérir l’indépendance financière avant l’âge habituel de la retraite. Dans ce contexte, réduire ses dépenses courantes a deux avantages : augmenter les sommes consacrées à l’épargne et diminuer la somme totale à épargner afin de pouvoir financer son train de vie à perpétuité. Les « jeunes retraités » peuvent arrêter de travailler lorsqu’ils ont épargné l’équivalent de 25 fois le montant de leurs dépenses annuelles, ce qui leur permet de vivre en décaissant annuellement 4 % de leurs actifs. Bon nombre de ces investisseurs font des placements dans des fonds indiciels à frais modiques comme ceux des firmes BlackRock et Vanguard.

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