Un livre de recettes au cannabis pour Jean Soulard

Oubliez les simples muffins ou les classiques brownies. Le réputé chef Jean Soulard tentera de faire entrer le cannabis dans le monde gastronomique québécois avec un projet de livre de recettes au pot, a appris La Presse.

La ministre responsable du dossier accueille la nouvelle avec un appel à la prudence, alors que des experts en santé publique mettent en garde contre les risques associés à la cuisine au cannabis.

La publication du livre du chef devrait suivre la légalisation de la substance, annoncée pour le 17 octobre.

Son éditeur, Flammarion, a confirmé l’existence de « ce projet de publication avec Jean Soulard », mais refuse de le commenter davantage. Tant que la loi « ne sera pas en vigueur » et « le cannabis en circulation, nous n’aurons pas d’autres confirmations », a ajouté Laurène Guillemin, attachée de presse de la maison d’édition. « Actuellement, nous n’avons pas de point de vue à exprimer. »

Jean Soulard, qui a acquis sa réputation en dirigeant les cuisines du Château Frontenac pendant 20 ans, n’a pas répondu aux appels et aux messages de La Presse.

Le chef a déjà une dizaine de livres de recettes à son actif.

Appel à la prudence et à la joie

À Québec, la ministre déléguée à la Santé publique et responsable du dossier du cannabis, Lucie Charlebois, a accueilli la nouvelle avec circonspection.

« La publication d’un tel livre est légale, mais je rappelle à la population d’être prudente, car seule la Société québécoise du cannabis (SQDC) sera autorisée à vendre du cannabis à un particulier et que la vente de produits dérivés du cannabis quant à elle est complètement illégale. »

— Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Santé publique, dans une déclaration transmise par courriel 

Son cabinet a souligné qu’en raison de cette interdiction, il ne sera pas permis à un restaurateur de servir des plats au cannabis dans son établissement.

D’autres accueillent la publication prochaine avec plus d’enthousiasme. Robert James Penny, mieux connu sous son pseudonyme de « Bob le Chef », a lui-même diffusé des capsules vidéo de cuisine au cannabis au début de sa carrière. Il a sauté de joie en apprenant le projet de M. Soulard.

« C’est malade », a affirmé le chef en entrevue. 

« S’il y a une personne dont je suis content qu’elle le fasse, c’est lui. Peut-être que la crédibilité de M. Soulard va ouvrir les yeux aux gens. » 

— Le chef Robert James Penny

M. Penny souligne notamment que le livre pourrait être utile aux patients qui consomment du pot pour des raisons thérapeutiques.

Malgré ses vidéos datant de quelques années, le chef n’a pas l’impression de s’être fait voler sa spécialité.

« Même si, dans mon jeune temps un peu plus fou, j’ai fait des capsules sur YouTube où je cuisinais le cannabis, à ce moment-ci de ma carrière, mes positions sur la légalisation restent les mêmes, mais je n’irais pas au point d’en faire une capsule et encore moins un livre », a-t-il affirmé.

Inquiétudes

Le projet de Jean Soulard suscite bien des questions du côté de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), qui s’est impliquée dans le débat sur la légalisation du cannabis.

L’ingestion de cette substance pose des risques particuliers, a souligné la porte-parole Émilie Dansereau. « Le problème avec le cannabis comestible, c’est que le délai d’action est retardé, ce qui fait en sorte qu’on a observé au Colorado des cas d’intoxication parce que les gens ont l’impression que ça ne marche pas et en prennent plus », a-t-elle dit. Toutefois, elle a précisé que le fait d’inhaler la fumée du pot était globalement une façon plus néfaste de le consommer que de le manger.

Mme Dansereau aimerait surtout savoir si le livre de Jean Soulard comprendra des avertissements adéquats, ainsi qu’une méthode pour savoir facilement à quelle dose de cannabis correspond une portion de la recette préparée. Ces plats cuisinés devront être bien rangés hors de portée des mineurs, a-t-elle souligné. « Si tu fais une fournée de brownies, ça se peut que tes enfants aient envie d’en manger. Je sais que chez moi, le chocolat est très populaire », a-t-elle illustré.

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