Ça s’explique

Les autos sans conducteur

Chaque dimanche, l’équipe de Pause prend le temps d’expliquer une parcelle d’actualité. Cette semaine, on s’intéresse au développement des voitures autonomes.

Un grand coup en août ?

Tesla, un constructeur de voitures électriques de luxe, a affirmé que ses véhicules pourraient se conduire seuls – dans certaines situations – dès le mois d’août. Cette annonce met du piquant dans la course que se livrent plusieurs grandes entreprises pour mettre au point une voiture autonome. « Si Tesla y parvient, souligne Nicolas Saulnier, spécialiste des transports à Polytechnique Montréal, ce constructeur deviendrait le premier à vendre à des particuliers des voitures capables de faire ça. »

Qu’est-ce que c’est, une voiture autonome ?

On pourrait dire que c’est une voiture qui se conduit toute seule, mais dans les faits, c’est un peu plus compliqué que ça. Nicolas Saulnier dit qu’une voiture véritablement autonome ne s’appuierait sur aucune autre information que celles récoltées par ses capteurs, qui remplacent les yeux du conducteur. « Elle perçoit l’environnement et est capable de prendre des décisions en temps réel », résume le professeur. Un trou dans la chaussée ? Elle le contourne. Un animal traverse la route ? Elle stoppe.

Capable de quoi ?

Il y a déjà des autos capables de se garer toutes seules ou d’ajuster leur vitesse sur l’autoroute. Ces outils ne constituent pas un vrai système de pilotage automatique, mais plutôt des aides à la conduite. Pour mieux situer ce qui se fait et ce que les entreprises visent, Nicolas Saulnier suggère de jeter un œil sur l’échelle des niveaux d’automatisation à laquelle se réfèrent les ingénieurs du domaine de l’automobile.

Niveau 0

Direction, accélération, freinage : tout repose sur les gestes faits par le conducteur.

Niveau 1 et 2

Des outils d’aide à la conduite, comme les freins ABS, le régulateur de vitesse ou l’aide au stationnement, vont permettre au conducteur de se relâcher un peu, même s’il reste en contrôle de la voiture.

Niveau 3 et 4

Le système informatique de la voiture contrôle désormais la majorité sinon tous les aspects de la conduite. Au niveau 3, on s’attend à ce que le conducteur réagisse lorsque l’automobile le lui demande. Au niveau 4, l’auto s’arrange toute seule dans certains modes de conduite.

Niveau 5

Le conducteur n’est plus nécessaire, peu importe les trajets et les conditions routières. L’objectif de GM et de Waymo (Google) est d’en arriver à des véhicules tellement autonomes qu’ils n’auront même pas de volant !

Tous dans la course !

Tous les grands constructeurs développent des voitures plus ou moins autonomes. Nicolas Saulnier souligne que Nissan et Toyota se concentrent sur l’aide à la conduite, sans chercher à atteindre l’automatisation complète de leurs véhicules à court terme, alors que GM vise le lancement, dès l’an prochain, d’un service de covoiturage par voiture complètement automatisée. « Les gens les plus avancés en ce moment, c’est Waymo, la filiale de Google », dit l’ingénieur. Dans le cadre de ses tests sur route, Waymo offre déjà un service de taxi automatisé à des familles dans la région de Phoenix, en Arizona.

Sans conducteur et sans danger ?

Une voiture Uber automatisée a tué une femme qui traversait la rue en mars dernier dans le cadre d’un test sur route pourtant supervisé par un être humain. Trois accidents mortels sont aussi survenus alors que les conducteurs utilisaient le système de pilotage automatique de Tesla. Ces accidents mortels ne font toutefois pas douter Nicolas Saulnier : il est convaincu que, au terme du processus de développement, ces véhicules seront « plus sécuritaires » que ceux conduits par des humains. « Je travaille en sécurité routière et je vois le véhicule sans conducteur comme la seule façon d’éliminer le problème des accidents, un problème de santé publique dont on a à peine conscience, dit-il. On n’arrivera pas à éliminer ce problème tant qu’il y aura des conducteurs humains : on fera toujours des erreurs, on sera toujours distrait. »

Une révolution

Ceux qui défendent le développement de voitures automatisées pensent entre autres qu’elles pourraient rendre la circulation plus fluide et être très utiles pour les transports collectifs. Le déploiement de ce type de véhicule risque d’avoir un impact sur bien des gens : si les camions, taxis et autobus se déplacent seuls, il n’y aura plus de travail pour ceux qui les conduisent actuellement…

Encore de grands défis

Ce n’est pas demain la veille que la majorité des voitures se conduiront toutes seules. Les constructeurs font en effet face à une quantité de défis, petits et grands. En plus de devoir s’assurer que les véhicules ne pourront pas être piratés et manipulés à distance pour provoquer des accidents, ils doivent trouver des solutions à des problèmes encore plus concrets. Nicolas Saulnier en soulève un : que faire si les capteurs sont sales ? Est-ce qu’on demande au conducteur de se ranger sur le bord de la route pour les nettoyer ? demande-t-il. Ce n’est qu’une question parmi d’autres… « J’ai tendance à penser que ces défis techniques peuvent être résolus avec plus de tests et de données », dit-il toutefois.

Sources : Wired, The New York Times, CNBC, Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé

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