Exposition Balenciaga, maître de la haute couture

Parfaite structure

Christian Dior le surnommait « notre maître à tous », Coco Chanel disait : « Il est le seul d’entre nous qui est un vrai couturier. Lui seul est capable de couper un tissu, de le monter, de le coudre de sa main. Les autres ne sont que des dessinateurs. » Jusqu’au 14 octobre, le musée McCord présente Balenciaga, maître de la haute couture, une exposition du Victoria and Albert Museum de Londres (V&A).

Cristóbal Balenciaga (1895-1972) est l’un des couturiers les plus respectés et innovants du XXsiècle, c’était aussi un homme d’une grande discrétion. Né à Getaria, village de pêcheurs du Pays basque, situé dans le nord de l’Espagne, il est initié jeune à la mode par sa mère couturière. En 1917, après un apprentissage chez un tailleur de la ville, il crée son premier atelier à San Sebastián. En 1937, alors que la guerre civile espagnole éclate, Balenciaga ouvre sa maison de couture à Paris, où il passera le reste de sa carrière.

« Balenciaga pouvait atteindre un niveau de perfection dans la confection de ses vêtements qui était exceptionnel. »

— Cynthia Cooper, conservatrice mode, costume et textiles du musée McCord

« C’était le seul qui pouvait réaliser les vêtements dans toutes ses étapes et on retrouve un souci du détail que tous les autres couturiers ont toujours admiré », ajoute Cynthia Cooper.

L’exposition présentée à Montréal réunit près de 80 robes, chapeaux et accessoires du couturier espagnol, reconnu pour son ingéniosité, ses coupes architecturales ainsi que l’utilisation révolutionnaire de nouvelles matières. Tout au long de la visite, on découvre de splendides robes, croquis et photographies qui rendent hommage au savoir-faire de Balenciaga et dévoilent ses techniques de fabrication.

Architecte du vêtement

On voit que Balenciaga a une vision du corps bien singulière. Il propose des lignes fluides et minimalistes ainsi que des formes inédites. « Dans les années 50 et 60, il a créé de nouvelles silhouettes très surprenantes. Il abordait le corps de manière très architecturale. On n’avait pas besoin d’être mince et d’avoir 20 ans pour porter ses vêtements, d’ailleurs beaucoup de ses clientes étaient des femmes plus âgées, avec des courbes, des hanches, et il était ravi de cela », souligne Oriole Cullen, conservatrice mode du V&A.

En 1955, il introduit la tunique ; en 1957, la « robe sac », qui provoque un choc, car elle fait disparaître complètement la taille ; en 1958, la robe « baby doll » de forme trapèze, qui est large et confortable, tandis que la « robe enveloppe » pousse à l’extrême ses recherches sur la forme et le tissu.

« C’est le tissu qui décide », disait Balenciaga. Il voulait toujours aller plus loin dans l’exploration des formes et des matières. « En 1958, il invente un incroyable tissu appelé “le gazar”. Avec cette matière, de la soie rigide, la forme des vêtements tenait toute seule. Il crée ainsi un tissu sculptural qui ne pèse rien et qui lui permet des volumes. Le gazar a été emblématique de la signature de Balenciaga », indique Oriole Cullen.

L’influence espagnole se fait sentir dans ses créations : « Il s’est inspiré des robes flamencos, des châles, des broderies, de la mantille, ce voile de dentelle noire et des capes de la peinture espagnole », raconte Cynthia Cooper.

Interactivité et touche montréalaise

Les visiteurs pourront essayer une copie d’une jupe Balenciaga qui se transforme en cape et qui montre ainsi le côté très ingénieux du couturier. Les visiteurs pourront aussi réaliser et plier la version papier du manteau à une seule couture de Balenciaga et découvrir de cette manière la technique du couturier.

Une touche montréalaise a été ajoutée à l’exposition. Quatre robes du soir portées par des Montréalaises sont exposées, dont une ayant appartenu à Dorothy Killam, femme du financier Izaak Walton Killam. « Elle avait des goûts très luxueux et raffinés pour les vêtements », précise Cynthia Cooper. Pour la petite histoire, la succession d’Izaak Killiam a permis de créer le Conseil des arts du Canada.

Holt Renfrew était le plus grand acheteur de Balenciaga au Canada. Alvin J. Walker, directeur puis président du grand magasin, avait établi des relations avec des maisons de couture parisiennes. « Deux robes achetées lors de voyages à Paris sont exposées », ajoute la conservatrice du musée McCord.

La dernière salle est consacrée à l’héritage laissé par Balenciaga. Le travail d’Oscar de la Renta, André Courrèges, Hubert de Givenchy, Paco Rabanne, Dries Van Noten et Nicolas Ghesquière reflète bien l’influence que le créateur espagnol a eue sur ces designers autant dans leur approche minimaliste que dans les coupes de leurs vêtements.

Oriole Cullen, conservatrice mode du V&A, estime que Demna Gvasalia, actuel directeur artistique de la maison Balenciaga, est très subversif dans son approche. « Il remet en question les idéaux de la beauté féminine, comme le faisait Balenciaga. C’est de cette façon qu’on fait avancer la mode, lorsqu’on provoque et qu’on apporte quelque chose de nouveau et d’inédit. »

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