Plein air

ABC Cycles et Sports
Disparition d’une institution du vélo

Alors que les cyclistes commencent à rêver du printemps, ils doivent accepter la disparition d’un des plus anciens magasins de vélos de Montréal, ABC Cycles et Sports.

Cela faisait 85 ans que la famille Sylvestre faisait rouler cette boutique sur l’avenue du Parc. Mais les marges de profit étaient minces, les heures de travail étaient longues, il n’y avait pas de relève dans la famille et, à moins de vendre la bâtisse, il n’y avait pas grand espoir de retraite pour le patron, François Sylvestre. Une offre d’achat s’est présentée, il l’a acceptée et il a définitivement fermé les portes d’ABC le 24 décembre dernier. M. Sylvestre travaille maintenant à écouler son stock, une tâche qu’il devrait terminer d’ici la fin de juin.

« Ce que je vais faire après ? Je n’y ai pas encore pensé. »

32 ans au magasin

C’est le grand-père de François Sylvestre qui a ouvert la boutique en 1932. François a commencé à y travailler à 16 ans pendant le congé estival, avant d’y travailler à temps plein à l’âge de 18 ans. C’était il y a 32 ans.

Devenu patron, il a dû multiplier les heures au magasin. « Ça demandait beaucoup de travail. Je faisais en moyenne 60 heures par semaine sur l’ensemble de l’année, mais en été, je me tapais 90 heures par semaine. En vieillissant, j’ai dû modérer. Les deux dernières années, je faisais 80 heures par semaine. »

Lorsqu’il a vu que ses deux enfants se plaçaient comme électriciens, il a compris qu’il n’aurait pas de relève dans la famille.

Dans le passé, des acheteurs potentiels s’étaient manifestés pour mettre la main sur l’immeuble qui abritait ABC. M. Sylvestre avait alors refusé de vendre. Le groupe, qui possédait d’autres propriétés dans le secteur, s’est manifesté de nouveau en 2017. « Ils m’offraient plus que ce que ça valait. Alors, j’ai vendu. J’ai vraiment l’impression que je n’avais pas d’autre option. »

Comme les acheteurs voulaient utiliser l’immeuble pour d’autres fins, M. Sylvestre a cherché un autre local. Dans une note laissée en décembre sur la devanture de la boutique de l’avenue du Parc, il a fait savoir qu’il ferait connaître les nouvelles coordonnées d’ABC au début de février. Mais voilà, les loyers sont très élevés à Montréal. Lorsqu’il possédait son propre immeuble, M. Sylvestre pouvait se permettre de ne pas payer de loyer pendant les périodes difficiles. Ce n’était plus une option.

« Il aurait fallu faire plus d’argent, augmenter les heures, mieux gérer les stocks, ça demandait plus de travail. Il aurait fallu réinvestir 300 000 $. On ne fait pas ça pour deux-trois ans. À un moment donné, je ne voyais plus le bout. »

— François Sylvestre, ex-patron

Pas d'intérêt

M. Sylvestre a cherché à vendre le commerce à des employés. « On a regardé ça, mais les gens ne voulaient pas mettre les heures pour faire rouler une business de détail. Je me suis viré de bord et j’ai appelé d’autres détaillants. »

Encore une fois, il y a eu des discussions sérieuses, mais elles ne se sont pas conclues sur une entente. « J’aurais voulu un partenariat avec des gens qui auraient mis des heures, mais lorsque je parlais de ce qu’il fallait mettre, ils n’étaient pas tout à fait d’accord. »

M. Sylvestre a annoncé la fermeture d’ABC sur son site internet. Il a veillé à donner les coordonnées de quelques autres commerçants spécialisés du coin, comme Cycles Gervais Rioux et Cycles Régis. « Ce sont les plus proches de chez moi qui ont une business sérieuse. »

Il rappelle qu’il y a encore beaucoup de détaillants de vélos à Montréal. « Le problème, c’est que c’est saisonnier. Pendant la grosse saison, pendant les deux mois d’été, il n’y a pas trop de magasins. Mais après le rush, il y en a trop. »

M. Sylvestre ne veut pas céder à la tristesse en pensant à la fermeture d’une boutique qui existe depuis 85 ans. « Je ne pense pas à la tristesse, je pense à moi. Je n’ai plus la jeunesse. Je ne suis pas vieux, mais je suis usé. J’ai 50 ans, mais mon médecin dit que j’ai un corps de 60 ans. »

Il entend prendre une pause avant de penser à ce qu’il va « faire plus tard ». « Je vais commencer par faire du vélo, par voir l’été passer. J’ai été élevé sur une ferme avant de travailler dans la boutique. Je n’ai jamais vu un été de ma vie. »

Vidéo de la semaine

Planche à neige au milieu de nulle part

L’hiver n’est pas fini. Cette vidéo filmée dans une région isolée de la Colombie-Britannique nous le rappelle.

Chiffre de la semaine

18

La population de caribous forestiers de Val-d’Or ne compte plus que 18 individus. Selon le ministère québécois de la Forêt, de la Faune et des Parcs, cette population est à haut risque d’extinction.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.