L’Impact

Garde a posé les fondations

Malgré des attentes modestes et une première ligne droite au ralenti, l’entraîneur Rémi Garde a bien failli mener l’Impact en éliminatoires. Pour faire le tour d’horizon de cet an 1 où se mêlent la déception et l’espoir de jours meilleurs, La Presse a interrogé trois observateurs.

Évaluateurs

Patrick Leduc, ancien joueur de l’Impact et analyste à RDS

Pat Raimondo, entraîneur de l’équipe masculine des Carabins de l’Université de Montréal et titulaire d’une licence UEFA de niveau A

Matthias Van Halst, journaliste, responsable du contenu en français offert par la MLS et fondateur d’impactsoccer.com

L’adaptation

Les premiers pas n’ont pas été faciles pour Garde, entre un mercato tardif et incomplet, des blessures inopportunes (Zakaria Diallo) et, par ricochet, un premier tiers d’année marqué par une accumulation de défaites. « On peut parler d’un apprentissage difficile. Mais attention, on ne dit pas qu’il ne connaissait pas le sport ou qu’il ne savait pas entraîner une équipe. Il devait simplement s’ajuster à la réalité de la MLS et apprivoiser les règlements de la ligue », précise Leduc.

Effectivement, après des expériences en France et en Angleterre, Garde a dû se familiariser avec l’environnement MLS si distinctif. Il a aussi hérité d’un club dont le besoin de changements était profond.

« Au niveau du recrutement en MLS, c’est clair qu’il y a eu une grosse défaillance cet hiver. Mais doit-on le mettre sur le dos de Garde parce que ça a toujours été un problème chez l’Impact ? s’interroge Van Halst. Pour le reste, c’est vrai qu’il y a énormément de choses à apprendre en MLS. L’adaptation, ça prend un certain temps, et on jugera son apprentissage l’an prochain, s’il ne répète pas les mêmes erreurs qu’en 2018. »

Les résultats

L’Impact a donc raté les séries, mais son total de 46 points dépasse les pronostics effectués en début de saison. « Par rapport aux attentes, c’est extrêmement bien. Avant la saison, je les voyais dans les derniers. À ce moment-là, [Rod] Fanni, [Rudy] Camacho n’étaient pas arrivés, Diallo venait de se blesser et ça n’allait pas très bien avec [Kyle] Fisher. Quand on voit la manière dont ça a commencé, c’est très bien qu’il soit resté compétitif jusqu’à la dernière semaine », juge Van Halst.

Rappelons que l’Impact a connu un long retard à l’allumage, mais a ensuite tourné à un excellent rythme de 1,82 point par match à partir de la mi-saison. Sa moyenne était de 0,88 point avant ça.

« Je pense que Rémi a peut-être sous-estimé la MLS, mais vu que c’est une personne et un entraîneur intelligent, il s’est ajusté en cours de route, indique Raimondo. Mais c’était un peu trop tard parce que le trou qui s’était créé après 10-12 matchs était trop profond. »

« Depuis que l’Impact est en MLS, Rémi Garde est le coach avec le plus d’outils. C’est un succès pour cette année de transition. »

— Pat Raimondo

Les principes de jeu

Il a aussi fallu du temps à l’Impact pour façonner son identité. Pour Van Halst, la victoire contre Kansas City [le 30 juin] est le symbole d’une « énorme évolution » dans le jeu montréalais.

« Durant la période où ça allait le mieux, il y avait une bonne organisation défensive, mais on voyait que l’équipe n’avait pas peur de garder le ballon et de développer quelque chose. […] Après le match à Philadelphie [le 15 septembre], j’ai eu l’impression que le jeu de l’équipe a été très caricatural et trop attentiste. »

C’est au chapitre défensif que l’Impact a donc fait le plus de progrès en cours d’année, bien aidé par l’apport de Fanni et par une plus grande stabilité. Dans les 21 derniers matchs, il n’a encaissé que 24 buts, dont 5 à D.C. United.

« Ce qu’on a vu, surtout au stade Saputo, c’est cette volonté de dicter le rythme. Ça peut être avec la possession du ballon contre des équipes faibles ou défensivement en restant compact, en ralentissant le jeu et en obtenant des contre-attaques, analyse Leduc. D’avoir géré la majorité des matchs à partir de la mi-saison, c’est peut-être la plus grande réussite de Garde. »

La gestion du groupe

Démarrons par les changements en cours de match, domaine dans lequel Garde a essuyé son lot de critiques en début d’année. « Il a dit que ce n’était pas clair que les joueurs sur le banc pouvaient apporter quelque chose de mieux, rappelle Leduc. Je respecte ça, mais le problème est le message que ça envoie à ta propre équipe. Sur le long terme, tu as besoin de tout le monde et qu’ils y croient. »

Le manque de profondeur sur le banc était flagrant. On a, par ailleurs, eu l’impression que Garde a rapidement fermé quelques avenues. « Le meilleur exemple est [Dominic] Oduro, à qui il a dit tout de suite qu’il ne comptait pas sur lui. C’est tout à son honneur d’être franc, mais ça n’a pas aidé l’équipe de le dire. On aurait peut-être pu l’utiliser et obtenir quelque chose », précise Leduc.

En début d’année, Garde a publiquement demandé à ses remplaçants – Raheem Edwards, Anthony Jackson-Hamel et Oduro – d’en montrer plus à l’entraînement. Avec le recul, cette extrême franchise, tellement rare dans le milieu, a porté ses fruits.

« Il a arrêté de faire ça en deuxième moitié de saison parce que ça ne se fait pas ici. Mais en France, en Italie ou en Espagne, tu peux critiquer ouvertement les joueurs comme ça, soutient Raimondo. Mais, honnêtement, le coach avait raison dans le cas de Jackson-Hamel, par exemple. »

Pour Leduc, la plus grande réussite humaine de Garde a été de bien composer avec les maladresses de Joey Saputo dans les dossiers Nacho Piatti et Jimmy Briand.

Les changements pour 2019

Maintenant que l’Impact a fait un pas dans la bonne direction – sept points de plus qu’en 2017 –, sa mission sera de combler les lacunes. Tout le monde comprend la nécessité d’un bon numéro 9.

« Il faut un attaquant qui marque des buts régulièrement. Je n’ai rien contre [Quincy] Amarikwa, qui est très sympathique et plein de charisme, mais s’il marquait des buts régulièrement, il n’aurait pas eu la carrière qu’il a », lâche Van Halst, par ailleurs très élogieux envers Micheal Azira.

Comme Van Halst, Raimondo espère des changements dans tous les secteurs. Il souhaite un nouveau milieu défensif, plus technique que Samuel Piette, et même un nouveau gardien. « Evan Bush est OK, mais tu as besoin de plus en MLS. Il ne faut pas un joueur désigné à ce poste, mais davantage que lui même s’il est apprécié par ses coéquipiers et ses entraîneurs. Sur le but de dimanche, il doit être plus haut pour sortir cette balle. »

Les dossiers à suivre ne manqueront pas. Que feront Fanni et Bacary Sagna ? Quel sera le portrait chez les gardiens ? Quelle sera la progression des jeunes ? L’Académie sera-t-elle mieux représentée ?

« Il faut que tu sois le meilleur dans chaque catégorie : les joueurs désignés, les joueurs TAM [recrutés avec l’argent d’allocation ciblée], les joueurs formés au club, les choix au repêchage. On ne peut pas avoir 11 joueurs internationaux », conclut Leduc.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.