Déjà nostalgique des années 2000 ?

La décennie 2000 s’est amorcée avec l’arrivée de l’iPod pour se terminer avec des téléphones intelligents qui nous permettent de consulter des réseaux sociaux. C’est pour dire le chemin technologique parcouru. 

Les années 2000 marquent aussi le début des premières téléréalités et l’avènement des séries télé de qualité cinématographique, comme Six Feet Under et The Sopranos.

Pourquoi des gens sont-ils déjà nostalgiques des années 2000 ? Car c’est une décennie où il s’est passé beaucoup de choses !

« Les réseaux sociaux, le téléphone intelligent, ce sont des innovations qui ont changé nos vies très rapidement », souligne Damien Hallegatte, professeur de marketing à l’UQAM. 

Apple a lancé l’iPod en octobre 2001, et le premier iPhone en janvier 2007. Facebook a fait son apparition en 2004, puis Twitter a suivi en 2006.

La vie avant ? On a l’impression que c’était « la préhistoire », souligne Damien Hallegatte. « Or, cela ne fait même pas 18 ans. » Dans les années 90, les experts en marketing considéraient pourtant qu’il fallait attendre une période de 20 ans avant qu’un phénomène puisse être source de nostalgie.

La définition

La nostalgie ? « C’est principalement un sentiment. Un désir de retourner dans un temps ou dans un lieu qui n’est plus », répond Katharina Niemeyer, professeure en communication de l’UQAM, qui revient de Stockholm où elle a participé à un colloque sur les pratiques communicationnelles nostalgiques.

« La nostalgie peut aussi être orientée dans le futur. Quand on anticipe des souvenirs à venir. »

— Katharina Niemeyer, professeure en communication de l’UQAM

Lors d’un voyage, par exemple.

Il y a aussi une esthétique nostalgique, poursuit Katharina Niemeyer, notamment avec les filtres Instagram. Et une nostalgie « programmée » par les industries culturelles avec une pluie de reprises (Tomb Raider, Robin Hood), de relances (Charmed, Les pays d’en haut) et de rediffusions de séries comme Friends.

La marchandisation de la nostalgie

Paradoxe, « la technologie favorise la transmission de la nostalgie », souligne Katharina Niemeyer. Et des entreprises en profitent.

Nous assistons en effet à une « marchandisation de la nostalgie » quand une société comme Nokia ressort son téléphone mobile 3310 – mis en marché en 2000 – en le qualifiant de vintage. Même les Tamagotchi font un retour dans les magasins cet automne, note Katharina Niemeyer.

Rejeter le progrès

S’il y a déjà une nostalgie du web 2.0 et des débuts de l’ère numérique interactive, elle est « accélérée », souligne la professeure à l’UQAM. Pourquoi ? 

« Car il y a une obsolescence des objets. C’est donc une forme de résistance à l’accélération technologique et sociale. »

D’où les adeptes du « slow movement » et de la décroissance. Ils sont en réaction au progrès, à la consommation effrénée, et au temps qui passe trop vite.

Des gens rejettent l’idée que « le progrès est nécessairement d’aller vers le mieux ». « L’idée qu’un nouveau produit doit faire disparaître l’ancien », renchérit Damien Hallegatte.

Pour certaines personnes, « il y a un prix à payer au progrès et on a abandonné des choses qu’on aimait. On veut juste y retourner ».

Retourner à quoi ? À l’écoute de vinyles sur des tables tournantes, ou au goût d’aller au cinéma en regrettant d’avoir aménagé une salle de cinéma maison au sous-sol.

Bonne ou mauvaise, la nostalgie ?

La nostalgie n’est pas qu’une glorification du passé, signale Damien Hallegatte, qui a fait sa thèse sur le rock des années 70. « Les études démontrent que le bien-être psychologique de la nostalgie provient d’un équilibre entre le passé, le présent et le futur. »

Bonne ou mauvaise, la nostalgie, monsieur le professeur ? « Une série d’études démontrent les effet psychologiques positifs et bénéfiques de la nostalgie », répond Damien Hallegatte.

La nostalgie est une activité cognitive qui renvoie à une période de bonheur, liée à d’autres personnes. Elle nous aiderait à accepter la mort, dit même une étude. 

« On a le sentiment d’avoir perdu quelque chose, mais on a l’impression que la vie a valu la peine d’être vécue. »

Or, la nostalgie a longtemps été considérée comme un désordre psychique, car on la confondait avec la mélancolie.

Si les études psychologiques sur la nostalgie démontrent qu’elle est positive à l’échelle personnelle, elle peut être régressive quand elle est exploitée par des forces politiques et populistes, souligne Katharina Niemeyer. « On peut jouer la carte de la nostalgie des utopies du passé. »

Heureusement, elle peut aussi être un moteur de changement social positif. « On voit avant tout la nostalgie comme une idéalisation du passé, mais elle peut aussi être utilisée et mobilisée pour un avenir meilleur », insiste Katharina Niemeyer. Notamment d’un point de vue environnemental.

Rassurant.

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