Quotient social

Données au suivant

Quotient social permet à des organismes de bienfaisance de profiter de l’intelligence artificielle.

D’un côté, des organismes de bienfaisance aux moyens modestes, mais aux activités complexes touchant des milliers de personnes. De l’autre, deux amoureux des données et de l’analytique au sein de cabinets comptables réputés.

Ainsi est né en septembre 2017 Quotient social, un projet qui s’est donné pour mission de faire profiter des organismes à but non lucratif des avancées de l’intelligence artificielle. Moisson Montréal, Les Grands Ballets canadiens, Grands Frères Grandes Sœurs du Grand Montréal et Opération Enfant Soleil, entre autres, ont profité de ce maillage improbable.

« Ce sont des organismes bien connus dans leur domaine spécifique, mais qui n’ont pas l’expertise, le temps et les ressources financières pour exploiter l’intelligence artificielle », explique un des confondateurs de l’initiative, Eric Nguyen, directeur intelligence artificielle chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Armée de bénévoles

M. Nguyen et son partenaire au départ, Hervé Mensah, alors chez Deloitte et aujourd’hui directeur en science de données à La Presse, se sont inspirés d’AI for Good, une plateforme de l’Organisation des Nations unies dont le mandat est l’utilisation humanitaire de l’intelligence artificielle.

Les deux cofondateurs comptent aujourd’hui sur une équipe d’une douzaine de personnes, épaulées par 80 collaborateurs, tous bénévoles. Le concept : offrir des formations mensuelles à des informaticiens qui souhaitent acquérir une expertise en intelligence artificielle (IA), plus précisément en apprentissage automatique. Cet outil consiste à « entraîner » une IA en lui soumettant des masses de données, dont elle extrapole des constantes. On peut ensuite prédire ou planifier les meilleures façons de faire.

En retour, ces professionnels formés par Quotient social donnent de leur temps à des organismes de bienfaisance. Personne ne reçoit de salaire, l’initiative est rendue possible par quelques dons de partenaires et des locaux prêtés.

Confidentialité et anonymat

Que concoctent exactement les bénévoles de Quotient social ? Chez Moisson Montréal, le directeur général Richard Daneau les appelle ses « génies généreux », des « data philanthropes » avec lesquels il travaille depuis plus d’un an.

« Est-ce qu’on peut faire parler le data comme James Bond fait parler les criminels, pour avoir une meilleure lecture de ce qu’on fait ? Si on gagne 10 heures en heures supplémentaires, c’est autant qu’on va investir pour les gens qui ont faim. Quand on met la main sur 1 $, on peut donner 15 $ de nourriture. »

— Richard Daneau, directeur général de Moisson Montréal

Premier exemple : établir le profil des donateurs et la meilleure façon de les solliciter. « Est-ce une femme, un homme ? Dans quel code postal, de quel âge ? Quand on les sollicite tous les trois mois, est-ce qu’on fait un bon coup ou on les embête ? »

On tente également d’optimiser la logistique de la cueillette des denrées alimentaires, et de mieux comprendre pourquoi certaines denrées sont refusées par certains des 250 organismes avec lesquels Moisson Montréal fait affaire chaque semaine. « Est-ce un enjeu de variété, de qualité, de produits ultratransformés ou pas ? Est-ce qu’ils ne veulent pas du macaroni au fromage ou on leur en donne trop ? » 

Et ça fonctionne, l’IA au service du communautaire ? « Ça marche, mais on n’est pas rendu aux bilans. Il faut commencer par apprendre à marcher. Je vais pouvoir vous le dire dans six mois. »

Pour M. Nguyen, il n’y a aucun doute que l’IA peut aider les organismes. « Ce sont des choses que je fais dans le privé depuis très longtemps. Les entreprises investissent énormément là-dedans. Dans le monde de la philanthropie, les besoins sont là, mais il n’y a pas beaucoup d’argent. »

Les données utilisées pour créer ces algorithmes, provenant des activités de ces organismes, sont totalement « anonymisées », assure-t-il.

La prochaine étape pour Quotient social, c’est l’accréditation auprès de l’Agence du revenu du Canada pour être reconnu comme organisme de bienfaisance et remettre des reçus pour dons.

« Ça fait seulement un an et demi, mais la réception est déjà énorme, les gens sont enthousiastes, se réjouit M. Nguyen. Pour la première année, on a testé le modèle et il fonctionne. La deuxième année, on veut mettre en place de la pérennité, on travaille à une meilleure structure, des processus, des partenaires, un chef de mission assigné. »

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