Société

À la recherche du week-end perdu

Dans le livre Où est passé mon week-end ?, la journaliste Katrina Onstad se demande pourquoi ces deux jours de « repos » sont devenus un enchaînement d’obligations et de corvées. Elle souhaite retrouver ces 48 précieuses heures où l’on passe du temps avec sa famille et ses amis, et où on en profite pour faire des loisirs et sortir.

UN DOSSIER D'OLIVIA LÉVY

« Il est vital de se reposer »

Le sacro-saint week-end où on se repose est-il chose du passé ? Entre les tâches domestiques, les activités des enfants, hockey, soccer, danse, piano, guitare, judo, natation, gymnastique, l’épicerie à faire et les quelques courriels à envoyer, la fin de semaine nous a échappé. C’est le constat que fait la journaliste Katrina Onstad, car au nom de la productivité et des technologies qui ont modifié notre relation par rapport au temps libre et au travail, il est désormais difficile de réussir à protéger 48 heures d’affilée.

« Regardez à quoi ressemblent vos week-ends, lance au téléphone Katrina Onstad, qui habite Toronto et qui a elle-même trop longtemps gâché ses fins de semaine. L’idée d’être déconnecté devient abstraite dans nos sociétés où nos bureaux tiennent désormais dans notre téléphone. » Le week-end devient alors le prolongement de la semaine.

« Beaucoup de gens doivent projeter l’idée qu’ils sont disponibles et joignables en tout temps. Ça va les tuer ! Le travail est devenu la nouvelle religion dans nos sociétés laïques. »

— Katrina Onstad

« Regardez lors des matchs de soccer et de hockey des enfants, les parents, entre deux encouragements, sont plongés dans leur téléphone », souligne la journaliste.

Elle cite Shonda Rhimes, scénariste américaine et productrice de séries à succès comme Grey’s Anatomy et Scandal, qui éteint son téléphone et ne répond plus à ses courriels le soir et le week-end, et il n’y a jamais eu la moindre urgence qui le lui a fait regretter.

De la chaise du bureau à la file pour le brunch

Selon Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration de l'Université TÉLUQ, les frontières sont de plus en plus floues et perméables entre le travail et la vie personnelle, mais dans certains cas, ça peut aussi favoriser certains employés qui préfèrent avoir une flexibilité dans leur horaire.

Katrina Onstad parle aussi du culte que nous vouons à la réussite et du fait qu’il soit culturellement accepté d’être toujours ultraoccupé alors que toutes les études démontrent que les personnes surmenées sont moins productives. « Il est vital de se reposer et d’avoir des loisirs », dit l’auteure. Le week-end est aussi lié à la consommation, on magasine, on va au restaurant, on fait la file pour le brunch, ce qui est, selon elle, une vraie perte de temps et le symbole parfait du rituel de la consommation, où on envoie sur Instagram des photos de gaufres et de coulis.

Elle évoque aussi le blues du dimanche soir, une mélancolie que vivent beaucoup de gens, non pas parce que le week-end est passé trop vite ou parce que la semaine recommence, mais plutôt parce qu’on n’a rien fait de très inspirant, qu’on se sent coupable et qu’on est épuisé. « En 2013, un sondage a révélé que 81 % des Américains avaient le blues du dimanche soir. C’est un phénomène qui existe vraiment, notre humeur baisse le dimanche et un genre de panique s’installe parfois », affirme Mme Onstad.

« Le dimanche soir est devenu le nouveau lundi matin, certains lisent leurs courriels et organisent leur semaine ou prennent de l’avance. »

— Katrina Onstad

Connaissez-vous votre voisin ?

Et que dire du lien social qui est en chute libre depuis les années 80, car on manque de temps. La journaliste se souvient, lorsqu’elle était enfant, des visites-surprises chez des amis ou voisins, et de nombreuses soirées insouciantes et décontractées qui se font trop rarement dans sa vie actuelle. « L’isolement social est un vrai problème en Amérique du Nord. On se définit par notre travail, on passe moins de temps avec nos proches, amis, familles, on ne connaît pas nos voisins, nous consacrons moins de temps à la communauté et au bénévolat. On voit bien le samedi que les gens sont stressés, ils courent à droite et à gauche. Comment veux-tu t’engager dans ta communauté ? », se questionne Katrina Onstad, qui avoue être souvent trop fatiguée le week-end pour socialiser.

Elle remarque qu’il y a une pression exercée sur les familles pour inscrire leurs enfants à de multiples activités. « Les parents remplissent les horaires des enfants le week-end. Il y a cette culture qui dicte que les enfants doivent être productifs eux aussi ! Oui, ils jouent au hockey, mais doivent être les meilleurs et être sélectionnés dans une équipe élite et jouer à 5 h du matin le samedi. C’est bien révélateur du fait que nous sommes mal à l’aise avec l’idée d’avoir des temps libres, ce qui est paradoxal », affirme-t-elle.

« Il y a une vraie réflexion à faire sur l’organisation des temps sociaux, entre le travail et la famille, estime Diane-Gabrielle Tremblay. Les écoles tout comme les municipalités devraient prévoir des activités sportives et artistiques pendant la semaine, je sais que ça existe déjà, mais ce n’est pas suffisant. Les cours terminent à 15 h, les enfants sont disponibles et ça leur fait du bien ! Il y a des plages horaires où on peut intégrer ces activités pour ainsi libérer le week-end. »

Profiter de sa fin de semaine

Qu’est-ce qu’un bon week-end ? Et comment faire pour en profiter ? Katrina Onstad pense qu’il faut accepter d’en faire moins, de réduire les activités des enfants, de ne rien prévoir, avoir le luxe d’improviser, aller au parc, se promener dans la nature, voir des amis, aller au cinéma ou au musée, prendre le temps de lire et être capable de se déconnecter, au moins pour 24 heures. « Avoir une vie tout simplement et redéfinir nos priorités. Les tâches domestiques peuvent bien attendre ! »

Où est passé mon week-end ?

Katrina Onstad

Les Éditions de l’Homme

248 pages

VOX POP

Qu’est-ce qu’un week-end réussi ?

Nous avons demandé à des Montréalais rencontrés au Centre de commerce mondial de nous décrire ce qu’est une fin de semaine réussie pour eux.

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