Opinion Sylvain Charlebois

Chou-fleur chouchou

Mal-aimé pendant des années, il est devenu populaire

Le chou-fleur joue le rôle du sauveur ces temps-ci. Ce légume se retrouve partout, et pas seulement dans la section des fruits et légumes.

Depuis deux ans, il est devenu l’ingrédient chéri pour les manufacturiers de produits alimentaires qui désirent reformuler les recettes de produits en manque d’amour du public.

Jusqu’à maintenant, le chou-fleur attirait rarement l’attention des consommateurs, sauf pendant le temps des Fêtes pour agrémenter le plateau de légumes et trempettes. À moins d’y ajouter un peu de fromage ou une sauce, le chou-fleur possède un goût fade, pas vraiment populaire. Peu de gens parlaient de ce légume avant la crise d’il y a deux ans, lorsqu’une tête de bouquets se vendait autour de 8 $.

Vertus nutritionnelles

Mais voilà qu’on lui découvre des vertus nutritionnelles : riche en protéines, fibres, vitamines B, C et K. Selon un rapport de Nielsen, le chou-fleur se trouve maintenant dans 36 catégories de produits, des pâtes sèches aux produits congelés. Il y a même du riz de chou-fleur, substitut idéal dans de nombreux plats d’accompagnement. Selon le même rapport, les ventes de produits contenant du chou-fleur ont augmenté de 71 % depuis un an. Le chou-fleur est maintenant un aliment vendeur.

En raison de la polyvalence de sa texture, le chou-fleur se prête à toutes sortes d’utilisations en science des aliments. De plus, il absorbe plusieurs saveurs avec facilité, ce qui permet aux manufacturiers de l’ajouter à une panoplie de produits.

Les grandes multinationales s’intéressent au chou-fleur afin d’augmenter la valeur nutritive de certains produits de plus en plus boudés par les consommateurs.

Kraft-Heinz, par exemple, a récemment ajouté plusieurs variétés de choux-fleurs à ses recettes de craquelins et à son fameux Mac & Cheese.

Au Canada, une dizaine d’entreprises en démarrage s’intéressent au chou-fleur. Caulipower, entreprise américaine qui fait des pizzas avec des croûtes à base de chou-fleur, vient tout juste de vendre sa dix millionième pizza en Amérique du Nord. Sa pâte à pizza ne goûte vraiment pas le chou-fleur ; il faut lire l’étiquette pour le savoir.

Le marché du chou-fleur est illimité, puisque ce légume se marie à toutes les sortes de diètes et de restrictions alimentaires. Il contente à merveille les gens qui pratiquent la diète keto ou ceux qui ne jurent que par les produits sans gluten pour éviter les allergènes. Et, bien sûr, puisque la protéine animale rouge vit une véritable crise, les légumes comme le chou-fleur ont de plus en plus la cote.

En résumé, ce légume offre une quasi-immunité à tout produit qui requiert une protection contre les « transgressions socioéconomiques » du monde alimentaire. 

Planète, traitement éthique des animaux, santé : le chou-fleur n’a rien à son épreuve.

Malgré cela, l’agriculture profite peu de cette manne. La production de chou-fleur au Canada demeure déficiente. En raison de notre climat nordique, nous ne consacrons qu’un maigre 1500 hectares de terre au chou-fleur, et une bonne partie de cette production est destinée à l’exportation.

Un lot de défis

Le chou-fleur se situe au 15e rang des légumes en production au Canada, derrière des légumes comme les tomates, le maïs, les pois et les carottes. Mais après les tomates, la laitue et les oignons, c’est le chou-fleur – avec le brocoli – que nous importons le plus en termes de volume. Pendant ce temps, aux États-Unis, les ventes de chou-fleur à la ferme augmentent de 8 % annuellement depuis 2015.

Même s’il représente une belle occasion pour notre agriculture, la production du chou-fleur a aussi son lot de défis. Cette production nécessite une grande surface et demande une attention particulière du côté de l’entretien. Comme ingrédient, le chou-fleur demeure très coûteux pour les manufacturiers.

Le chou-fleur ne remplacera pas la farine ou le riz, mais il ajoute une valeur recherchée ces temps-ci par les consommateurs. Les multinationales et certaines nouvelles entreprises tenteront de tirer avantage de cette mouvance.

Une mode, peut-être, mais un phénomène tout de même intéressant.

C’est un peu ce qu’il y a de nouveau : préconiser les valeurs nutritives de certaines denrées longtemps négligées tout en oubliant leur goût permettra à la science d’offrir à de nombreux légumes et fruits un nouveau rôle dans notre alimentation. Depuis quelques années, le chou-fleur en profite, mais il y aura autre chose plus tard.

En 2019, l’arrivée des produits dérivés à base de cannabis marquera l’imaginaire au Canada. Une pâte à pizza à base de chou-fleur et de cannabis, peut-être ?

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