Il fallait avoir de la vision ou beaucoup aimer la bière. Ou un peu des deux. Quand Steve Lemay s’est lancé dans la culture du houblon à grande échelle en 2013, il espérait que le marché se développerait. L’avenir lui a donné raison.
« J’ai vu le marché s’en venir, dit l’agriculteur de Saint-Édouard-de-Lotbinière, qui est aujourd’hui l’un des gros producteurs de cet ingrédient essentiel à la fabrication de la bière. Le marché continue de se développer, pas seulement au Québec, mais au Canada, en France et ailleurs dans le monde. »
« C’était une culture oubliée au Québec depuis la fin des années 40. Au début des années 90, il y a eu des projets à petite échelle, mais c’est vers 2010 que c’est vraiment reparti. »
— Julien Venne, agronome
L’agronome du ministère de l’Agriculture du Québec a contribué par ses conseils à la relance de cette culture qui avait migré vers l’ouest des États-Unis, devenus un des principaux producteurs mondiaux de houblon.
Le climat du Québec est propice à la culture du houblon, selon lui. « Les rendements peuvent être très bons, aussi bons qu’aux États-Unis », assure-t-il lors d’un entretien avec La Presse.
Cela ne veut pas dire qu’il est facile de devenir producteur de houblon. L’investissement de départ est considérable. Les plants mettent trois ans à produire après avoir été mis en terre. Et comme ils ont une durée de vie de 15 ans ou plus, il faut s’assurer d’avoir les variétés que le marché, c’est-à-dire les brasseurs, veut utiliser. La mode est actuellement aux bières très houblonnées, de style IPA, mais cela pourrait changer.
La plante est aussi sujette aux maladies, et une production 100 % biologique est difficile, pour ne pas dire impossible, estime l’agronome Julien Venne. « C’est plus de l’horticulture que de la grande culture », résume-t-il.
Une épice recherchée
Le houblon est une épice qui donne du goût à la bière, un peu comme le poivre accentue la saveur d’un plat. C’est une céréale, le plus souvent l’orge, qui est l’ingrédient principal de la bière, en plus de l’eau. Par exemple, il faut 15 kilogrammes d’orge et seulement 500 grammes de houblon pour produire 100 litres de bière.
L’explosion du nombre de microbrasseries et la popularité des bières artisanales ont créé une forte demande pour le houblon. Bernard Coupal, qui cherchait quelque chose à faire à la retraite, a décidé de se lancer. « Je n’étais même pas un buveur de bière, dit le propriétaire de Houblon de la Montérégie, à Beloeil. J’ai commencé pour m’amuser, mais c’est devenu un job à plein temps. »
Avec 6500 plants sur cinq hectares, Bernard Coupal est un petit producteur qui vend sa production directement aux brasseurs. Il ne pourrait pas en vivre, mais il estime que cela est possible, à condition de cultiver à grande échelle.
Houblon Double LL, la production de houblon de Steve Lemay à Saint-Édouard-de-Lotbinière, n’est pas la principale activité de la ferme. On y cultive aussi le maïs, le soya et l’orge brassicole, en plus de produire 12 000 porcs par année.
Steve Lemay estime qu’une superficie de 25 à 30 acres plantée de houblon pourrait faire vivre une famille. Il cultive lui-même 14 000 plants sur une superficie de 14 acres et projette d’augmenter celle-ci jusqu’à 50 acres, si la demande le justifie.
Le défi est dans la commercialisation, dit Steve Lemay. Ce n’est pas notre spécialité, souligne-t-il. « Nous, on aime mieux la culture. »
Production en hausse
La production de houblon québécois est en hausse, mais elle reste modeste.
Houblon :
de 50 à 60 hectares plantés cette année au Québec
Maïs :
400 000 hectares
Soya :
350 000 hectares
Houblon Québec
Les producteurs de houblon du Québec se sont regroupés dans une association, Houblon Québec, pour s’entraider et partager des services. Ils ont commencé par exemple à mettre en commun leur production de houblon Cascade, la variété la plus cultivée, pour la commercialiser sous le nom de QCascade.
Une usine de granulation
Le fondateur de Houblon Double LL, Steve Lemay, a construit chez lui une usine de granulation, la première au Québec, qui sert à conditionner son houblon et celui des autres producteurs de Houblon Québec.
Des coûts en baisse
À mesure que la production s’accroît, le coût de production diminue. Les producteurs se sont mis ensemble pour se faire livrer du Sri Lanka un plein conteneur de corde nécessaire pour faire grimper les plants et qui doit être remplacée chaque année.