Activité physique

Courir au chaud malgré L’hiver

Le froid et le verglas martyrisent les coureurs. Il est pourtant possible de jogger au chaud, en évitant les tapis roulants. Il suffit d’aller courir dans un stationnement, sur une piste ou dans les couloirs du Montréal souterrain. Suivez le guide.

UN DOSSIER DE MARIE ALLARD ET DE ROBERT SKINNER

Jogger dans un… stationnement

6 h 59. C’est l’heure affichée au tableau de bord de la voiture, quand on la gare dans le sous-sol du stationnement intérieur du Square DIX30, à Brossard, en ce matin du 28 janvier. Pendant qu’on enlève bottes et manteau, on voit passer des gens en short et t-shirt. Chouette, ça confirme qu’on n’est pas victime d’une mauvaise blague.

Il y a vraiment des joggeurs fous – ou motivés, c’est selon – qui se rassemblent les dimanches au deuxième sous-sol du stationnement pour courir avant l’ouverture des magasins. Heureuse surprise : il fait relativement chaud (autour de 15 ºC) et ce n’est pas humide – seules quelques flaques d’eau jonchent le sol. Comme les murs sont peints en rose, jaune, bleu et rouge, on n’a pas l’impression d’être enfermé dans une grotte, même si le paysage ne fait pas rêver, on s’entend.

Si ce stationnement est accessible aux coureurs, c’est grâce à Marc Langevin, enseignant d’éducation physique au primaire et entraîneur du club de course CCC. Puisqu’il souffre du syndrome de Raynaud, un trouble de la circulation du sang dans les extrémités du corps, s’entraîner dehors est difficile pour lui, par temps froid.

« En 2015, je me suis qualifié pour le marathon de Boston, indique le sympathique barbu, connu pour courir avec une casquette à la palette relevée. Je devais courir un haut volume de kilomètres tôt en saison, dès janvier et février, et je cherchais une solution. »

Quand il s’est rendu un matin au Lululemon du DIX30 pour y animer le club de course, l’ampleur du stationnement – vide, de surcroît – l’a frappé. « J’ai parlé du projet aux autorités du DIX30, qui ont accepté de payer un agent de sécurité et d’installer des crochets pour qu’on ait un vestiaire », résume-t-il.

En janvier 2017, le stationnement – et sa piste de 630 m – accueillait officiellement ses premiers coureurs, une expérience renouvelée tous les dimanches d’hiver, de 6 h à 8 h 30. Cette année, c’est plus populaire encore. Il faut dire que c’est gratuit et ouvert à tous, jusqu’au 25 mars.

« Je mise sur le plaisir de courir. Ça fait qu’on retrouve ici autant Arianne Raby et Mélanie Myrand, deux des meilleures marathoniennes du Québec, que la dame qui vient simplement marcher. »

— Marc Langevin

Mieux que prévu

En réalité ? C’est mieux que ce qu’on aurait imaginé. Puisque le parcours est long, on n’a pas l’impression d’être un poney tournant dans un manège. La musique est variée – allant d’Alors on danse de Stromae à You Give Love a Bad Name de Bon Jovi –, et l’ambiance est sympathique. Il y a bien quelques coureurs performants forcés de dépasser les autres, mais sans animosité.

Le long du parcours, des bouquets de ballons soulignaient les 50 ans d’une grande coureuse, Nathalie Goyer. S’entraîner sur cette piste de 630 m à l’abri des intempéries, « c’est un rêve qui se réalise », témoigne Mme Goyer, qui ne rate pratiquement aucun dimanche dans le stationnement.

Mireille Leong a parcouru une dizaine de kilomètres, de 7 h à 8 h 30. « J’aime courir tôt le matin, témoigne-t-elle. C’est difficile de se lever, mais à 9 h, tout est terminé. Je cours aussi dehors, sauf quand il y a de la glace : on peut se blesser facilement. »

Arrivée dès 6 h, Constance Lefebvre a avalé une vingtaine de kilomètres dans le stationnement.

« Quand j’en ai entendu parler, je me disais que ça devait être glauque, mais pas du tout. L’ambiance est bonne. »

— Constance Lefebvre

Alexander Vargas a, quant à lui, couru 15 km, sans se plaindre d’avoir à tourner en rond. « C’est ça ou courir sur un tapis roulant, fait-il valoir. Ici, c’est le fun de voir autant de monde. »

À la sortie du stationnement, le soleil brillait, et on avait une faim de loup. De loup sorti de sa caverne colorée, avec tout un dimanche devant lui.

D’autres pistes pour courir à l’intérieur

Kathy Tremblay est habituée aux courses folles. Après avoir participé aux Jeux olympiques de Pékin et de Londres en triathlon, elle a eu deux enfants, qui ont aujourd’hui un an et demi et quatre ans. Son prochain projet ? Elle organise, le dimanche 18 février, une course de 5 km qui se déroule entièrement à l’intérieur, dans le… Montréal souterrain.

« C’est un parcours ludique, qui part des Cours Mont-Royal et finit au Complexe Desjardins », décrit Mme Tremblay, présidente-directrice générale de l’organisme sans but lucratif derrière les courses Les Classiques.

Que ceux qui s’imaginent courir au milieu des magasineurs se rassurent : l’événement a lieu avant l’ouverture des boutiques. Quatre départs sont prévus, entre 8 h 40 et 8 h 55. « Personne ne fera son meilleur temps sur 5 km, mais si on veut courir vite, il y aura moyen de le faire », assure l’ex-triathlonienne.

S’entraîner sur une piste

Pour s’y préparer, si on n’aime pas jogger au froid ou sur un tapis roulant, il suffit d’apprivoiser les pistes de course intérieures. Celle du centre Pierre-Charbonneau, dans le Parc olympique de Montréal, mesure 190 m. « Elle est bien fréquentée, surtout lorsqu’il y a de la glace à l’extérieur », témoigne Denis Kemp, directeur général du centre Pierre-Charbonneau.

D’autres pistes, comme celle du complexe sportif Claude-Robillard, dans Ahuntsic, et celle du Tomlinson Fieldhouse de McGill, avenue des Pins, font plutôt 200 m, la longueur standard d’une piste d’athlétisme en salle. Celle de McGill offre, en bonus, des virages inclinés.

« Ça fait une différence », assure Jim McDannald, entraîneur-chef du programme de cross-country et d’athlétisme en salle de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Quand on court vite sur une piste intérieure, les virages sont serrés et on se fait en quelque sorte tirer vers l’extérieur, en raison de la force centrifuge. Les coureurs doivent modifier leur position, se pencher un peu vers l’intérieur. L’effet est plus prononcé encore sur une piste plate. »

— Jim McDannald

Mieux vaut ne pas être grand

Fait intéressant pour nombre de joggeurs : être de taille modeste est un avantage sur une piste intérieure. « Les personnes plus grandes sont encore plus tirées vers l’extérieur, explique M. McDannald. En faisant abstraction de raisons financières, on peut penser qu’on n’a pas vu Usain Bolt courir très souvent sur une piste de 200 m parce qu’il savait que son corps n’était pas fait pour courir vite à l’intérieur. » Il faut dire que le sprinteur jamaïcain mesure 195 cm, soit 6 pi 5 po.

Au centre sportif de l’UQAM, rue Sanguinet, la piste de course fait à peine 154 m, si bien qu’il faut faire 6,5 tours pour franchir un petit kilomètre. De quoi se lasser et ralentir, d’autant que les virages sont serrés. « On peut y faire du jogging, on s’en sert pour récupérer, mais on ne peut pas performer sur cette piste », tranche M. McDannald. Ses athlètes s’entraînent donc à McGill, ce qui laisse la piste de l’UQAM aux joggeurs moins sérieux.

Club de course

À Terrebonne, la piste du Centre de soccer multifonctionnel est exceptionnellement longue, avec 333 m dans le corridor intérieur. Elle est notamment fréquentée par le club de course Les Mollets fringants, de janvier à avril.

« Les lundis soirs, on fait des intervalles longs et les mercredis soirs, on fait des intervalles courts, décrit Michel Pelletier, entraîneur du club. C’est génial, parce que je peux bien voir les gens, s’ils font de petites erreurs. » Même pendant l’hiver, Les Mollets fringants complètent leur entraînement avec une sortie à l’extérieur les samedis matins.

Il est à noter que le sens de rotation de certaines pistes, comme celle de l’UQAM, alterne chaque jour. Quant aux compétitions en salle, elles se déroulent toujours en sens antihoraire. « Pour ne pas causer de déséquilibre en travaillant toujours dans la même direction, on fait les échauffements et certains intervalles dans le sens opposé », précise M. McDannald.

Moins de chocs

Gros plus, à l’intérieur : le revêtement des pistes absorbe mieux les chocs que les trottoirs et les rues. En plus d’être dépourvu de glace et de flaques d’eau…

Qu’en sera-t-il lors du 5 km dans le Montréal souterrain ? Est-ce que le plancher des centres commerciaux parcourus sera glissant ? « Non, assure Mme Tremblay. Plein de monde marche dans ces souterrains chaque jour. » Aucun participant ne devrait courir avec des chaussures mouillées, puisque des vestiaires sont accessibles à la Place Bonaventure.

Six pistes à essayer

Centre de soccer multifonctionnel de Terrebonne

Longueur : 333 m

Cette piste « est l’une des plus longues pistes d’entraînement intérieur au Canada », indique Julie Malo, coordonnatrice aux communications des complexes sportifs de Terrebonne. « Nous avons plus de 1300 coureurs hebdomadaires, composés de membres réguliers et d’entrées libres en saison hivernale. »

Tomlinson Fieldhouse de McGill

Longueur : 200 m

Les virages inclinés de cette piste sont un avantage recherché. Pour y courir, les membres du public doivent s’abonner au complexe sportif, précise Earl Zukerman, agent de communications pour le sport et l’activité physique à McGill.

Complexe Claude-Robillard

Longueur : 200 m

Les membres du gym Sports Montréal ont accès aux pistes d’athlétisme intérieure et extérieure du complexe Claude-Robillard. Des cours de course sur piste y sont aussi offerts.

Centre Pierre-Charbonneau

Longueur : 190 m

Cette piste, inaugurée en 2011, est particulièrement fréquentée le matin et à partir de 16 h, constate Denis Kemp, directeur général du centre Pierre-Charbonneau.

CEPSUM

Longueur : 172 m

Une piste très courue, « surtout considérant la montée en popularité de la course connue dans les dernières années », note Brigitte Cérat, directrice du marketing et des communications du CEPSUM. « Comme on peut l’imaginer, la fréquentation s’intensifie dans les périodes où il est plus difficile de courir à l’extérieur. »

Centre sportif de l’UQAM

Longueur : 154 m

« Elle est bien populaire, surtout dans le premier mois des débuts de session et encore plus en janvier, au moment des bonnes résolutions », indique Véronique Laberge, coordonnatrice des communications au Centre sportif de l’UQAM.

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