Mon clin d'œil

Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas aux États-Unis, en près de 50 ans. Tout le monde travaille contre la réélection de Trump.

Opinion : Inondations

Inventons ensemble nos quartiers résilients

Perdre sa maison est un drame humain. Les images et les témoignages des sinistrés des récentes inondations au Québec sont à fendre le cœur, et on ne peut qu’éprouver la plus vive sympathie envers les citoyens qui vivent un tel cauchemar.

Néanmoins, le Québec entier paie aujourd’hui le prix de décisions à courte vue prises dans le passé autorisant le développement domiciliaire en zone inondable. Les deux épisodes de crues exceptionnelles que nous avons vécus en trois ans montrent que les avantages de telles implantations ne font plus le poids devant l’ampleur des conséquences désastreuses qui surviennent à répétition.

Le gouvernement du Québec a annoncé, cette semaine, la mise sur pied d’un groupe d’action ministériel pour répondre aux besoins des sinistrés et pour préparer le Québec à la crue printanière de l’année prochaine. Cette initiative doit être saluée, indemniser les sinistrés s’imposant bien entendu dans l’immédiat. Il demeure toutefois essentiel de trouver des solutions viables à long terme, ce qui passe nécessairement par une réflexion collective sur notre manière d’aménager et d’habiter le territoire.

Est-ce à dire qu’il ne faut plus construire en zone inondable ? Chose certaine, si on le fait, il faut le faire autrement.

D’autres régions du monde ont été confrontées à cette réflexion et en sont venues à réimaginer leur manière de vivre avec les crues, comme en fait état le plus récent numéro du magazine de l’Ordre des architectes, Esquisses, qui s’intéresse à l’architecture résiliente. Par exemple, dans le centre de la France au tournant de la décennie, un architecte a conçu l’aménagement de tout un quartier de la ville de Romorantin, sur une ancienne zone industrielle, en fonction de potentielles inondations. Les habitations reposent sur des pilotis ou sur des socles abritant des garages inondables. Des trottoirs surélevés et des passerelles permettent aux habitants de sortir de chez eux bien au sec, tandis qu’un parc sert de lit à la rivière lorsqu’elle déborde. L’aménagement a montré son efficacité : lors de crues records en 2016, l’eau s’est retirée en 24 heures tandis qu’elle a submergé les quartiers voisins pendant plusieurs jours.

Aux Pays-Bas, on a réalisé que construire des digues de plus en plus hautes ne procure qu’un faux sentiment de sécurité : en cas de bris, la montée des eaux pourrait se manifester de manière encore plus intense.

Dans le cadre d’un gigantesque projet lancé en 2007 appelé Room for the River, on a remodelé le paysage afin de laisser les cours d’eau s’étaler. On a surélevé des constructions, creusé le lit de certaines rivières, aménagé des bassins de rétention ou encore déplacé des digues pour limiter la hausse du niveau d’eau. Le tout a coûté 3,5 milliards d’euros, mais on a considéré que cela valait mieux que d’évacuer 250 000 personnes comme ce fut le cas lors d’intenses débordements survenus en 1995. Dans la foulée, certaines communautés en ont même profité pour se refaire une beauté.

Changement de culture

Bien sûr, il est illusoire d’importer des modèles tout faits. Notre défi au Québec est maintenant d’inventer nos propres quartiers résilients. Cela suppose bien sûr une conception approfondie et adaptée des infrastructures, des aménagements et des constructions. Nous devons opérer un changement de culture faisant primer l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel, tout en prenant soin de préserver notre qualité de vie. Nous devons nous doter de milieux de vie différents, mais tout aussi conviviaux. Des quartiers plus denses à échelle humaine, avec des espaces collectifs verts et des accès publics aux berges.

Il faut toutefois se garder d’imposer des solutions « mur à mur ». Chaque communauté a ses particularités sociales et géographiques, et l’adhésion au changement passe par un dialogue franc sur ce nécessaire équilibre entre les notions de sécurité et de recherche du bonheur et les investissements collectifs requis pour y parvenir. Les politiciens doivent donc dès maintenant lancer ce dialogue avec les citoyens, et les professionnels de l’aménagement doivent se dépasser pour traduire durablement les aspirations en résultats.

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