Le devoir de contribuer
« Le Québec, c’est chez moi, mais je me sens liée spirituellement au Congo, dit Gracia Kasoki Katahwa. Je ne peux pas faire de choix. Je souhaite faire ma part pour les deux. »
Infirmière clinicienne à l’Hôpital juif de Montréal depuis huit ans, elle s’apprête à franchir le pas. Elle a l’occasion de se joindre à une clinique canadienne à Kinshasa pour deux ans.
Après avoir visité deux fois sa famille en République démocratique du Congo, elle veut aider. C’est encore plus vrai depuis que son grand-père et sa cousine sont morts faute de bons soins.
« Je suis privilégiée par rapport à ma famille africaine et j’ai le devoir de contribuer, dit Mme Katahwa. L’avantage d’être québécoise, c’est de pouvoir collaborer ici et dans la mère patrie. Et de combiner mes bagages sur deux continents. »
À son retour, elle souhaite faire de la politique provinciale ou fédérale. Ses champs d’intérêt ? La santé, l’immigration et l’international.
« Il faut travailler ensemble pour un idéal commun, dit-elle. Et porter un rêve plus grand que nous-mêmes. »
Pour y arriver, on ne doit pas se concentrer sur nos différences, ajoute-t-elle. Il faut reconnaître l’apport des autochtones, des francophones, des anglophones et des immigrants pour relever les défis.
« Les enjeux sont tellement importants. Pensons à la santé, à l’environnement et au terrorisme, dit-elle. Gardons nos énergies et les talents de tous pour nous attaquer aux problèmes. »
Gracia Kasoki Katahwa est déjà très impliquée dans plusieurs organismes.
Depuis deux ans, elle est présidente du Réseau des entrepreneurs et professionnels africains (REPAF). « On favorise l’intégration et le leadership des membres dans l’écosystème entrepreneurial du Québec », explique-t-elle.
Elle est administratrice du Cercle des jeunes leaders pour le Forum économique international des Amériques. « Quatre fois l’an, notre groupe de 30 personnes se retrouve pour parler d’une région du monde, dit-elle. On participe aussi au Forum annuel et on assure la relève. »
Mme Katahwa est membre du C.A. du Groupe Espace Santé, axé sur des conférences portant sur les sujets d’actualité de ce secteur. Elle l’est aussi pour Force Jeunesse, un réseau qui milite pour l’équité intergénérationnelle.
Ses parents lui servent d’exemple. « Ils sont ancrés dans la communauté de Sainte-Foy, à Québec. Ils ont développé des réseaux pour aider les Congolais et les Africains à bien s’intégrer au Québec, dit-elle. À plusieurs niveaux (travail, éducation, couple, etc.), ils ont eu un impact réel dans la vie de nombreuses familles. »
Jeune, son père, Philippe, a obtenu des bourses pour venir étudier en foresterie. Il est titulaire d’un bac et d’une maîtrise de l’Université Laval. Il travaille à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Sa mère, Marie-Thérèse, est secrétaire à la Guilde de l’Assomption, un organisme religieux.
Mme Katahwa avait 3 ans et son frère Rigobert, 3 mois, quand ses parents ont immigré à Québec. Son deuxième frère, Alex, est né ici. « J’ai grandi en français à Sainte-Foy, dit-elle. À la maison, j’ai eu une éducation à la congolaise, mais on ne m’a pas enseigné le swahili ni le lingala. »
Il arrive encore que des personnes portent un jugement sur la couleur de sa peau. « Mais quand on me parle, on voit bien que je suis québécoise. J’ai l’accent, les expressions et je connais le contexte socioéconomique et politique du Québec. En ce sens, j’ai un avantage sur les Africains nouvellement arrivés. »
Âge : 31 ans
Scolarité : Bac en sciences infirmières à l’Université Laval. Maîtrise en administration publique, volet international, à l’ENAP.
Origines : La tribu de ses parents, les « banande », se trouve dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo.
Signification : « Katahwa » signifie « des petites choses qui ne finissent jamais, qui sont infinies ». Cela veut dire que la famille partagera toujours avec d’autres.
Inspiration : Harriet Tubman, militante abolitionniste qui figurera sur les billets américains de 20 $.
Plus tard, je serai : « Politicienne. »
Le Québec, pour moi, c’est : « Chez moi. »