Spéléologie

La caverne de Saint-Léonard, elle passe où exactement ?

Avoir une caverne en milieu urbain, c’est bien. Encore faut-il savoir où elle se trouve exactement. Sous quelle rue ? Sous quelle maison ? À quelle profondeur ? La Presse a accompagné des spéléologues dans leur projet de topographier la caverne de Saint-Léonard.

« Ce sont des informations très importantes, observe Dominic Perri, conseiller du district de Saint-Léonard Ouest au conseil de ville de Montréal. Elles sont nécessaires avant de faire quoi que ce soit avec la caverne, avant de l’ouvrir au public. »

Des spéléologues ont entrepris de topographier la caverne de Saint-Léonard, à partir de la petite partie historique du parc Pie-XII, qu’on connaît depuis au moins 1815, jusqu’à la longue galerie aquatique découverte le 12 octobre dernier.

En théorie, le processus est assez simple. Il faut prendre des mesures avec un lasermètre et établir une sorte de squelette de la caverne. Le professeur Jacques Schroeder, du département de géologie de l’UQAM, « habille » ce squelette en dessinant divers détails et l’équipe de spéléologues confirme le squelette avec un procédé de radiolocalisation.

En pratique, c’est un peu plus compliqué.

Les deux spéléologues amateurs qui ont découvert la nouvelle section de la caverne, Daniel Caron et Luc Le Blanc, et l’ingénieur Michel Beaupré assistent le professeur Schroeder dans ce travail.

Le lasermètre Disto X

Pour la topographie, l’équipe utilise un lasermètre Disto spécialement modifié pour la spéléologie. En plus de mesurer la longueur, la largeur et la hauteur, le Disto X peut aussi mesurer l’azimut et la pente.

Les spéléologues prennent des mesures d’un point à l’autre, et chacun est marqué par un petit carton orange fixé sur la paroi à un endroit significatif.

« La qualité de la topographie va dépendre de la qualité de ces stations », indique Luc Le Blanc au cours d’une entrevue sur place, sous terre.

Les spéléologues compilent les données en utilisant le logiciel de topographie souterraine Auriga, développé par M. Le Blanc lui-même.

L’opération est plus complexe dans la partie aquatique de la caverne.

« Il y a beaucoup d’humidité dans cette partie, ça peut avoir un impact sur le laser. Nous serons peut-être obligés de retourner avec un ruban à mesurer. »

— Luc Le Blanc, spéléologue amateur

Dans la section aquatique, les parois sont très lisses. Il est donc difficile de trouver des anfractuosités pour placer les stations.

En outre, le niveau de l’eau fluctue. Il ne faut pas qu’une station se retrouve sous l’eau.

« Il n’y a pas de manuel d’instruction pour la partie aquatique, lance le professeur Schroeder. Nous allons procéder de façon empirique, par essais et erreurs. »

La radiolocalisation, une aventure

La radiolocalisation, qui est prévue principalement pour le mois d’août, sera aussi une aventure. L’idée, c’est de placer une antenne (un anneau de fils de cuivre) à l’horizontale à l’intérieur de la grotte. En surface, les spéléologues tentent de trouver le point équivalent à l’aide d’un récepteur. Il faut évidemment trouver un endroit propice, comme un parc ou une pelouse, pour pouvoir opérer.

Il n’est pas nécessaire de trouver un grand nombre de points. Il s’agit simplement de confirmer le squelette de la topographie.

Mais encore une fois, la partie aquatique ne facilitera pas le travail de la petite équipe. Comment faire en sorte que l’antenne demeure immobile sur l’eau ?

« Ça fait un bout de temps qu’on réfléchit, indique M. Le Blanc. On va probablement avoir une antenne flottante avec un fil plombé. »

La radiolocalisation permettra de confirmer la topographie sans avoir recours à un forage.

Il avait été nécessaire de procéder à de tels forages dans le cas de la caverne de la rue du Saguenay, un couloir de 317 m découvert en 1982 à Saint-Léonard.

D’ailleurs, les spéléologues retourneront dans cette caverne pour reprendre les mesures faites à l’époque avec des instruments moins avancés. La nouvelle section de la grotte du parc Pie-XII semble se diriger de façon presque rectiligne vers la caverne de la rue du Saguenay.

« Nous allons faire un couplage avec la cartographie de 1982 », indique M. Schroeder.

La découverte de la caverne de la rue du Saguenay avait fait du bruit à l’époque. Bien des propriétaires avaient exprimé leur inquiétude à l’idée d’habiter au-dessus d’un tel vide.

« Je me rappelle bien, j’avais été élu pour la première fois cette année-là, déclare Dominic Perri. Les gens pensaient qu’il y avait une rivière qui passait là, ils ne connaissaient pas sa profondeur. Mais on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de rivière. Il y avait de l’eau, mais c’était la nappe phréatique. Il n’y avait aucune préoccupation au point de vue de la sécurité. »

Vérifier la sécurité

Avec cette expérience en tête, l’arrondissement de Saint-Léonard a commandé au professeur Schroeder des études pour examiner visuellement la nouvelle section de la caverne du parc Pie-XII et pour la topographier.

« La première étude, visuelle, devait nous faire savoir si c’était sécuritaire ou pas. Les spéléologues nous ont dit que c’était quelque chose qui datait de 15 000 ans, que c’était intact et que c’était beaucoup plus sécuritaire qu’une galerie de métro. »

— Dominic Perri

Le professeur Schroeder précise qu’il faut encore savoir à quelle profondeur se trouve la caverne.

« Si le vide se trouve sous 10 ou 15 m de roc, on peut s’engager à dire qu’il n’y a pas d’incidence pour les résidences au-dessus, déclare-t-il. Mais peut-être pas s’ils veulent établir des immeubles de 20 étages avec 3 étages de garages. »

Pour M. Perri, la topographie servira notamment à planifier la suite des choses. Est-ce que la structure est stable ? Que sera-t-il possible de faire visiter ? L’aspect touristique est un enjeu important pour Saint-Léonard.

« Montréal a son mont Royal, Saint-Léonard a sa caverne, s’enthousiasme-t-il. Elle est unique en matière de géologie, mais aussi parce qu’elle est en milieu urbain. »

Il sera aussi important de la protéger.

« Pendant longtemps, l’accès a été libre dans la partie historique et toutes les stalactites ont été brisées, déplore-t-il. On ne veut pas que ça se reproduise dans la nouvelle galerie. Pour nous, c’est une richesse naturelle. »

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