Critique

EnvoÛtante Dominique Fils-Aimé

Il y a des artistes qui mettent des années à définir leur univers et leur son. Ce n’est pas le cas de Dominique Fils-Aimé, qui a démontré hier soir sur la scène de L’Astral qu’elle trimballait déjà avec elle un monde aussi riche qu’envoûtant.

La chanteuse montréalaise présentait son spectacle dans le cadre de Montréal en lumière – elle sera de retour à la Cinquième Salle de la Place des Arts en novembre –, portée par le buzz extrêmement positif entourant la sortie récente de son deuxième album, Stay Tuned !, arrivé à peine un an après son premier, intitulé Nameless.

Dominique Fils-Aimé a donc convié les spectateurs à un voyage dans son monde, leur demandant dès le début de ne pas applaudir entre les chansons, mais bien de garder leur appréciation pour la fin du spectacle. Une consigne suivie plutôt bien au début (mais avec difficulté quand même !), et de moins en moins au fur et à mesure que ce court et intense spectacle se déroulait. Surtout lorsqu’un des six excellents musiciens offrait un solo – mention particulière pour Nathan Vanheuverzwijn, dans une autre vie claviériste d’Émile Bilodeau, mais nommons aussi les autres : Danny Trudeau à la basse, Étienne Miousse à la guitare, Salin Cheewapansri à la batterie, Hichem Khalfa à la trompette, Elli Miller Maboungou aux percussions. Un groupe de haut calibre utilisé avec cohésion, mais rarement tout ensemble, dans l’esprit des disques où la voix de la chanteuse est souvent dédoublée, et même plus, et prend toute la place.

Dans des éclairages bleutés pour les chansons de son premier disque, passant ensuite au jaune, puis au rouge lorsqu’elle a interprété l’une après l’autre la presque totalité des 14 courtes chansons de Stay Tuned !, Dominique Fils-Aimé a imprégné L’Astral d’un son essentiellement jazz, mais teinté aussi de blues et de R&B.

« Le jazz, c’est un état d’esprit. On peut tous être jazzmen ou jazzwomen tant qu’on vit librement ! » 

— Dominique Fils-Aimé, s’adressant à la foule

On sent dans sa musique ce souffle venu de très loin et qu’elle réorganise à sa façon ; sa manière sur scène est cependant plus classique : robe et gants noirs, bras mouvants, il y a encore une retenue malgré la présence magnétique.

Moments de grâce

Ce n’est pas si grave, car elle a bien sûr cette voix profonde et caressante, qui se perd un peu dans les graves, mais qui fait vibrer lorsqu’elle monte, et qui élève grâce à son léger vibrato, particulièrement lorsque les instruments derrière chuchotent. Ces moments sont des moments de grâce, et on aurait pu entendre une mouche voler dans la salle suspendue aux lèvres de la chanteuse.

Avec un univers musical aussi riche et créatif et un charisme indéniable malgré le côté parfois maladroit – n’oublions pas que cette ancienne intervenante en soutien psychologique pour les employés ne fait de la musique que depuis quelques années –, on peut avancer sans peur de se tromper que Dominique Fils-Aimé est partie pour la gloire. En toute liberté.

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