Chronique

Soupir de soulagement pour les consommateurs québécois

Cela fait au moins six ans que les consommateurs québécois espèrent – et redoutent en même temps – qu’Ottawa remette les banques au pas. Alors ils ont poussé un soupir de soulagement – mais aussi de dépit – en lisant le projet de loi C-86 déposé par le ministre des Finances Bill Morneau lundi.

Dépit parce que le projet ne va pas très loin. Soulagement parce qu’à tout le moins, Ottawa a décidé de ne pas piétiner les droits des provinces, comme il comptait le faire en 2016. Avec son ancien projet de loi C-29, le fédéral avait jeté les bases d’un régime « complet et exclusif » pour encadrer les relations entre les banques et leurs clients.

En clair, Ottawa voulait mettre hors circuit les lois provinciales qui s’appliquent depuis belle lurette aux banques, notamment toutes les dispositions contenues dans la Loi sur la protection du consommateur (LPC) au Québec.

Cela aurait fait le bonheur du lobby bancaire qui rêve d’appliquer les mêmes règles d’un océan à l’autre. Plus simple, j’en conviens. Mais les consommateurs, eux, auraient perdu au change dans cet exercice de nivelage par le bas qui a finalement avorté devant les protestations de Québec et du Sénat. Bon débarras.

Cette fois, Ottawa revient à la charge avec un projet d’encadrement « complémentaire » à celui des provinces. Les consommateurs ne perdront donc aucun droit. Ils bénéficieront simplement des règles les plus généreuses, qu’elles soient fédérales ou provinciales. Et on fera l’économie d’un autre interminable débat constitutionnel.

La collaboration a bien meilleur goût !

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Il y a tant à faire pour encadrer les services financiers. Récemment, de nombreux reportages ont exposé les dérives de l’industrie où des employés sont poussés à vendre des produits inutiles pour atteindre leurs objectifs.

En mars dernier, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a publié un rapport dépeignant cette culture de vente qui accroît les risques de comportements abusifs envers les consommateurs.

En réponse à ce rapport, le projet de loi C-86 met de l’avant une série de mesures pour mieux protéger les clients.

Entre autres, il sera interdit « d’exercer des pressions indues » pour contraindre un client à acheter un produit.

Les banques devront toujours obtenir le « consentement exprès » des clients et leur fournir une copie de l’entente lorsqu’ils adhèrent à un service.

La rémunération des patrons et des employés des banques ne devra pas les inciter à vendre des produits qui ne conviennent pas à leurs clients.

La publicité devra être « exacte et claire et ne pas induire en erreur ».

Voilà de beaux grands principes… dont les balises restent floues. Comment s’assurera-t-on que les banques suivent ces préceptes ?

Il est vrai qu’Ottawa veut donner plus de dents à l’ACFC et décupler les pénalités, qui atteindront jusqu’à 10 millions de dollars. « Mais encore faut-il que l’ACFC ait les moyens et les ressources pour faire les enquêtes et aller jusqu’au bout », souligne France Latreille, directrice de l’Union des consommateurs.

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J’aurais tant souhaité qu’Ottawa aille plus loin. Cela fait si longtemps que je dénonce les pénalités exorbitantes lorsque les clients mettent fin à leur hypothèque avant le terme. Pourquoi ne pas avoir encadré une bonne fois pour toutes le mode de calcul de ces pénalités ? Meilleure chance la prochaine fois…

À la place, Ottawa s’est contenté de faire un exercice de « copier-coller » pour intégrer dans sa nouvelle loi des mesures qui existent déjà. La possibilité d’obtenir immédiatement la première tranche de 100 $ lorsqu’un client encaisse un chèque ? Le modus operandi lorsqu’un émetteur de carte de crédit offre un taux promotionnel pour un transfert de solde ? Tout cela existe déjà.

« On prend des éléments déjà présents dans la réglementation pour les intégrer dans la loi elle-même, ce qui ne donne rien d’utile et rend le régime plus rigide parce qu’il est plus difficile d’amender la loi qu’un règlement », déplore Jacques St-Amant, analyste-conseil pour la Coalition des associations de consommateurs du Québec.

À son avis, la réforme est superficielle et laisse de côté toutes sortes d’enjeux cruciaux, comme le fait que les banques peuvent choisir l’ombudsman externe qui a le mandat de résoudre les litiges avec la clientèle. Quand un des joueurs a le droit de choisir l’arbitre, on peut se poser des questions sur son objectivité.

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À plusieurs égards, la Loi sur la protection du consommateur du Québec protège mieux les clients des institutions financières.

Cette année, Québec a banni la publicité de cartes de crédit sur les campus des cégeps. Pour s’attaquer au surendettement, il a aussi amélioré les règles entourant le paiement minimum sur les cartes de crédit.

Au fil des ans, la plupart des émetteurs de cartes de crédit ont réduit à 2 % le paiement minimum, ce qui fait en sorte que les détenteurs ne remboursent pratiquement pas de capital et sont donc condamnés à payer des intérêts pour l’éternité. Québec a donc exigé que le paiement minimum remonte à 3 % graduellement d’ici six ans.

Ça, c’est une vraie mesure. Avec des avantages clairs pour les consommateurs.

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