FouKi

Complètement zay

HIP-HOP
Zay
FouKi
7ième Ciel

Reposé… posé… zé… zay. Sans stress, sans pression, relax. Jardin de givre entre les oreilles ? Floraison assurée, quoi qu’il s’y produise ! Voilà ce qu’évoque Zay, premier album signé FouKi sous étiquette 7ième Ciel.

Fier représentant de la prochaine vague hip-hop, ce garçon de 21 ans rappe en patois urbain, français québécois modifié en permanence dans tous les quartiers de Montréal. Dans les écoles, les parcs, les ruelles, les cafés, les rencontres hip-hop, le verbe des jeunes générations est sans cesse soumis à de nouvelles hybridations.

Les langues dominantes y sont traversées par celles de l’immigration, aussi par l’anglais. Le « Plateau Hess » de Montréal, où FouKi a grandi, n’y fait pas exception.

« Vu la présence des enfants d’immigrants dans les écoles publiques, chacun a sa langue : joual québécois, argot à la française, espagnol, arabe, créole haïtien… Tout le monde y ajoute du sien, chaque quartier a ses particularités et on peut retrouver les mots de chacun dans nos conversations communes, explique FouKi. Cette façon de parler est vraiment montréalaise. Elle nous représente. »

Mélange des langues

En interview, FouKi ne maîtrise pas parfaitement le français de bon aloi, mais il aime la parole, les néologismes, les figures de style et autres transmutations linguistiques qui alimentent son patois générationnel.

« Je me retiens pour ne pas trop transformer les mots, car on me reproche parfois de rapper des textes incompréhensibles. Mais si tu te forces un peu quand tu écoutes mon rap, tu finis par comprendre. Il faut laisser aller ton imagination et ça vient tout seul. »

« Un verse exclusivement français, c’est nice, mais le mélange des langues me convient mieux. J’y vois plus de couleurs, ça ajoute quelque chose et ça représente ma réalité. »

— FouKi

Et comment tous ces mots lui viennent-ils à l’esprit ? « C’est une dictée trouée ; les mots se placent dans la phrase au fur et à mesure qu’ils émergent dans le flow. Réflexions et passages de la vie quotidienne, des faits, des émotions, le point de vue d’un gars de mon âge. Oui, je parle souvent de “pot” dans mes textes, mais ce n’est pas un sujet principal ; ça fait partie de l’histoire… »

De Fougères à FouKi

Il y a 21 ans, Léo Fougères est né à l’hôpital Notre-Dame de parents professeurs. Il a grandi sur le Plateau dans les familles recomposées de ses maman et papa, authentiques mélomanes et artistes à leurs heures, selon fiston. Côté musique, maman serait plutôt reggae et Antilles, tandis que papa aurait des goûts musicaux des plus éclectiques. Ce qui a évidemment déteint sur la progéniture.

« Au primaire, raconte FouKi, j’ai eu beaucoup de passes. Au primaire à l’école Bruchési, j’ai écouté du emo, du punk, du reggae, j’ai changé sans cesse jusqu’au secondaire. Lorsque je me suis retrouvé à l’école Jeanne-Mance après une année à Sophie-Barat, j’ai découvert le rap ; d’abord Eminem, 50 Cent, Wu-Tang Clan », raconte notre jeune homme à peine sorti de l’adolescence.

Ainsi, Léo Fougères est devenu FouKi. Son nom de famille s’était d’abord transformé en l’expression Fou-qui-gère. Fou qui gère quoi ? « Fou gui gère tout… la vie ! Tout le monde a fini par m’appeler FouKi. » Il a retiré le « gère » lorsque l’appel du rap est devenu irréversible.

Fiston n’est pas éduqué comme ses parents. Ni cégep ni université, diplôme d’études secondaires obtenu en huit ans, pour les raisons qu’on imagine.

« Lorsque j’ai commencé à être sérieux dans le rap, j’ai arrêté de l’être à l’école. Je ratais mes cours pour aller rapper dans l’abribus, au parc, chez mes chums… Pour finir mon secondaire, j’ai été inscrit à plusieurs écoles pour adultes, mais… je m’y faisais chaque fois de nouveaux amis avec lesquels j’allais rapper. »

« Très souvent, j’étais le seul Blanc à rapper à la québécoise, entouré de Blacks et d’Arabes. Ils aimaient m’entendre, parce que le flow était là, parce que l’assurance était là. J’ai fait trois écoles pour adultes et… je me suis tanné et j’ai finalement passé mon secondaire 5 l’an passé. »

— FouKi

Autre facteur de sa réussite : son pote QuietMike, « le micro silencieux » rebaptisé « le Michel Silencieux » après un troisième jeu de mots, conçoit les beats.

« Je l’ai connu à Jeanne-Mance. Nous étions en secondaire 3. Tous les midis, on allait faire des beats chez lui, car il en faisait depuis un moment ; sa mère étant chanteuse, il y avait des instruments de musique dans la maison, il a grandi en faisant des beats. Aujourd’hui, nous recherchons des sonorités organiques, avec des effets trap inspirés notamment de Young Thug, que j’adore. »

Sur scène derrière FouKi, QuietMike offre peu de transformations en temps réel. « Mais on veut y arriver. J’aimerais éventuellement travailler avec des musiciens, je commencerais d’abord avec des choristes qui appuient le flow et les sons. »

Cela ne saurait tarder. FouKi n’a pas fini de faire parler de lui… son pouvoir attractif ne fait nul doute. N’est-il pas complètement… zay ?

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