chronique

De Harlem au Golden Square Mile

Andrew Lutfy, président de Carbonleo, a choisi Marcus Samuelsson, un Suédois de Harlem, pour piloter le nouveau restaurant phare du Four Seasons, complexe de grand luxe qui ouvrira au centre-ville au printemps. Entrevues avec deux hommes qui ne font pas les choses comme tout le monde.

Le chef Marcus Samuelsson a grandi à Göteborg, la ville de Volvo, élevé par des parents suédois. Mais il est né en Éthiopie dans une famille dont il a été séparé pendant la guerre civile, en très bas âge, au début des années 70, avant d’être adopté en Europe.

Sa carrière ? Il l’a embrassée à New York, d’abord dans un restaurant fortement axé sur la cuisine scandinave, Aquavit, puis à Harlem, où, avec son Red Rooster, un établissement de cuisine soul ouvert à tous, en plein cœur d’un quartier encore bien peu mixte en 2010, il est réellement devenu une personnalité incontournable. Le Scandinave du ghetto, qui veut faire éclater les frontières, qui veut décloisonner les idées reçues et créer des rencontres.

Et Samuelsson continue sa marche.

Après toutes sortes d’autres projets, notamment à Londres et Newark, dont EatUp !, un festival culinaire à Harlem, il se prépare maintenant à faire bouger Montréal en se posant au cœur du nouveau quartier du luxe, dans le Golden Square Mile.

Au printemps, il s’installera derrière les fourneaux du Marcus, le restaurant du Four Seasons, le nouveau complexe résidentiel et hôtelier de 168 chambres attaché au Holt Renfrew dans le quadrilatère Crescent, Sainte-Catherine, De Maisonneuve et de la Montagne. Le projet piloté par l’homme d’affaires Andrew Lutfy est en pleine construction et doit ouvrir au printemps.

Lutfy a choisi Samuelsson, dit-il en entrevue, parce que les deux partagent la même vision de ce qu’est le luxe : quelque chose d’émotionnel, d’expérientiel, qui a autant à voir avec l’ambiance d’un lieu, les connexions improbables créées entre les gens, qu’avec la nourriture. « Je veux qu’on touche nos clients, qu’on les prenne par surprise », dit le président de Carbonleo, le groupe qui gère le DIX30 et qui est derrière le projet du centre commercial Royalmount. « Parce que ça, c’est sans prix. »

Et Samuelsson, assure-t-il, le comprend mieux que quiconque. En plus de bien cuisiner. Aux États-Unis, on le connaît pour mille et une émissions de télé, livres de cuisine, prix et compagnie, mais surtout pour ce Red Rooster, le restaurant qui l’a lancé, parce qu’il osait faire de Harlem une nouvelle destination cuisine.

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Et Montréal ? Veut-il contribuer à le changer comme il a changé New York ?

Parce qu’appelez ça embourgeoisement ou ouverture, Harlem n’est plus pareil depuis huit ans…

Pas du tout. Il veut surtout le comprendre. 

Rencontré dans la cuisine modèle du projet immobilier où il prépare un crudo de hamachi, une paella au canard – « en mangeant ma cuisine, on comprend mieux qui je suis que juste en entrevue » –, il explique comment il entend d’abord composer avec les poissons, les viandes, s’adapter aux produits au gré des saisons.

Samuelsson promet des débuts humbles.

Il y a des tas de trucs que le chef adore déjà de Montréal, explique-t-il.

« Le fait que le soleil et la chaleur ne soient pas tenus pour acquis. » Les gens, dont ses amis les chefs qu’il suit depuis longtemps, Chuck Hughes, David McMillan, Antonio Park… « Je me rappelle quand Normand [Laprise] a ouvert à New York il y a 20 ans. Je me disais : il y a tant de similarités avec la Scandinavie. » Le hockey. Les produits. Les poissons d’eau très froide. L’importance du printemps.

À Montréal, il propose donc une entrée en douceur, même si son restaurant aménagé par le studio de Zébulon Perron sera immense : 95 places dans la salle à manger principale, 100 sur la terrasse et 130 dans le bar où il y aura un bar cru et le lobby.

On y servira beaucoup de poissons, des légumes, des produits locaux. « On pourra y manger plusieurs fois par semaine sans faire peur au docteur », dit Lutfy.

Comme l’ouverture est encore dans plusieurs mois, Samuelsson se donne le temps de déchiffrer les marchés, de trouver des ingrédients, de sentir l’atmosphère de la ville. « Je vais embaucher des gens d’ici », dit-il. « Et je vais découvrir où je suis en y cuisinant. »

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