troubles alimentaires

Toujours incompris

« On ne choisit pas d’avoir un trouble alimentaire », affirme la psychologue Stéphanie Léonard.

« Le déclencheur peut être un premier régime, mais il y a encore cette idée que l’anorexie est un caprice, alors qu’il y a beaucoup de souffrance et d’anxiété », explique la spécialiste des troubles alimentaires et de l’image corporelle.

Pour souligner la Journée mondiale de sensibilisation aux troubles alimentaires, le 2 juin, l’association Anorexie et boulimie Québec (ANEB) souhaite faire mieux comprendre les enjeux de cette maladie mentale et mettre fin à la stigmatisation entourant les troubles alimentaires.

Il y a souvent une grande incompréhension devant la maladie et une grande impuissance des parents. Suzanne* a une fille de 16 ans qui souffre d’anorexie depuis plus de trois ans. Elle estime qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, et surtout à agir dès qu’on a des doutes et qu’on observe une perte de poids chez son enfant.

« À la fin de l’été, avant d’entrer en deuxième secondaire, ma fille s’est mise à courir tous les jours de manière quasi obsessive, mais je ne me suis pas tout de suite alarmée. Du jour au lendemain, elle a supprimé tous les sucres de son alimentation, de manière très drastique. Je me suis inquiétée, car elle mangeait moins et elle me disait qu’elle n’allait pas bien. Puis, ça a été très rapide dans son cas, elle a commencé à maigrir très vite, de manière presque fulgurante, et j’ai appelé le CHU Sainte-Justine, où elle a été hospitalisée. Elle était très affaiblie, et aurait pu faire un arrêt cardiaque », confie Suzanne.

« C’est très confrontant, il faut accepter que ton enfant ait une maladie mentale, et ça, c’est extrêmement difficile », soutient la mère. Aujourd’hui, sa fille va mieux. En trois ans, elle a été hospitalisée trois fois au CHU Sainte-Justine (pour un total de 10 mois) et elle séjourne en ce moment à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. « Depuis un an, elle maintient un poids santé. D’un point de vue physique, il n’y a plus d’inquiétude, c’est le côté psychologique qu’il faut traiter. Elle a des pensées anorexiques, des obsessions alimentaires, mais elle veut retrouver une vie normale. »

« C’est long, souffrant. Il faut être patient, aimant, chercher du soutien, en parler autour de soi et garder espoir, car on peut se rétablir, ma fille va s’en sortir. »

— Suzanne, mère d’une adolescente anorexique

La psychologue Stéphanie Léonard prévient les parents qu’ils ne doivent surtout pas se sentir coupables. « Dans les troubles alimentaires, il y a une composante héréditaire et génétique importante, il y a souvent un membre de la famille qui a déjà eu des troubles alimentaires, des problèmes de dépression ou d’anxiété. » Elle pense qu’idéalement, dans une famille, le poids ou la silhouette des enfants ne devraient pas être un enjeu. « Les enfants et les adolescents vont vivre tellement de changements corporels, c’est déjà une épreuve en soi, on ne va pas en plus faire des remarques négatives sur leur poids, leurs cuisses… »

En même temps, Stéphanie Léonard admet qu’un enfant peut grandir dans une famille avec une mère qui est constamment au régime sans développer de troubles alimentaires, et l’inverse est aussi vrai. « Il reste que la culpabilité est là, mais à mes yeux, elle est plus génétique que comportementale. Ça peut influencer si on grandit dans un environnement où on parle beaucoup de poids et d’alimentation, indique la psychologie. C’est un facteur de risque, évidemment, mais il faut arrêter de glorifier la maigreur dans notre société comme un modèle de beauté. »

Selon ANEB, environ 3 % des femmes sont touchées par un trouble de l’alimentation grave et au moins 10 % des Québécoises de 13 à 30 ans souffrent d’un trouble de l’alimentation important. On constate aussi de 5 % à 10 % de cas d’anorexie nerveuse, alors que de 10 % à 15 % des cas de boulimie sont observés chez les hommes et les garçons.

*Pour préserver l’anonymat de sa fille qui souffre d’anorexie, le prénom de la mère a été modifié.

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