La charge émotionnelle, autre fardeau des femmes
Qu’est-ce que c’est ?
« La charge émotionnelle, c’est le pendant affectif de la charge mentale », résume la jeune auteure, de passage au Québec cette semaine pour le lancement de son dernier-né, La charge émotionnelle et autres trucs invisibles, chez Massot éditions. Après la gestion du quotidien, des listes de courses, des cadeaux d’anniversaires à trouver et des gants troués à remplacer (la charge mentale), la charge émotionnelle, « c’est se soucier en permanence du confort de l’entourage, illustre-t-elle. Sans que l’entourage ait besoin de demander ». Et c’est tout aussi « invisible », faut-il le préciser. La charge émotionnelle, c’est anticiper les besoins des autres, être à l’écoute, aux aguets, bref, aux petits soins.
UN SOUCI FÉMININ ?
Rien n’est ici inné. « Mais je pense qu’on encourage les filles, toutes petites, à moins parler et plus écouter, et se conformer aux attentes, répond Emma. Et du coup, les femmes grandissent avec un sens de l’empathie plus développé que les hommes. » À l’inverse, on encourage davantage les garçons à prendre leur place, à « s’imposer », et, ce faisant, ils apprennent moins à être à l’écoute des autres, et développent moins leur empathie. « Or, qui dit empathie dit être capable de percevoir le malaise en face », avec l’option d’y remédier. D’où la fameuse charge.
LE PROBLÈME
La charge émotionnelle ne pose pas problème « en soi », précise la bédéiste. « Mais c’est un problème que ce ne soit pas réciproque. Parce que ça prend du temps et de l’énergie qu’on n’utilise pas pour soi, mais pour les autres. » Si cette belle « énergie » était retournée aux femmes, « tout le monde en profiterait », croit-elle. Mais ce n’est pas exactement ce qui se passe dans les faits. « Dans les faits, les hommes utilisent tout ce confort pour se développer personnellement et professionnellement. » Et que font les femmes ? Elles se retournent vers d’autres femmes (les fameuses soirées de filles) ou vont chercher des services en tous genres, généralement payants. Bienvenue chez la coiffeuse ou l’esthéticienne. « Les services de pédicures, manucures font un vrai travail émotionnel ! »
L’IMPACT DANS LA SEXUALITÉ
Cette idée de « faire plaisir à l’autre » a des répercussions jusque dans la chambre à coucher, fait valoir la jeune auteure. Comme de fait, « la sexualité hétérosexuelle est très orientée vers le plaisir masculin », dit-elle. « La femme a appris très vite que son plaisir était secondaire, on n’en parle pas, on ne nous apprend pas, et on apprend très tôt à ne pas en parler, mais plutôt à rassurer notre partenaire sur sa performance. Du coup, on est encore dans le service affectif ! »
Des solutions ?
« Il y a des limites à élargir la zone de confort de l’entourage en empiétant sur la nôtre », répond Emma, d’une voix douce et néanmoins affirmée. Les femmes doivent apprendre à ne plus rire des blagues qui ne les font pas rire, à dire tout haut quand des comportements leur déplaisent, et à oser dire au lit que non, le plaisir n’est pas au rendez-vous. « Le reste, c’est du côté des hommes », croit-elle, lesquels doivent apprendre à leur tour à écouter, anticiper, bref, développer leur empathie. « Faire bouger dans le privé amènera tôt ou tard à faire bouger la société », croit celle qui rêve d’une révolution pour changer le monde. Et bonne nouvelle, elle a « confiance. « J’ai confiance en ce projet d’un monde sans rapport de domination. J’ai confiance en l’humanité », conclut-elle. Et parions qu’elle n’est pas près de lâcher son crayon.es