Bande dessinée

La charge émotionnelle, autre fardeau des femmes

Emma n’a pas fini de nous faire réfléchir. Après avoir mis le doigt sur ce qui mine et épuise bien des femmes (la charge mentale), la jeune bédéiste française, révolutionnaire avouée, en remet avec un nouveau livre, et un nouveau concept, encore plus abstrait (mais tout aussi vrai) : la charge émotionnelle. Explications, en cinq temps.

Qu’est-ce que c’est ?

« La charge émotionnelle, c’est le pendant affectif de la charge mentale », résume la jeune auteure, de passage au Québec cette semaine pour le lancement de son dernier-né, La charge émotionnelle et autres trucs invisibles, chez Massot éditions. Après la gestion du quotidien, des listes de courses, des cadeaux d’anniversaires à trouver et des gants troués à remplacer (la charge mentale), la charge émotionnelle, « c’est se soucier en permanence du confort de l’entourage, illustre-t-elle. Sans que l’entourage ait besoin de demander ». Et c’est tout aussi « invisible », faut-il le préciser. La charge émotionnelle, c’est anticiper les besoins des autres, être à l’écoute, aux aguets, bref, aux petits soins.

UN SOUCI FÉMININ ?

Rien n’est ici inné. « Mais je pense qu’on encourage les filles, toutes petites, à moins parler et plus écouter, et se conformer aux attentes, répond Emma. Et du coup, les femmes grandissent avec un sens de l’empathie plus développé que les hommes. » À l’inverse, on encourage davantage les garçons à prendre leur place, à « s’imposer », et, ce faisant, ils apprennent moins à être à l’écoute des autres, et développent moins leur empathie. « Or, qui dit empathie dit être capable de percevoir le malaise en face », avec l’option d’y remédier. D’où la fameuse charge.

LE PROBLÈME

La charge émotionnelle ne pose pas problème « en soi », précise la bédéiste. « Mais c’est un problème que ce ne soit pas réciproque. Parce que ça prend du temps et de l’énergie qu’on n’utilise pas pour soi, mais pour les autres. » Si cette belle « énergie » était retournée aux femmes, « tout le monde en profiterait », croit-elle. Mais ce n’est pas exactement ce qui se passe dans les faits. « Dans les faits, les hommes utilisent tout ce confort pour se développer personnellement et professionnellement. » Et que font les femmes ? Elles se retournent vers d’autres femmes (les fameuses soirées de filles) ou vont chercher des services en tous genres, généralement payants. Bienvenue chez la coiffeuse ou l’esthéticienne. « Les services de pédicures, manucures font un vrai travail émotionnel ! »

L’IMPACT DANS LA SEXUALITÉ

Cette idée de « faire plaisir à l’autre » a des répercussions jusque dans la chambre à coucher, fait valoir la jeune auteure. Comme de fait, « la sexualité hétérosexuelle est très orientée vers le plaisir masculin », dit-elle. « La femme a appris très vite que son plaisir était secondaire, on n’en parle pas, on ne nous apprend pas, et on apprend très tôt à ne pas en parler, mais plutôt à rassurer notre partenaire sur sa performance. Du coup, on est encore dans le service affectif ! »

Des solutions ?

« Il y a des limites à élargir la zone de confort de l’entourage en empiétant sur la nôtre », répond Emma, d’une voix douce et néanmoins affirmée. Les femmes doivent apprendre à ne plus rire des blagues qui ne les font pas rire, à dire tout haut quand des comportements leur déplaisent, et à oser dire au lit que non, le plaisir n’est pas au rendez-vous. « Le reste, c’est du côté des hommes », croit-elle, lesquels doivent apprendre à leur tour à écouter, anticiper, bref, développer leur empathie. « Faire bouger dans le privé amènera tôt ou tard à faire bouger la société », croit celle qui rêve d’une révolution pour changer le monde. Et bonne nouvelle, elle a « confiance. « J’ai confiance en ce projet d’un monde sans rapport de domination. J’ai confiance en l’humanité », conclut-elle. Et parions qu’elle n’est pas près de lâcher son crayon.es

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