Opinion Jocelyn Coulon

Rencontre entre donald Trump et Kim Jong-un
Un sommet imprévisible

Ils vont donc se rencontrer. Donald Trump a accepté de participer d’ici la fin mai à un sommet avec Kim Jong-un, celui-là même qu’il jurait d’anéantir dans un holocauste nucléaire s’il refusait de renoncer à ses armes atomiques.

Les menaces du président américain auraient-elles poussé le leader nord-coréen à ce soudain retournement ? La présence du vice-président Mike Pence aux côtés d’un important membre du gouvernement nord-coréen dans les tribunes des Jeux olympiques le mois dernier aurait-elle donné lieu à des échanges secrets ? Ou est-ce plutôt la sœur du leader nord-coréen en visite à Séoul qui aurait fait débloquer les choses ?

Tout cela reste à voir et nous en saurons un peu plus sur les dessous de l’histoire de cette annonce historique dans les prochains jours, gracieuseté des médias américains.

Et ce sommet est historique, car aucun président américain n’a rencontré son homologue nord-coréen, même si les deux pays ont souvent maintenu le dialogue à un certain niveau, comme l’illustre la visite de la secrétaire d’État Madeleine Albright en 2000, venue préparer une visite de Bill Clinton qui n’aura pas lieu.

Il y aura donc un sommet, mais pour quoi faire ? Officiellement, le leader nord-coréen a indiqué dans son message à Trump qu’il voulait discuter de la dénucléarisation de la péninsule coréenne et qu’il était même prêt à stopper ses essais nucléaires et ses tirs de missiles d’ici à cette rencontre. C’est dans l’ordre des choses si on veut s’assurer qu’un sommet se tiendra.

Pour autant, les deux pays campent sur des positions irréconciliables à propos du programme nucléaire nord-coréen. Jusqu’à l’annonce surprise de jeudi soir, Washington demandait que Pyongyang abandonne son programme avant même l’amorce de toute discussion. Pour les Nord-Coréens, il n’était pas question de renoncer à ce qui avait coûté tant à acquérir et qui assure la sécurité du pays et du régime.

Depuis plus de 25 ans, les deux protagonistes ont tenté de rapprocher leurs positions à travers des rencontres, des séances de négociations et des échanges plus ou moins secrets. Cela n’a jamais fonctionné.

À l’évidence, la donne a changé et, tant à la Maison-Blanche qu’à la présidence nord-coréenne, on veut croire que cette fois-ci est la bonne. C’est Kim Jong-un qui a proposé la rencontre et Trump l’a acceptée rapidement.

La dénucléarisation de la péninsule est une question à deux volets. Il y a le programme nucléaire nord-coréen, considéré comme illégal par la communauté internationale, et il y a la garantie nucléaire américaine d’assurer la sécurité de la Corée du Sud (avec, peut-être, la possibilité d’introduire des armes nucléaires sur son territoire) dans le cadre d’un accord de défense entre deux pays indépendants.

Le grand défi est d’articuler une politique de dénucléarisation de la péninsule tout en s’assurant que les deux pays ne craignent pas pour leur sécurité et la survie des régimes en place.

La dénucléarisation est aussi une des étapes vers le règlement de la crise coréenne qui dure depuis la guerre de Corée de 1950-1953. Neutraliser les programmes et les stratégies nucléaires devrait se réaliser dans le cadre d’un accord politique plus large. Celui-ci comprendrait la signature d’un traité de paix mettant fin à la guerre (il y a présentement un armistice entre belligérants), l’établissement de relations diplomatiques entre Washington et Pyongyang, l’intégration de la Corée du Nord au sein des forums économiques et de sécurité asiatiques (comme l’APEC), et, finalement, la relance de négociations sur la réunification des deux pays.

Le sommet devra être minutieusement préparé si les deux veulent en tirer une feuille de route permettant d’aboutir à certains résultats.

Les experts se souviennent du fameux sommet de 1986 entre Reagan et Gorbatchev à Reykjavik, en Islande, où les deux leaders avaient discuté de l’élimination totale des armes nucléaires. Cette proposition n’avait pas été préparée, mais lancée un peu à la légère par Reagan et attrapée au bond par Gorbatchev devant des conseillers effrayés par tant d’improvisation. Elle fut rapidement enterrée, mais ouvrit quand même la voie à une dénucléarisation progressive.

Trump est imprévisible, avec un degré d’attention minimal, Kim semble plus froid, plus calculateur. Avec si peu de complicité de caractère, comment ces deux leaders pourront-ils dialoguer de manière constructive ?

En tout cas, une chose est certaine : ce sommet ne manquera pas d’éclat et risque de réserver quelques surprises.

* L’auteur publie le mois prochain Un selfie avec Justin Trudeau. Regard critique sur la diplomatie du premier ministre, chez Québec Amérique.

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