Départ imminent

La République dominicaine limite la durée du séjour des snowbirds

Les Québécois qui passent l’hiver en République dominicaine ne pourront rester plus de quatre mois dans l’île antillaise, ont décidé les autorités locales, qui veulent appliquer plus rigoureusement leurs lois migratoires.

Les touristes canadiens qui partent avec une carte touristique valide pour 30 jours devront faire une demande de prolongation en personne, au ministère de l’Immigration, à Saint-Domingue, s’ils veulent étirer leur séjour jusqu’à quatre mois. C’est ce que plusieurs résidants montréalais se sont fait dire par le consulat de République dominicaine. Une information confirmée par l’ambassade, à Ottawa.

Vérification faite, ils auront 30 jours pour faire leur demande de prolongation, de sorte qu’ils pourront demeurer en République dominicaine 60 jours avec leur carte touristique. Mais au total, la durée du séjour ne pourra dépasser 120 jours (4 mois). Passé ce délai, ils ne seront plus considérés comme des touristes. S’ils veulent rester plus longtemps, ils devront obtenir un permis de résidence temporaire.

Cette demande de permis pourra être faite du Canada, a indiqué l’ambassadeur de la République dominicaine au Canada, Briunny Garabito. Les Canadiens pourront se présenter dans les bureaux de Montréal, Toronto ou Ottawa.

M. Garabito a expliqué à La Presse que la République dominicaine voulait mieux réguler les allées et venues des étrangers dans l’île, « afin de s’assurer que les étrangers qui y séjournent sont bel et bien des touristes ». Les autorités dominicaines expliquent que « certaines personnes » ont plutôt l’intention de s’établir en République dominicaine. Il n’a pas voulu préciser la nationalité de ces « personnes ».

Taxe ou amende ?

Actuellement, les ressortissants canadiens qui restent plus de 30 jours en République dominicaine paient une « taxe » au moment de quitter le pays – une somme déterminée en fonction de la durée totale du séjour. Mais il n’y a jamais eu de limite imposée par les autorités dominicaines, de sorte que les snowbirds choisissent de rester le temps qu’ils veulent, en général entre 2 et 9 mois.

Or, dans les faits, cette taxe est considérée par les autorités dominicaines comme une amende. Ceux qui ont prolongé leur séjour en payant la pénalité pourraient être refoulés au moment de leur arrivée en République dominicaine l’hiver prochain, se sont fait dire des voyageurs québécois, qui ont relayé l’information sur le site de l’Organisation des snowbirds canadiens.

« Actuellement, la loi est en cours de restructuration, et si vous dépassez la période de 30 jours, vous continuerez à payer l’amende lorsque vous quitterez la République dominicaine, mais vous risquez d’être refusés lorsque vous tenterez de retourner en territoire dominicain », a averti le consulat dominicain dans un courriel envoyé à un résidant de Senneville, Martin Gauthier, qui s’était informé de la situation.

« Le paiement de l’impôt de sortie est un type d’amende pour un séjour de plus de 30 jours et ce n’est pas un pardon, précise le consulat dans la missive envoyée à M. Gauthier le 2 mai, et puisque vous avez violé la règle par le passé, le bureau de douane peut considérer que vous allez récidiver et rejeter votre entrée. »

Changement de ton

L’ambassadeur Briunny Garabito a, semble-t-il, changé de ton depuis le début du mois.

« Les Canadiens n’ont pas à craindre d’être refoulés, même si par le passé, ils ont payé l’amende en quittant le pays. »

— Briunny Garabito

Pourvu qu’ils quittent le pays avant le délai de 120 jours, a-t-il précisé, ils n’auront pas de problèmes. Ceux qui auront dépassé cette limite sans avoir fait de demande de permis de résidence temporaire pourraient, en effet, se voir refuser l’entrée en territoire dominicain lors de leur prochain voyage, a-t-il maintenu.

S’ils se limitent à des séjours de moins de 120 jours, est-ce que les snowbirds canadiens devront obligatoirement se présenter au ministère de l’Immigration à Saint-Domingue pour faire une demande de prolongation ? Ou pourront-ils continuer à payer l’amende comme ils l’ont toujours fait, sans crainte d’être plus tard refoulés ?

Sur cette question, l’ambassadeur Garabito est prudent : « Idéalement, on aimerait qu’ils se rendent à Saint-Domingue pour qu’ils précisent la durée de leur séjour, donc on les encourage fortement à le faire. Mais on ne veut pas compliquer les choses pour les Canadiens, a-t-il affirmé. On étudie la possibilité de mettre fin au système de paiement de pénalité, mais on n’a pas encore pris une décision définitive. »

On ne connaît pas le nombre exact de snowbirds qui y séjournent plus de 30 jours, mais Statistique Canada calcule qu’en 2016, 33 000 voyageurs canadiens ont passé plus de « 20 nuitées » dans l’île. L’an dernier, 837 104 Canadiens, dont environ 300 000 Québécois, ont voyagé en République dominicaine, selon les données du ministère du Tourisme dominicain.

De toute évidence, l’ambassade de la République dominicaine à Ottawa ne veut pas décourager les « snowbirds canadiens ». À la voyageuse montréalaise Sveta Melchuk, qui passe plusieurs mois par année à Las Terrenas, en République dominicaine, l’ambassade, à Ottawa, a même répondu ceci : 

« Nous sommes vraiment désolés pour la confusion et les inconvénients. Il y a des changements dans l’application de nos lois migratoires, mais nous avons besoin de touristes comme vous, donc envoyez-nous votre nom complet, numéro de passeport, dates d’arrivée et de départ dans notre pays et numéro de téléphone et nous nous assurerons que vous et votre famille passerez un bon moment dans notre pays. »

« Si vous connaissez des gens dans votre situation, dites-leur de nous contacter et nous nous assurerons qu’ils puissent rentrer dans notre pays sans problème, tout comme vous. » Ce que Mme Melchuk a fait en relayant la réponse de l’ambassade sur la page Facebook du groupe Everything Las Terrenas.

Un lien avec l’immigration haïtienne ?

Cette décision qui découle du « Plan national de la réorganisation des étrangers » n’est pas directement liée à la situation des Haïtiens au pays, croit Diego Osorio, spécialiste de l’Amérique latine à la chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Mais c’est quand même « une façon pour le gouvernement de montrer que la République dominicaine ne prend pas pour cible uniquement la population haïtienne et qu’il applique ses lois migratoires à tous », et ce, même si les Haïtiens doivent obtenir un visa pour entrer en République dominicaine. Quant à la volonté de la République dominicaine de traiter les dossiers au cas par cas, comme elle l’a laissé entendre à certains citoyens canadiens, le spécialiste estime que « ça ouvre la porte à des manipulations ». « L’application doit être constante partout », croit-il. M. Osorio rappelle que le contexte socioéconomique d’Haïti, combiné au séisme de 2010, a incité des milliers de Haïtiens à migrer, la plupart du temps illégalement, vers la République dominicaine.

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