OPINION

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Une révolution stimulante et prometteuse

Un assistant virtuel qui permet de gérer des appareils connectés par simple commande vocale. Un diagnostic médical juste et rapide établi par l’analyse de millions d’images. Et bientôt, des voitures autonomes dans nos rues. Toutes ces avancées technologiques sont possibles grâce à l’intelligence artificielle (IA), qui marque une importante révolution née ici même, au Canada.

Le Canada et le Québec ont une expertise peu commune dans les domaines de l’IA, de l’apprentissage profond et du numérique. Notre fort leadership en recherche dans le domaine de l’IA remonte à loin et est reconnu dans le monde entier.

Cette force nous donne une occasion en or de tirer parti de notre position mondiale, très enviable, pour stimuler notre économie, augmenter notre productivité et améliorer la santé humaine, car pratiquement tous les secteurs de notre économie – et de nos vies – seront bientôt touchés par l’IA.

Mais si l’IA a le formidable potentiel de propulser le développement économique et de rehausser notre qualité de vie, elle est également source d’inquiétudes en ce qui a trait à l’emploi, au perfectionnement professionnel, à la protection de la vie privée, à la démocratie et à l’éthique, bref, dans tous les aspects de nos vies professionnelles, sociales et privées.

Le scandale de Cambridge Analytica entourant l’utilisation des données personnelles de quelque 90 millions d’utilisateurs Facebook à des fins politiques nous rappelle très clairement que les effets de l’IA sont parfois néfastes et peut-être même involontaires.

Pour dissiper ces inquiétudes, le Québec et l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA) ont lancé des initiatives visant à assurer la collaboration, afin que les Canadiens et les gens de partout dans le monde profitent de l’IA.

Au Québec

Des équipes (soit l’Institut de valorisation des données [IVADO] et Supply Chains and Logistics Excellence.AI [SCALE.AI]) et des chercheurs du Québec, dont Yoshua Bengio (Université de Montréal), Joëlle Pineau (Université McGill) et beaucoup d’autres, ont gagné d’importantes subventions lors de grandes compétitions canadiennes, et le gouvernement du Québec a beaucoup investi dans le domaine.

De jeunes entreprises ont été fondées (MILA et sa société affiliée Element AI, Dataperformers, etc.) et de grandes sociétés internationales se sont établies dans la province. C’est sans compter l’appui des Fonds de recherche du Québec (FRQ) à IVADO pour la formation de la prochaine génération de chercheurs en IA.

Cependant, bien que le gouvernement du Québec ait investi de grosses sommes, la concurrence est féroce.

Pensons notamment à la Silicon Valley, à la Corée du Sud, à la Chine, à la France et au Royaume-Uni, qui ont également énormément investi dans le secteur.

Cette forte croissance au Québec suscite une réflexion sérieuse quant aux effets de l’IA sur la société, réflexion qui a mené à la création du Forum sur le développement socialement responsable de l’intelligence artificielle tenu en novembre 2017 à Montréal. Cet événement a jeté les bases de la Déclaration de Montréal, qui définit les principes du développement socialement éthique de l’IA.

S’ajoute à ces initiatives le projet d’observatoire mondial sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique. Ce projet a fait l’objet d’échanges au forum organisé par les FRQ et l’Université de Montréal le 27 mars, jour même où le gouvernement du Québec annonçait, dans son budget, son intention de mettre sur pied l’Organisation mondiale sur l’intelligence artificielle (OMIA) pour établir des normes et des pratiques internationales en développement sociétal de l’IA et du numérique.

Le scientifique en chef du Québec a aussi entamé des discussions en la matière avec des représentants de la France, notamment le député Cédric Villani, qui a conseillé le gouvernement Macron sur sa récente politique en matière d’IA.

Ces mesures montrent le rôle important que souhaite jouer le Québec pour assurer le développement responsable dans un secteur qui pourrait profondément transformer notre société tout en étant hautement bénéfique pour la population.

L’Institut canadien de recherches avancées

Dès ses tout débuts en 1982, l’ICRA avait un programme en IA. Aujourd’hui, le programme Apprentissage automatique, apprentissage biologique est codirigé par Yoshua Bengio (Université de Montréal) et Yann LeCun (Facebook), avec la participation de quelques sommités mondiales en la matière.

Dans son budget de 2017, le gouvernement du Canada annonçait une attribution de 125 millions pour le déploiement de la Stratégie pancanadienne en matière d’IA, menée par l’ICRA, visant quatre objectifs sur les cinq prochaines années : attirer, maintenir en poste et former les meilleurs chercheurs en IA pour accroître l’effectif critique au Canada ; améliorer la collaboration en recherche sur l’IA à l’échelle nationale et renforcer les liens avec l’industrie et le secteur public ; attirer et maintenir en poste les plus brillants cerveaux en IA dans les universités et les entreprises canadiennes ; régler les questions économiques, éthiques et juridiques, ainsi que les grandes questions sociétales que soulève l’IA dans la société canadienne ; et veiller à ce que l’avancement de la recherche et ses applications dans les secteurs public et privé respectent les valeurs canadiennes d’ouverture, de transparence et de diversité.

Pour contribuer à l’atteinte de ces objectifs, l’ICRA, en partenariat avec de nouveaux instituts de recherche en IA à Toronto, à Edmonton et à Montréal, met sur pied le Programme de chaires en IA ICRA-Canada pour recruter et maintenir en poste des chercheurs dont l’excellence répond aux plus hautes normes internationales ; appuie le démarrage et les activités continues des trois nouveaux instituts indépendants ; et monte un programme d’activités nationales qui favorisera le leadership scientifique, la formation en début de carrière et la collaboration internationale.

De plus, l’ICRA a lancé un programme international sur l’IA et la société qui vise à déterminer les effets sociétaux, éthiques, économiques, juridiques et philosophiques de l’IA. Ce programme réunira des sommités internationales de tous les horizons : chercheurs en IA, décideurs politiques et innovateurs. Des documents pour chaque groupe de travail seront publiés afin de guider les décideurs politiques et économiques, les organismes sans but lucratif et les autres intervenants.

Notre objectif commun est de veiller à ce que l’utilisation de l’IA respecte nos valeurs, notamment l’ouverture, la diversité et l’égalité des chances.

Quant au gouvernement, il a pour rôle de maintenir son appui à la recherche fondamentale en IA, d’encourager l’innovation continue basée sur cette recherche, et de veiller à ce que son application dans la société canadienne respecte nos valeurs.

Bien que la nature et la portée réelles des effets de l’IA sur la société demeurent incertaines, il n’y a aucun doute que ces effets se feront sentir. La population doit avoir confiance si nous voulons concrétiser tout le potentiel de l’IA ; elle doit être certaine que ce sera fait dans son intérêt, que les données demeureront la propriété de chacun et non celle des entreprises ou du gouvernement et, par conséquent, que l’information confidentielle ne sera pas diffusée ou remise à une tierce partie sans approbation expresse.

Nous nous apprêtons à vivre une révolution stimulante et prometteuse pour le monde entier. Cette révolution commence ici. Nous sommes donc doublement responsables de veiller à ce qu’elle profite à tous.

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