idées d’ailleurs  Comment ils se sont attaqués au problème

Un métro parfumé pour guider les non-voyants ?

Se diriger grâce aux odeurs ? C’est ce que propose le métro de Rennes avec une signalétique parfumée pour guider les non-voyants. L’expérience, lancée en avril, se prolongera si les résultats sont convaincants.

Le problème

La difficulté de s’orienter dans le métro pour les passagers malvoyants.

Une solution

En France, le métro de Rennes diffuse des fragrances sur les quais et dans les wagons. Pour chaque direction, une odeur spécifique a été attribuée.

Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas voir qu’on ne peut pas sentir. Partant de cette prémisse, le métro de Rennes, en France, a décidé d’expérimenter un système de signalétique olfactive pour guider les non-voyants.

Depuis avril, un diffuseur de fragrances a été installé sur les quais de la station Sainte-Anne, située au centre de la petite ville bretonne. Pour chaque direction, une odeur spécifique. Parfum d’iode pour les passagers se dirigeant vers la station Poterie. Parfum de menthe poivrée pour ceux se rendant à la station Kennedy.

Cette expérience inédite, lancée en avril par l’entreprise Keolis, a pour objectif d’aider les non-voyants à s’orienter plus facilement. « Ce sont des odeurs de réassurance, pour être sûrs d’aller dans la bonne direction », expliquait alors Armelle Billard, porte-parole de Keolis, au journal Ouest-France. Ce système de « nébulisation », aussi implanté dans les ascenseurs et les wagons, viendrait compléter la messagerie sonore, déjà présente dans le réseau.

Le choix d’installer ce système à Sainte-Anne n’est pas un hasard. Le fait que la station soit vaste et profonde permettrait de mieux tester la bonne diffusion et la remontée des odeurs. « Ce sera léger, comme des petites bulles modifiant l’air ambiant », confiait encore Mme Billard.

Tellement léger, d’ailleurs, qu’un non-voyant rencontré sur les lieux ne semblait pas du tout convaincu par cette expérience. « Je ne trouve personnellement aucun intérêt au guidage par les odeurs dans la station, dit Jean-Marie Delerue. Les odeurs diffusées n’ont pas de lien significatif avec la direction indiquée, comme, par exemple, une odeur de pain indique la proximité d’une boulangerie. Et puis, je ne sens pas grand-chose. Vous ? »

Pour en avoir le nez net, La Presse s’est rendue sur les quais concernés. Les odeurs nous semblaient en effet plus que ténues. Voire difficilement saisissables.

L’expérience du métro de Rennes devait durer six mois, se terminant vers la fin septembre. Après quoi Keolis fera le point. « Il faut voir si ce dispositif est pertinent pour les aveugles et malvoyants, mais aussi vérifier que ces odeurs n’importunent pas les autres usagers », expliquait encore Mme Billard à Ouest-France. Si cette expérience est bien reçue, l’entreprise déploierait le système dans toutes les autres stations. Sinon, elle tirera la « plogue ».

Multinationale française, Keolis est aussi responsable du nouveau système de navettes électriques autonomes actuellement testé à Candiac. Une expérience qui devrait durer 12 mois.

L’avis de l’expert

Au Québec, cette idée devrait être… rejetée.

Alexandre Bellemare, membre du conseil d’administration de la Fondation des aveugles du Québec

L’expérience rennaise n’est pas passée inaperçue au Québec. Mais pour l’instant, l’heure est à la prudence.

« Peut-être que ce système peut aider une certaine clientèle, concède Alexandre Bellemare, membre de la Fondation des aveugles du Québec. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a énormément de courants d’air dans les stations du métro de Montréal. Alors j’ai comme l’impression que ça pourrait causer des mélanges d’odeurs et confondre, plus qu’autre chose. En outre, quelle odeur prédomine s’il y a quelqu’un à côté de toi qui met du parfum ou qui dégage une odeur ? Ça peut devenir difficile de suivre ça dans une foule. » 

Le métro de Montréal utilise actuellement un dispositif de messages vocaux destiné aux malvoyants, ainsi que des bandes de guidage podotactiles au sol comme avertissement sur le bord des quais. Avant d’installer un système de signalétique olfactive, voire tout nouveau système, M. Bellemare estime que la STM devrait plutôt mettre les moyens pour améliorer les dispositifs déjà en place. 

« Je pense qu’il y a beaucoup d’autres priorités à la STM, dit-il. Les places réservées aux handicapés ne sont jamais placées au même endroit dans les métros Azur. Les messages vocaux ne sont diffusés qu’en français, alors que Montréal est une ville bilingue. Enfin, le système vocal des bornes de recharge Opus ne fonctionne plus depuis que le fournisseur de machines à cartes de crédit a changé. C’est d’autant plus embêtant que les changeurs aux guichets ne prennent pas les cartes… »

Alexandre Bellemare estime, du reste, qu’un système de GPS par Bluetooth serait beaucoup plus efficace qu’un système d’odeurs. « On pourrait avoir beaucoup d’information avec un système comme ça, soutient-il. Ne serait-ce qu’une sortie qui est fermée. »

Dans la foulée, il reconnaît cependant que le téléphone intelligent n’est pas nécessairement familier à tous les utilisateurs.

Au bout du compte, dit-il, le meilleur moyen demeure encore de demander à quelqu’un. « Ça ne fait de mal à personne ! »

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