Vers les élections provinciales  Sondage

Le Québec du ras-le-bol

Ils sont plutôt satisfaits de leur situation personnelle, mais ne vous y trompez pas, les Québécois souffrent d’un ras-le-bol collectif. Leur mécontentement est généralisé envers le système partisan et la classe politique. Ils jugent le Québec sclérosé et en déclin, mais ils sont aussi lassés du « politiquement correct » et des débats sur les accommodements raisonnables. Les Québécois ont soif de changement, selon le sondage réalisé pour La Presse par la maison Ipsos. UN DOSSIER DE STÉPHANIE VALLET

100 villes 100 voix

Dans quel état d’esprit se trouvent les électeurs à quelques mois des élections provinciales ? Pour en avoir une bonne idée, La Presse ira à leur rencontre dans 100 municipalités de toutes les régions. De la mi-juin au scrutin du 1er octobre, découvrez ce qui les préoccupe, alors que les chefs sillonneront la province pour les convaincre que leur parti est celui qui répondra le mieux à leurs aspirations.

Unis dans la morosité

81 % des répondants pensent qu’il est temps de complètement transformer le système de partis actuel au Québec.

Les Québécois sont massivement désabusés et expriment un désir de changement collectif. Ce sentiment est légèrement plus prononcé chez les sympathisants caquistes que chez les libéraux. « Il y a quelque chose qui se passe au Québec et c’est généralisé. Mais c’est plus francophone », note Sébastien Dallaire, vice-président d’Ipsos, surpris d’observer un Québec si monolithique à travers les résultats du sondage mené pour La Presse.

Les Québécois sondés sont presque unanimes. Leur mécontentement envers la classe politique est réel et ils ne sont que très peu divisés sur la plupart des grands enjeux. Ils décrivent un Québec figé depuis les trois dernières décennies, en déclin et mal préparé aux défis à venir, particulièrement en ce qui a trait à l’accès aux soins de santé et au vieillissement de la population.

Parmi les répondants, 63 % pensent d’ailleurs que la situation s’est détériorée depuis l’élection de Philippe Couillard. Et leur revenu ne semble pas les satisfaire puisque près de la moitié des Québécois (47 %) affirment que leur revenu n’a pas augmenté depuis plusieurs années. Parmi les Québécois sur le marché du travail, cette proportion grimpe même à 61 %.

« Les candidats vont devoir jouer dans le même carré de sable. »

— Jean-Herman Guay, politologue

« Sur plusieurs questions, on a une forme d’homogénéité sociale. Mais on observe quand même un léger alignement gauche/droite selon les intentions de vote. Mais ça reste des répondants globalement inquiets, à des degrés différents », explique le politologue Jean-Herman Guay.

La confiance des Québécois envers les politiciens est au plus bas (18 %). Et ils ne croient pas non plus que la commission Charbonneau ait réussi à résoudre les problèmes de corruption dans le financement des partis politiques au Québec (83 %). Pas moins de 81 % d’entre eux pensent même qu’il est temps de complètement transformer le système de partis actuel au Québec.

Jean-Herman Guay observe à travers les résultats du sondage une véritable remise en question d’un modèle québécois traditionnel et un fort scepticisme envers l’État et la classe politique. Cela n’est pas sans lui rappeler ce qui a déferlé sur l’Europe et les États-Unis au cours des dernières années. « Je n’ai jamais vu un taux de confiance aussi bas envers les politiciens au Québec. Les gens ont plus confiance envers les scientifiques ou les groupes environnementaux et regardent les politiciens de manière très négative. Pourtant, ce sont les seuls que les citoyens choisissent ! observe le professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Ce cynisme est paradoxal, car au Québec, on est en situation de plein emploi. On est loin de ce qui s’est passé en Grèce ou en Italie. »

Cette morosité envers la classe politique devrait également exacerber la volatilité du vote au moment des élections. « On vote pour le parti qu’on déteste le moins. L’attachement partisan est beaucoup moins fort. Ce sont dans les degrés de méfiance que les partis jouent », précise M. Guay.

En compilant les variables du sondage, le politologue a effectué une analyse des correspondances multiples qui a permis de déterminer les valeurs partagées par les répondants et de déterminer où se situent les partis par rapport à celles-ci.

« La Coalition avenir Québec a sa propre zone, comme si elle allait chercher beaucoup du mécontentement actuel et de la morosité. »

— Jean-Herman Guay

Elle se trouve proche des indécis qui sont au centre, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour François Legault, et une très mauvaise pour le Parti libéral qui se retrouve dans son coin, isolé des autres. Le Parti québécois et Québec solidaire vont sans surprise chercher la même clientèle électorale. Ils abordent les mêmes thèmes, touchent les mêmes sensibilités », conclut Jean-Herman Guay.

Des milléniaux un peu plus optimistes

Les jeunes de 18 à 34 ans sont tout aussi d’accord que les répondants plus âgés sur le fait que le Québec est figé et en déclin. Ils veulent que le Québec change, mais semblent moins frustrés. Ils sont notamment plus optimistes quant à leurs perspectives d’avenir et à celles de leur famille, mais plutôt semblables aux autres groupes d’âge quant au positionnement du Québec face à l’avenir. « Les jeunes de 18-34 ans sont plus optimistes dans la plupart des domaines, avec des écarts allant de 4 à 13 points de pourcentage selon les sujets. Fait intéressant, les 18-34 ans (46 %) font en revanche moins confiance aux médias d’information que les membres des autres groupes d’âge », précise le vice-président d’Ipsos.

Pas de « mystère Québec »

« On parle toujours du “mystère Québec”, de la différence entre Montréal et le reste de la province, mais dans ce sondage, elle n’est pas si marquée », précise Sébastien Dallaire. La région de Québec ressort particulièrement dans la frustration généralisée qui caractérise l’ensemble de la province. « Les gens de la région de Québec sont un peu plus frustrés sur certains enjeux, font un peu moins confiance. Ils veulent plus d’audace et d’entrepreneuriat dans le Québec de leurs rêves. Les gens de Québec sont plus susceptibles de dire que le Québec est sclérosé, qu’on a besoin de changer le système, faire bouger les choses », ajoute-t-il. La région de Québec se distingue tout de même sur certains enjeux et les intentions de vote y demeurent très différentes. « Seulement, les différences sont souvent une question de degré et non de points de vue diamétralement opposés », note le vice-président d’Ipsos. Montréal se montre pour sa part un peu plus positif sur la plupart des enjeux. « C’est en grande partie lié au profil démographique, puisque Montréal est la région où il y a le moins de francophones, qui sont les plus mécontents dans la province. C’est aussi à Montréal que se trouve la plus grande proportion d’électeurs libéraux, qui sont aussi les plus satisfaits ou, du moins, les moins mécontents de manière générale. »

Les 10 commandements du parfait candidat

81 % des répondants estiment que les partis politiques ne se préoccupent pas de gens comme eux.

À quoi aspirent les Québécois ? Au changement et à l’innovation, si on en croit les résultats du sondage Ipsos-La Presse. Alors qu’ils se disent majoritairement peu compris et écoutés par la classe politique, ils s’entendent sur la plupart des grands enjeux que le Québec aura à relever pour l’avenir. La Presse a dressé la liste des 10 commandements que les candidats devront suivre pour répondre aux attentes des électeurs.

Avoir une vision pour l’avenir

« Ça va être une élection où le changement va affronter le statu quo. Et pour le moment, c’est le changement qui l’emporte ! », lance Sébastien Dallaire, vice-président de la maison Ipsos. Dans le cadre du sondage mené pour le compte de La Presse, 43 % des répondants ont confié rêver d’un Québec « innovateur ». Alors que cette valeur est importante pour la majorité des sondés, elle est un peu plus forte chez les caquistes (50 %) et les gens de 55 ans et plus (50 %). « Si vous parlez français, vous êtes également plus susceptible de vouloir que ça change. Le deuxième facteur est le mécontentement envers la classe et le système politiques, suivi de l’impression que le Québec est mal positionné pour faire face à l’avenir. On retrouve aussi le désir d’en terminer avec le débat référendaire et de parler moins d’accommodements religieux. Finalement, on voit que les électeurs souverainistes sont aussi plus favorables au changement », observe Sébastien Dallaire.

Un Québec vert

Appelés à se prononcer sur plusieurs questions liées à l’écologie, les Québécois sondés montrent un attachement particulier à cet enjeu : 66 % d’entre eux sont même prêts à accepter de ralentir la croissance économique si cela permet de protéger l’environnement et de lutter contre les changements climatiques. Le terme qui arrive au troisième rang des plus utilisés pour décrire le Québec de leurs rêves est « vert ». Les électeurs sondés disent d’ailleurs accorder une grande confiance aux groupes environnementaux.

« Les jeunes veulent plus que tous les autres groupes un Québec vert et 43 % des répondants pensent que le Québec actuel est bien positionné pour faire face aux défis que constituent la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques », observe Sébastien Dallaire.

Être plus à l’écoute des citoyens

Pas moins de 75 % des répondants pensent que personne ne tient compte de leur opinion et 81 %, que les partis politiques ne se préoccupent pas de gens comme eux. Outre leur désir de changement de gouvernement, les Québécois veulent être entendus. « Au-delà d’un changement de système ou des enjeux, ils veulent un changement de ton : finie la langue de bois ! Les sondés veulent tourner la page, mais ils sentent que leur message ne passe pas », explique le vice-président d’Ipsos. « Il faut leur dire : “On va faire les choses autrement” », conseille pour sa part le politologue Jean-Herman Guay.

Encourager l’égalité homme-femme

Quelque 81 % des Québécois estiment qu’il faut plus de femmes à l’Assemblée nationale et au Conseil des ministres. « Encore une fois, c’est vrai pour l’ensemble des électeurs. Il y a un accord assez fort sur le fait que les femmes doivent prendre plus de place dans le système politique. C’est une valeur acceptée par l’ensemble des Québécois sondés. Tous les partis s’entendent pour dire que c’est important pour le Québec », explique Sébastien Dallaire, même si cette valeur est la plus importante pour les sympathisants de Québec solidaire, mais a un poids moins grands chez les gens de la région de Québec.

Finie la langue de bois

Au total, 85 % des Québécois interrogés estiment que les politiciens devraient être moins politiquement corrects et devraient oser dire ce qu’ils pensent tout haut, au risque de choquer la population. « C’est un peu ce que Donald Trump fait, ce qui le place en rupture avec un modèle de politicien dont les Américains ne voulaient plus. En même temps, en campagne électorale, ça peut coûter très cher ! Au Québec, cette réponse signifie surtout que les électeurs aimeraient que les politiciens disent ce qu’ils ont envie d’entendre », explique le politologue Jean-Herman Guay. Le constat est le même au sein de la société, alors que 68 % des répondants pensent que le Québec est trop politiquement correct.

Un état interventionniste, mais pas trop…

– Le Québec doit en faire beaucoup plus pour protéger l’environnement et combattre les changements climatiques, quitte à ralentir la croissance économique pour quelques années : 76 %

– Le Québec doit diminuer le rôle du gouvernement dans nos vies et faire plus de place aux libertés individuelles : 76 %

– Le Québec doit investir massivement dans les programmes sociaux (santé, éducation, assistance aux plus démunis), quitte à augmenter les taxes et impôts : 73 %

– Le Québec doit diminuer la présence de l’État dans l’économie pour laisser plus de place au secteur privé : 63 %

(% des répondants en accord avec l’énoncé)

Les électeurs de tous les partis s’entendent, à divers degrés, sur le rôle de l’État : investir dans les programmes sociaux (santé, éducation, assistance aux plus démunis) et en faire plus pour protéger l’environnement, quitte à augmenter les taxes et impôts ou à ralentir la croissance économique. Les électeurs caquistes et ceux de la région de Québec y sont un peu moins favorables, mais demeurent interventionnistes. « En même temps, ils croient que l’État devrait laisser plus de place aux libertés individuelles et à l’entreprise privée. Tel qu’on l’a entendu chez nos voisins français : ni à gauche ni à droite, bien au contraire ! », note Sébastien Dallaire.

La santé et le vieillissement au cœur des préoccupations

Malgré l’optimisme des Québécois par rapport à leur vie et leur confiance en leur avenir et celui de leur famille, ils ne sont pas du tout convaincus que le Québec soit en bonne position pour faire face à l’avenir, surtout en ce qui a trait au vieillissement de la population et aux besoins dans le domaine de la santé. « Quand on leur demande si le Québec est bien placé pour faire face à l’avenir, c’est là qu’on retrouve le symptôme du manque de confiance envers la classe politique. Les Québécois nous disent seulement à 25 % que le Québec est bien positionné en matière de besoins en santé, et 25 % concernant le vieillissement de la population », précise Sébastien Dallaire.

Finis les débats sur les accommodements raisonnables

Sur les questions très médiatisées des symboles religieux et des accommodements raisonnables, les électeurs envoient un message clair aux candidats qui font de ces questions des éléments déterminants du vote : il y a bel et bien un problème à régler, mais vous en parlez trop, selon 78 % des Québécois. « Les sympathisants caquistes sont les plus susceptibles de dire que c’est le cas. L’idée que les électeurs de la CAQ veulent s’attaquer à cette idée-là ne semble pas du tout corroborée par les résultats du sondage. Cependant, tous les électeurs sondés nous disent qu’il faut s’y attarder et qu’il y a un problème. Leur réponse montre qu’ils ne veulent pas instrumentaliser le débat », précise Sébastien Dallaire, vice-président d’Ipsos.

Plus de fermeté en matière d’intégration des immigrants et moins de réfugiés

76 %

Les immigrants nous imposent trop souvent leurs valeurs et leurs religions

71 %

Le Canada et le Québec sont allés trop loin en accueillant trop de réfugiés

(% des répondants en accord avec l’énoncé)

« Le Québec ne fait pas exception par rapport au reste du monde occidental sur la vision négative de l’immigration. Mais celle-ci est quand même très marquée, avec ce sentiment que les gens ont que les immigrants imposent leurs valeurs et leurs religions », précise le politologue Jean-Herman Guay. Malgré une majorité assez nette chez les répondants, on distingue sur cette question d’un côté la Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti québécois (PQ), et de l’autre, le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS). « Les frustrations et inquiétudes des électeurs de la CAQ sont plus palpables. Les non-francophones et les répondants de l’île de Montréal sont moins susceptibles d’être en accord avec les deux énoncés », note Sébastien Dallaire, vice-président d’Ipsos.

La souveraineté sur la glace

Quelque 74 % des sondés estiment que le débat sur la souveraineté au Québec est dépassé et ne devrait pas faire partie des enjeux lors de la prochaine campagne électorale. « C’est peut-être le résultat qui m’a le plus surpris », lance Jean-Herman Guay, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. « Il y a un décrochage plus clair et fort par rapport à la question de la souveraineté du Québec que jamais. Presque 40 % des péquistes pensent que ce n’est pas un débat actuel et près des deux tiers (63 %) des électeurs de QS pensent la même chose. C’est certain que le clivage gauche-droite est en train de remplacer le vieux clivage souveraineté-fédéralisme », ajoute le politologue.

« Le PQ va devoir s’approprier un autre enjeu et se définir sur autre chose que le référendum, car la question de la souveraineté du Québec est un cheval de bataille qui a été mis sur la touche par le parti, et selon le sondage, les Québécois disent aussi que c’est une bonne chose », précise quant à lui Sébastien Dallaire.

Le paradoxe québécois

72 % des répondants sont confiants d’atteindre leurs objectifs de vie, leurs rêves

Le ras-le-bol collectif des Québécois semble épargner leur vie personnelle. Qu’il s’agisse de leur famille, leur vie sociale, leur carrière ou leurs finances, ils ont l’air assez satisfaits de leur sort.

Moroses et désabusés quand il est question de politique, les Québécois sont d’un optimisme surprenant concernant leur vie personnelle. Un paradoxe que le politologue Jean-Herman Guay a du mal à s’expliquer.

« C’est comme s’ils se sentaient attaqués par un système qui comprend autant la politique, les partis, les gouvernements et les médias. »

— Jean-Herman Guay

« Mais ils ne voient pas qu’une partie de leur qualité de vie découle des choix gouvernementaux, des choix publics qui ont été faits au cours des décennies. C’est comme s’il y avait un décrochage entre la vie privée, la reconnaissance des bienfaits d’un système public et de ses programmes », note le professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

Satisfaction des Québécois

87 %

Vie de famille

84 %

Vie sociale (amis, communauté, etc.)

78 %

Vie professionnelle (carrière, emploi, études, etc.)

69 %

Finances personnelles

% des répondants se disant satisfaits

Alors que 87 % des répondants se disent satisfaits de leur vie de famille et que 78 % le sont de leur vie professionnelle, ils sont un peu moins nombreux (69 %) à apprécier pleinement leurs finances personnelles. « Les gens sont à l’aise dans leur situation actuelle », précise Sébastien Dallaire, vice-président d’Ipsos.

Confiance des Québécois

72 %

Pouvoir atteindre ses objectifs de vie, ses rêves

68 %

Avoir assez d’argent pour vivre confortablement

66 %

Avoir accès à un système d’éducation de qualité

61 %

Avoir accès à des emplois enrichissants et bien payés

59 %

Pouvoir acheter une propriété si désiré

57 %

Avoir accès à des soins de santé de qualité

% des répondants se disant confiants

Interrogés sur leur perception de leur avenir pour les 10 prochaines années, les sondés se sont également montrés optimistes, bien qu’un peu moins que concernant leur situation actuelle. L’accès aux soins de santé, l’achat d’une propriété et l’accès à des emplois enrichissants causent en effet un peu plus d’incertitude.

« Plus optimistes quant à leur avenir personnel et à celui de leur famille sur la plupart des questions, les 18-34 ans ne sont pas plus confiants que les autres groupes d’âge en ce qui concerne le positionnement futur du Québec. Le seul enjeu pour lequel ils sont plus positifs, c’est le vieillissement de la population », précise Sébastien Dallaire.

La confiance face à l’avenir croît avec le niveau d’éducation des répondants, avec des écarts allant jusqu’à 35 points de pourcentage entre les moins instruits et les plus instruits. Des chiffres très similaires s’observent en fonction du niveau de revenu. Le seul point pour lequel les niveaux d’instruction et de revenu ont un impact minime est l’accès aux soins de santé. Là, le statut socioéconomique n’a que peu d’importance.

Les électeurs libéraux se distinguent des autres par leur plus haut degré d’optimisme sur tous les éléments, alors que ceux des autres partis restent très similaires.

Québec de rêve

La maison Ipsos a demandé aux répondants d’imaginer le Québec de leurs rêves en choisissant jusqu’à trois mots ou expressions. Au bout du compte, trois valeurs apparaissent comme particulièrement fortes : l’innovation, l’égalité et la protection de l’environnement (être « vert »).

Les médias plus populaires que les réseaux sociaux

Le niveau de confiance envers différents groupes et institutions varie grandement. Les scientifiques et, dans une moindre mesure, les groupes environnementaux et les médias d’information jouissent de la confiance d’une majorité de Québécois. Les chefs d’entreprise ne s’en tirent pas trop mal, loin devant les médias sociaux et surtout, les politiciens. « Il y a un réalignement des attentions. L’intérêt est fort sur la question de l’environnement et le niveau de confiance est très haut envers les groupes environnementaux. Les gens écoutent moins les politiciens, mais se tournent vers d’autres acteurs, sociaux, économiques et scientifiques. La voix des partis, des politiciens, et des élus, ils ne l’écoutent plus », observe le politologue Jean-Herman Guay. L’affiliation partisane détermine en grande partie le niveau de confiance envers certains groupes. Ainsi, les électeurs libéraux (32 %) font beaucoup plus confiance aux politiciens que ceux de la CAQ (9 %). Fait intéressant, les jeunes de 18 à 34 ans (46 %) font moins confiance aux médias d’information que les membres des autres groupes d’âge. « Les jeunes ont moins confiance envers les chefs d’entreprises et les médias. Ils ont grandi dans un environnement de communications complètement différent. Ils croient plus à l’idée d’aller chercher soi-même l’information. Ils ont plus confiance envers les groupes environnementaux », explique le vice-président d’Ipsos.

Confiance des Québécois envers les groupes et institutions

85 %

Scientifiques (chercheurs, professeurs d’université)

61 %

Groupes environnementaux

58 %

Médias d’information

47 %

Chefs d’entreprises

31 %

Plateformes de médias sociaux

18 %

Politiciens

% des répondants disant avoir confiance

Vers les élection provinciales

Les conseils des ex 

La Presse a demandé à quatre ex-politiciens de se pencher sur les résultats du sondage et de donner leurs conseils aux futurs candidats quant à la manière de répondre aux attentes et inquiétudes des Québécois.

Parti québécois

Louise Harel

députée du Parti québécois (PQ) de 1981 à 2008

Éducation : « Les Québécois veulent bouger. Ce qui fait l’unanimité, c’est l’innovation. Le sentiment de déclin qu’ont les Québécois est dû à un sentiment de faire du surplace : ils ont l’impression qu’on a cessé d’oser, alors il faut recommencer à le faire avec hardiesse. En tout, 73 % des répondants sont pour un investissement massif dans les programmes sociaux, quitte à augmenter les taxes et les impôts. Je recommande une offensive inégalée en matière d’éducation et de formation, de la nature de celle qu’on a connue avec le rapport Parent. La formation devrait pouvoir se faire en entreprise et devrait être reconnue par le ministère de l’Éducation. L’éducation transcende tout et permet l’innovation dans tous les domaines. Pourquoi ne pas devenir les plus scolarisés et formés d’Amérique du Nord ? »

Environnement : « Les sondés veulent un Québec vert. Ça signifie qu’il faut y aller à fond de train contre Kinder Morgan et, surtout, entreprendre une électrification accélérée. »

Parité : « En ce qui concerne la notion d’égalité, je suis pour une loi sur la parité, une zone égalitaire à l’Assemblée nationale qui deviendrait irréversible. »

Immigration : « Les gens semblent faire la différence entre les questions de la laïcité et de l’accueil des réfugiés. Le PQ doit faire la même distinction. [Il faut] les moyens les plus inventifs, et les règles du jeu doivent être changées pour favoriser l’immigration en région. Il faut aussi penser à la réforme du mode de scrutin et fixer le salaire minimum à 15 $. »

Sébastien Dallaire : 

« Si je suis Jean-François Lisée, je suis inquiet. Mes deux principales forces auprès de mon électorat sont la souveraineté et les questions identitaires. Mais la grande majorité des électeurs me disent qu’ils ne veulent pas en entendre parler et j’ai promis de ne pas parler de référendum. Je gagnerais à trouver un moyen de recentrer le débat sur des enjeux sociaux pour lesquels je pourrais peindre mes deux adversaires principaux comme des droitistes sans compassion. On voit que les Québécois demeurent attachés à un État interventionniste. Jean-François Lisée doit parler d’innovation, d’environnement, d’éducation, de santé. S’il veut parler d’identité, il peut certainement parler de la protection de la langue française. Le sujet n’est pas controversé auprès des francophones et il a peu à perdre chez les électeurs anglophones et allophones. Il pourrait peut-être mettre Couillard sur la défensive à ce sujet, et reste à voir si Legault voudra engager cette conversation puisqu’il tente de courtiser le vote non francophone. »

Québec solidaire

Françoise David

députée de Québec solidaire (QS) de 2012 à 2017

Mode de scrutin : « Le PQ, la CAQ, QS et le Parti vert ont dernièrement signé une entente à l’effet de proposer un nouveau mode de scrutin proportionnel unique. Les gens ne se sentent pas écoutés et il faut donner une voix à toute personne qui vote au Québec, quel que soit l’endroit où elle vote. »

Santé : « La santé doit être au centre des préoccupations, avec une société vieillissante et des populations vulnérables sur le plan de leur santé physique ou psychologique. »

Environnement : « Les questions environnementales sont également absolument majeures, particulièrement les changements climatiques. La question du transport est cruciale. Il va falloir aller plus loin que de faire le REM, imaginer des solutions viables pour les gens en région, arrêter d’agrandir les autoroutes et réfléchir au camionnage. On ne peut plus passer à côté. Il n’est bien sûr pas question de creuser pour trouver du gaz de schiste. »

Immigration : « Le Québec a besoin d’immigrants, surtout dans les régions. Je souhaite que QS sorte des documents à ce sujet. Comment allons-nous les accueillir, qu’ont-ils à offrir, que devons-nous faire au niveau de la francisation ? Il est important d’offrir la possibilité aux immigrants d’apprendre le français une fois qu’ils arrivent ici. L’une des valeurs importantes de QS est la défense des droits des minorités. Il doit continuer de prôner l’interculturalisme avec la générosité d’inclure les minorités dans son projet collectif. »

Souveraineté : « QS défend un pays projet, et il faut qu’il continue à présenter ce projet-là, même si, pour le moment, l’appétit des gens pour la question de la souveraineté n’est pas au rendez-vous. Si on veut être respecté comme politicien, il faut avoir le courage de nos ambitions. Les gens ne veulent plus de langue de bois, alors il faut être vrai. »

Sébastien Dallaire : 

« Pour les deux porte-parole de QS, je fais un peu la même chose que Jean-François Lisée, mais j’essaie du même coup de rappeler aux électeurs que le PQ ne représente pas le changement et que ses promesses de se tasser à gauche sont “fausses”, que l’on a déjà entendu ça… C’est auprès des péquistes qu’ils peuvent marquer des points et peut-être aussi chez quelques libéraux désabusés qui s’inquiètent des positions identitaires de la CAQ et du PQ. »

Coalition avenir Québec

Christian Lévesque

député de l’Action démocratique du Québec (ADQ) en 2007 et 2008 ; candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ) défait en 2012

Changement : « Si je fais le parallèle avec l’ADQ que j’ai bien connue, le parti n’a jamais eu des bases aussi solides pour une élection. Par le passé, il y a eu un goût pour le changement, mais jamais aussi clairement exprimé par le peuple. Dans le contexte de ce sondage, pour la CAQ, il va falloir démontrer qu’ils ont la capacité d’opérer ces changements-là. Ils ne pourront pas rester sur la défensive comme s’ils étaient certains d’une victoire. Ils doivent continuer à incarner le changement en débattant leurs opinions. »

Immigration : « La CAQ doit continuer à incarner la volonté de mieux encadrer l’immigration. L’immigration est un besoin pour la société, mais il faut bien la faire, s’assurer que les gens sont bien reçus, et pourront connaître une croissance personnelle. »

Programmes sociaux : « L’éducation est toujours au centre des préoccupations pour la croissance, pour permettre aux gens de pouvoir avoir de meilleurs outils pour faire face à la vie. »

Modération : « François Legault incarne la modération, et dans le contexte actuel, il pourrait être appelé à faire face à des campagnes négatives qui seront faites à son sujet et à celui de la CAQ. Il faudra donc continuer dans la modération. »

Souveraineté : « Si on reste sur de vieilles chicanes référendaires, on va complètement perdre le monde. Ç’a toujours été le fer de lance du PLQ et du PQ, monopolisant ainsi le débat entre les deux grands partis. Ça ne sera pas le cas cette fois, il faudra donc parler des sujets qui touchent vraiment les gens. »

Environnement : « On doit déterminer une bonne stratégie environnementale tout en s’assurant un équilibre pour le développement économique. La CAQ va devoir faire une bonne présentation de sa position à ce sujet qui semble tenir à cœur aux électeurs aux vues du sondage. »

Parité : « C’est bien beau de se prononcer, mais il faut montrer l’exemple. La CAQ va devoir démontrer dans ses candidatures qu’elle veut faire une place aux femmes. Des demandes et des lois qui pourront ensuite encourager la parité. »

Sébastien Dallaire :

« Si je suis François Legault, je parle de changement, de changement et encore de changement. Changements dans la santé, l’éducation, la probité et l’écoute des citoyens. J’essaie aussi d’éviter de faire des vagues inutilement avec des enjeux explosifs comme les accommodements raisonnables ou les réfugiés. Ses propres électeurs lui demandent de lâcher prise, ou tout au moins de ne pas trop en parler. La CAQ est perçue comme le meilleur vecteur de changement en ce moment, mais il est clair que ce ne sont pas tous les électeurs potentiels de la CAQ qui penchent à droite, que ce soit socialement ou économiquement. François Legault doit aussi miser sur son équipe pour montrer que la CAQ est prête à gouverner. Il doit être prudent et éviter de faire ce que Tim Hudak avait fait en Ontario en 2014. Ce dernier avait un avantage indéniable au départ et les Ontariens voulaient du changement. Mais il a pris des positions jugées extrêmes au début de la compagne et a perdu son élan, en laissant [Kathleen] Wynne se faufiler. »

Parti libéral du Québec

Christiane Pelchat

députée du Parti libéral du Québec (PLQ) de 1985 à 1994

Immigration : « Il faut toujours se rappeler qu’une des valeurs fondamentales du PLQ est de reconnaître que l’identité du Québec passe par sa majorité francophone. Si le gouvernement ne la protège pas, le parti n’existera plus. Attention, le Québec a fait le choix du modèle interculturel d’intégration et non celui du multiculturalisme. Il faut donc revenir aux valeurs fondamentales du Québec : l’apprentissage du français, la séparation du religieux et de l’État et l’égalité des sexes. Les Québécois ont peur que ces valeurs soient atteintes, alors il faudrait revenir à l’interculturalisme tel qu’il a été défini en 1990 par le gouvernement Bourassa. »

Parité : « J’invite le candidat du PLQ à prendre un engagement afin d’adopter une loi sur la parité à l’Assemblée nationale pour assurer une zone paritaire. Le PLQ est un parti de réformes qui ne doit pas avoir peur, car on lui doit le vote des femmes et le droit d’éligibilité. Il faut être conséquent. »

Programmes sociaux : « Le PLQ doit favoriser la redistribution des richesses à travers ses programmes sociaux. On peut donner aux plus vulnérables de meilleures chances d’accéder à une autonomie économique. Je pense qu’il faut revenir en priorité sur la politique sociale en matière de garderies et favoriser l’investissement dans le réseau des CPE et non dans le privé. »

Environnement : « Il faut être conséquent et respecter les promesses de réduction des gaz à effets de serre et réduire les investissements dans le pétrole ou le ciment. N’ayez pas peur d’oser en matière d’environnement. »

Sébastien Dallaire : 

« Si je suis Philippe Couillard, j’essaie de rappeler aux électeurs que l’économie va très bien et qu’il est risqué de changer alors que tout roule et que les finances vont bien. Comme c’est une élection de changement et que mon parti et moi-même ne sommes pas populaires, j’essaie de faire mes choux gras des positions “extrêmes” de mon adversaire, François Legault. Si les deux partis sont vus négativement, c’est probablement Philippe Couillard qui gagne au change. Aussi, s’il peut faire en sorte que ses adversaires parlent d’identité et d’immigration, il aura le champ libre pour parler des “vraies affaires” alors que les deux autres perdront des plumes sur des questions dont les électeurs ne veulent pas entendre parler. Jean-François Lisée pourrait mettre François Legault dans des situations inconfortables, ce qui jouerait en faveur des libéraux. »

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