Ottawa allonge 1,6 milliard pour le secteur pétrolier

La somme est considérable : 1,6 milliard de dollars. Une aide essentielle pour préserver des emplois et soutenir l’économie canadienne, selon Ottawa. Un « nouveau cadeau aux riches pétrolières » qui nuit à la transition énergétique et qui éloigne le Canada de ses objectifs, dénoncent les défenseurs de l’environnement.

Ottawa délie à nouveau les cordons de la bourse pour venir en aide au secteur pétrolier et gazier canadien, au grand dam des partisans d’une transition énergétique.

Des investissements totalisant plus de 1,6 milliard de dollars ont été annoncés hier en Alberta par le ministre des Ressources naturelles du Canada, Amarjeet Sohi, et son collègue de la Diversification du commerce international, Jim Carr.

Ces fonds doivent notamment aider les entreprises du secteur à diversifier leurs marchés d’exportation, elles qui dépendent essentiellement des États-Unis à l’heure actuelle.

Le plus gros de la somme provient d’Exportation et développement Canada sous la forme d’un « soutien financier commercial » de 1 milliard de dollars pour aider les entreprises « à investir dans des technologies novatrices, à combler leurs besoins en fonds de roulement ou à explorer de nouveaux marchés ».

La Banque de développement du Canada investit pour sa part 500 millions de dollars pour aider les petites entreprises « à faire face à l’incertitude actuelle des marchés ».

Le Fonds stratégique d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le Programme de croissance propre de Ressources naturelles Canada complètent le total avec des investissements respectifs de 100 et 50 millions de dollars.

« Pas des subventions »

Cette annonce survient alors que la pression s’accentue sur le gouvernement libéral pour qu’il mette fin aux subventions au secteur des énergies fossiles, conformément à un engagement pris en 2009, lors du sommet du G20, et que les troupes de Justin Trudeau ont indiqué prévoir honorer d’ici 2025.

« Ce ne sont pas des subventions », s’est défendu le ministre Sohi, affirmant qu’il s’agissait plutôt de « fonds commerciaux ».

Insistant sur l’importance d’aider à préserver des emplois, les deux ministres ont rappelé le soutien de leur gouvernement à l’industrie des hydrocarbures, notamment en Alberta.

« Rien ne démontre plus l’engagement de notre gouvernement à aider ce secteur que l’achat de l’oléoduc Trans Mountain [4,5 milliards] », qui représente la solution à long terme aux problèmes de l’industrie, a indiqué le ministre Sohi, qui a d’ailleurs présenté les fonds annoncés hier comme une solution à court terme.

Réactions négatives

Les réactions d’indignation n’ont pas tardé, notamment de la part de l’opposition néo-démocrate, qui a qualifié l’aide annoncée d’« absolument contradictoire ».

Si le gouvernement voulait réellement éviter les pertes d’emplois en Alberta, « il prendrait cet argent pour former la main-d’œuvre [dans des domaines liés aux] énergies renouvelables », a déclaré à La Presse Alexandre Boulerice, député de Rosemont–La Petite-Patrie et porte-parole en environnement du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Rappelant qu’une analyse d’Équiterre a révélé le mois dernier que le secteur des hydrocarbures recevait des subventions 12 fois plus élevées que celui des énergies propres au Canada, Alexandre Boulerice s’est indigné de ce nouvel « appui financier majeur à un secteur en déclin ».

« Ce n’est pas de la transition [énergétique], ça, c’est du statu quo ! »

— Alexandre Boulerice, député du NPD

Ces investissements sont un « nouveau cadeau aux riches pétrolières » et « un autre pas en arrière », a déploré Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.

Le gouvernement fédéral devrait selon lui « accélérer la transition vers les énergies renouvelables plutôt que de faciliter l’augmentation de la production et de la consommation de pétrole ».

Équiterre a pour sa part déclaré qu’il est « plus qu’incompréhensible que des investissements visant à augmenter l’exportation d’une source d’énergie sale soient encore considérés sur le plan national », surtout quelques jours après la fin de la 24e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP24), où « le Canada s’est voulu le promoteur des objectifs ambitieux pour tous ».

« Investir en Alberta dans le secteur énergétique, oui, mais il faut que ce soit dans les énergies renouvelables, estime la directrice des relations gouvernementales d’Équiterre, Annie Bérubé. On ne peut plus investir des fonds publics dans les énergies du passé. »

Énergies fossiles c. énergies renouvelables

L’aide fédérale au secteur canadien des hydrocarbures intervient au lendemain de l’annonce par le gouvernement albertain d’investissements privés de 1,2 milliard de dollars dans les énergies renouvelables. Edmonton a en effet présenté lundi cinq projets éoliens qui ont obtenu son appui dans le cadre de son plan visant à produire 30 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables en 2030. Les cinq parcs éoliens, dont trois seront réalisés en partenariat avec des communautés autochtones, devraient produire 760 mégawatts d’électricité dès 2021. Des entreprises de l’Alberta, mais aussi de l’Ontario et de la France sont derrière ces projets, qui devraient créer environ 1000 emplois.

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