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Édition du 17 mars 2018,
section MAISON, écran 2
MONT-TREMBLANT — Linda Biron prépare le café dans sa cuisine avec vue sur les prairies, les bois et, au loin, la montagne. Dehors, tout est blanc, comme un décor de carte postale. Dedans, seules les matières naturelles (bois, chaux et céramique) accrochent le regard. Une construction de plain-pied avec un espace de vie ouvert et un aménagement centré sur l’essentiel facilite le quotidien de Linda et de son mari Claude.
« Cinq mois après notre installation, je suis toujours aussi heureuse, confie la maîtresse des lieux. La maison est aussi pratique que belle, et voir la neige nous invite à sortir. »
Ce sont les chevaux qui ont amené l’artiste et son mari, ancien homme d’affaires, sur ce terrain proche de Mont-Tremblant. Pendant sa vie à Montréal, la famille, qui compte deux enfants, aimait s’échapper à la montagne les fins de semaine pour skier et faire des balades à cheval. Après l’achat d’un condo à Mont-Tremblant, où Claude et Linda se sont établis il y a 10 ans, et d’une écurie pour abriter leurs chevaux, ils ont profité de la retraite pour faire construire sur le terrain de celle-ci une maison où ils pourraient vivre pleinement leurs passions respectives.
Alors qu’ils se préparaient à faire appel à un entrepreneur, une nièce urbaniste les a convaincus de se tourner vers la firme montréalaise Atelier Barda pour donner forme à leur idéal. Après une vie faite d’inévitables accumulations, Linda souhaitait se délester du superflu et vivre dans un intérieur minimaliste et intemporel. Au cours de la première rencontre avec les architectes, elle a emporté avec elle un livre sur l’artiste américain Robert Mangold, dont la simplicité des lignes l’inspire. L’univers hippique, qui compte parmi les références de Linda, originaire d’Angleterre, fut aussi épinglé d’emblée par le truchement des écuries et haras européens.
« Cette approche a permis d’amorcer une exploration formelle et d’envisager des possibilités qui nous correspondaient », explique Antonio Di Bacco, architecte cofondateur d’Atelier Barda. La firme montréalaise, qui privilégie une approche intuitive de ses projets, s’est lancée dans un travail de mise en scène de la future vie du couple et de ses invités en travaillant les volumes et la lumière. « Nous sommes très baroques », confie l’architecte qui a fait une partie de ses études à Rome et se plaît à utiliser des techniques oubliées dans son travail.
Le plan en V est guidé par l’idée d’un parcours assorti de perceptions et d’émotions. Un couloir courbe, prenant naissance dans l’entrée, est le point d’articulation des ailes « publique », avec le garage et l’atelier de céramique de Linda, et « privée », avec le noyau de vie commune. Ce renfoncement étroit crée un clair-obscur d’autant plus prononcé que la façade – pourvue d’une seule arche asymétrique – est opaque et que le séjour bénéficie d’immenses baies vitrées orientées vers le manège des chevaux en contrebas de la construction sur une butte.
La lumière est l’une des obsessions de ce chantier qui a instrumentalisé celle-ci par différents moyens, des plus flagrants aux plus discrets, pour jouir de toutes ses tonalités, des plus froides aux plus chaudes, au fur et à mesure de la journée. En plus de puits de lumière à l’est, permettant également une ventilation naturelle, une lame centrale sépare la cuisine de la salle à manger et du salon.
Bien que la maison ne compte qu’un rez-de-chaussée, une orientation réfléchie des plans inclinés du plafond peints à la chaux donne une impression de hauteur et permet de profiter au maximum de la lumière. Ce travail de volumétrie intérieure permet aussi d’« envelopper » le salon tout en conservant les avantages d’un espace ouvert qui se prolonge jusqu’à un pavillon avec un foyer.
Dans un souci de minimalisme, un éclairage LED a été intégré à la lame qui surplombe la table à manger.
« Nous ne souhaitions aucune verticalité venue du plafond pour conserver la théâtralité, presque sacrée, des lieux. »
— Antonio Di Bacco, architecte
Le mobilier intégré sert la même mission. Tous les appareils électroménagers et les provisions sont cachés dans un « mur » de chêne creux qui se poursuit au salon à la façon d’une épine dorsale de l’habitation. Celle-ci aboutit à la chambre principale, dans un renfoncement du séjour grâce à une porte coulissante elle aussi en chêne.
« Nous essayons d’accompagner nos clients jusqu’au bout du projet, car nous pensons que le mobilier participe autant à l’architecture que l’espace », souligne l’architecte dont la firme a développé la gamme de mobilier Foraine comprenant notamment un canapé, des fauteuils et des tabourets que l’on retrouve ici. Le couple aime s’asseoir devant la fenêtre du salon pour contempler les chevaux, la neige, le ciel ou le coucher de soleil. « Nous voyons le printemps arriver, dit Linda. Cet hiver a été facile. Nous avions l’impression d’être dehors en permanence et n’avions aucune marche à monter. »
Le banc est de plus en plus appelé à jouer un rôle dans les intérieurs. La banquette de chêne posée dans l’entrée de la maison Gauthier est avant tout pratique, puisqu’elle permet de se chausser ou de se déchausser facilement sur un tapis en coco, mais elle structure aussi l’espace. Dans un appartement, le banc de l’entrée peut également servir de siège d’appoint ou de tablette d’exposition pour des livres, des magazines, des plantes ainsi que des objets coups de cœur.
Le choix d’une porte vitrée pour l’accès à l’atelier de Linda et au bureau de Claude s’est fait dans un souci de garder la lumière dans les lieux et d’éviter de bloquer la perspective. Un verre strié a néanmoins été utilisé pour offrir une certaine intimité, surtout pour l’atelier de Linda, côté rue. Dans les maisons, lofts et appartements même de petite superficie, les portes vitrées ou verrières ont plus que jamais la cote pour séparer les espaces sans les cloisonner.
La règle de base de ce projet : un espace neutre et épuré. Pour parvenir à son but, l’équipe d’Atelier Barda s’est limitée à trois matériaux : le bois, le béton et la chaux. Elle a opté pour un seul revêtement de sol, à savoir un béton lissé anthracite, de l’atelier de Linda à la salle de bains du couple. C’est aussi ce matériau qui a été choisi pour le long îlot de la cuisine.
L’approche théâtrale ou cinématographique d’Atelier Barda, passant par un travail sur la lumière et les reliefs, a mené vers le choix d’un mobilier en contraste avec l’espace. Le noir a été retenu pour les chaises, tables, fauteuils et tabourets qui semblent par ailleurs ne faire qu’un avec le sol en béton. Seul le canapé du salon, en nubuck vert émeraude, affiche une personnalité distincte, mais néanmoins en harmonie avec le reste du décor.
Loin de se limiter à la table de la salle à manger, les chaises reviennent à la façon d’un refrain dans les différentes pièces de la maison Gauthier. Le même modèle en bois et corde teintés de noir, inspiré de la célèbre chaise du Danois Hans J. Wegner, imprime sa marque élégante et discrète dans un intérieur tout en harmonie. L’utilisation détournée de jolies chaises de table est une idée de plus en plus fréquente en lieu et place d’une table de nuit ou d’un valet totalement désuet.
Qui dit mobilier (et donc rangement) intégré dit surfaces rares pour la décoration. Une bibliothèque, aménagée dans l’enfilade d’armoires encastrées en chêne, permet d’exposer les céramiques de Linda et les souvenirs ramenés de voyages un peu à la façon d’un cabinet de curiosités. Réserver un pan de mur à une grande bibliothèque permet d’éviter de s’éparpiller, voire de mettre à l’abri des petites mains des objets précieux. Ainsi nichés, ceux-ci donneront au séjour ou au salon un petit air de galerie d’art.