Transfert d’entreprise

Vie d’hôtel en famille

Tout a débuté en 1957 avec l’ouverture d’une modeste tabagie et son comptoir-lunch par Huguette et Victor Germain. Soixante ans plus tard, la même famille possède et dirige aujourd’hui 16 hôtels au Canada et compte se rendre à 20 propriétés d’ici 2020. Coprésidée par Christiane et Jean-Yves, la sœur et le frère, le Groupe Germain Hôtels emploie aussi la fille de Christiane, Marie Pier, Clarah, fille de Jean-Yves et Hugo, l’un de ses fils. Les Germain, ce sont trois générations d’entrepreneurs, une famille qui relève avec succès les défis associés à la relève. Une entrevue réalisée par Sonia Boisvert, associée, Leader Famille inc. chez PwC Canada.

Sonia Boisvert

Merci d’avoir accepté d’être coprésidents d’honneur du concours Les Médaillés de la relève 2018. Je pense que le sujet de la relève dans les entreprises vous tient à cœur.

Jean-Yves Germain

Le sujet m’interpelle parce que je vois des entrepreneurs exceptionnels qui sont obligés de vendre ou de fermer leur entreprise, faute de relève. C’est vraiment une chance pour nous d’avoir une relève familiale qui a de l’intérêt pour l’entreprise.

Sonia Boisvert

Avez-vous pris, vous aussi, la relève de vos parents ?

Christiane Germain

Oui, mais pas comme on peut l’imaginer. Nous avons travaillé dans leurs restaurants, mais lorsque nous avons ouvert notre premier hôtel, ce n’était pas dans l’entreprise familiale. Nous disons souvent que les hôtels sont nés d’un spin-off de l’entreprise de nos parents. Évidemment, nous avons hérité des mêmes valeurs entrepreneuriales de la famille.

Sonia Boisvert

Vous bénéficiez déjà d’une relève familiale dans l’entreprise, n’est-ce pas ?

Christiane Germain

Oui, Marie Pier, ma fille, est directrice des opérations et Hugo, un des fils de Jean-Yves, assume la direction du développement. Clarah est gestionnaire des médias sociaux et du contenu.

Jean-Yves Germain

Leur présence peut laisser croire que nous avions planifié cette relève, mais ce n’est pas comme cela que ça s’est passé. D’ailleurs, même si nos rôles ont évolué depuis les débuts, nous ne sommes pas encore dans un scénario de sortie pour prendre notre retraite. Pour le moment, Marie Pier et Hugo sont intégrés à l’entreprise dans des postes de gestion.

Sonia Boisvert

Comme parents et comme chefs d’entreprise, vous êtes quand même heureux que vos enfants occupent ces fonctions…

Jean-Yves Germain

Bien sûr, mais nous sommes aussi favorables à d’autres modèles de relève. Il peut y avoir une relève qui s’impliquera activement dans l’entreprise, une autre relève typiquement entrepreneuriale qui va se lancer dans une autre aventure – c’est ce que nous avons fait nous-mêmes – et enfin, une relève uniquement propriétaire. Celui ou celle qui n’est pas fait pour être entrepreneur ou gestionnaire peut s’avérer être un très bon propriétaire d’entreprise.

Christiane Germain

Et tous ces scénarios peuvent s’écrire dans la même génération.

Sonia Boisvert

Il y a des entreprises familiales qui se demandent si ça vaut la peine d’avoir un conseil de famille, est-ce le cas ?

Jean-Yves Germain

Sans aucun doute. Je crois qu’il vaut mieux établir des règles connues de tout le monde. S’il arrive quelque chose, une séparation quelconque, ça peut faciliter bien des situations. C’est comme une convention collective : le livre existe, les règles sont écrites et les gens les connaissent.

Sonia Boisvert

Vous parlez de faire connaître les « règles du jeu »… La coprésidence représente déjà une zone propice de divergence, ça semble plutôt bien fonctionner dans votre cas. Comment expliquez-vous que la formule fonctionne pour vous deux ?

Jean-Yves Germain

Nous ne faisons pas les mêmes choses au sein de l’entreprise, c’est sûrement une première explication.

Christiane Germain

C’est vrai que nous sommes complémentaires, mais nous partageons aussi les mêmes valeurs, nos valeurs familiales. C’est certain que nous faisons des concessions, c’est inévitable, mais nous les faisons souvent pour le bien de l’entreprise familiale.

Sonia Boisvert

Comment avez-vous décidé de partager la présidence du Groupe Germain Hôtels ?

Christiane Germain

Au début, j’étais vice-présidente et Jean-Yves, président. J’ai le souvenir un peu vague d’avoir dit un jour à Jean-Yves : « Ça ne marche pas cette affaire-là, on est au même niveau ». C’est comme ça que c’est arrivé.

Sonia Boisvert

Avez-vous un conseil à donner pour réussir une formule de coprésidence et d’intégration d’enfants dans une entreprise ?

Christiane Germain

Cela ne se décide pas du jour au lendemain, ça se travaille… C’est important que les enfants fassent leur propre place, ce qui peut prendre un certain temps. De toute façon, en affaires, les plans trop précis fonctionnent rarement comme on l’avait prévu !

Le concours Les Médaillés de la relève en est à sa 12e édition cette année.

L’événement reconnaît les entreprises qui ont réussi leur relève dans divers domaines, tout en permettant aux lauréats de partager leurs expériences, parfois leurs secrets.

PwC accompagne aussi bien les entrepreneurs souhaitant passer le flambeau que les repreneurs d’entreprises. « Qu’il s’agisse de céder son entreprise à des membres de la famille, à des employés ou à des tiers, le transfert de propriété d’une société pose des défis considérables pour toutes les parties en cause », indique Sonia Boisvert, associée, Leader Famille inc. chez PwC.

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