LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

VIRÉE DES GALERIES

S’abreuver d’insolite à la Fonderie Darling

La Fonderie Darling présente Buveurs de quintessences, une exposition collective où les artistes choisis par la commissaire Caroline Andrieux tentent de capter notre capacité à oublier nos préjugés pour nous ouvrir à l’insolite, au contre-courant. Le zinc est prêt. Vous êtes servi !

Le printemps est un temps de résurrection pour la Fonderie Darling. La commissaire Caroline Andrieux a en effet réactivé l’esprit de l’expo inaugurale du centre d’arts visuels qu’elle a créé à Montréal en 2002.

Cette année-là, Quartier éphémère avait soumis des œuvres de Michael A. Robinson, Patrick Beaulieu, Carlos Ruttan, Maria José Sheriff et Serge Provost pour Ultra vide, une exposition où les créations étaient connectées comme les composantes d’un même équilibre. Les éléments naturels (eau, feu, air) habitaient pleinement cet espace, témoin du passé industriel de la rue Ottawa.

Pour Buveurs de quintessences, ont été déployées les œuvres de 13 artistes canadiens et européens qui intègrent une réflexion sur le vide. Un vide à ne pas prendre au pied de la lettre. Le vide, c’est aussi la perte d’auréole du poème de Baudelaire où l’admirateur d’Edgar Allan Poe mentionne le « buveur de quintessences ». Une perte comme un gain de liberté, d’individuation. Un défi de ne pas suivre les modes, de s’écarter de la bien-pensance, de se réaliser dans l’intégrité et son propre esthétisme.

« Chaque artiste critique la notion de travail et les effets spectaculaires de bien des réalisations contemporaines. Les artistes de cette expo se questionnent aussi sur la notion d’objet d’art et sur la notion d’auteur. »

— Caroline Andrieux

Du solide, donc. Une densité dans un discours radical en même temps qu’une légèreté, un minimalisme dans la présentation. C’est le cas d’Alexandre David qui a moulé contre deux murs de l’espace une plateforme de contreplaqué en deux parties associées l’une à l’autre. Un lieu d’arrêt à l’esthétisme épuré et sensuel.

János Sugár

L’artiste hongrois János Sugár, lui, a réinterprété son feu de camp commémoratif de l’insurrection de Budapest en 1956 avec Fire in the Museum, installation repensée à la Fonderie avec un coin salon et un poêle à bois alimenté 24 heures sur 24, notamment par les visiteurs, jusqu’au 6 mai.

Le poêle à bois est greffé à la cheminée de l’ancienne fonderie. Cette œuvre d’art a pu voir le jour, raconte Caroline Andrieux, grâce à un pompier montréalais qui a donné son accord pour que le feu reste allumé en permanence puisque, selon lui, Fire in the Museum « n’est pas une œuvre d’art »…

Steve Bates

Produite pour l’exposition, l’œuvre Run-out and on to Infinity, de Steve Bates, découle d’un projet de recherche sur les hallucinations visuelles et auditives. Sur un mur, l’artiste et musicien montréalais, originaire de Winnipeg, a collé un papier peint qui reproduit le ciel d’une gravure de Gustave Doré. Des horizontales qui font penser au bruit parasite des vieilles télés.

Ce papier peint est couplé à un tourne-disque sur lequel un vinyle tourne en silence, le son étant transformé en images qui sont diffusées sur un téléviseur. Un travail sur l’impalpable et l’absence d’incarnation.

Kitty Kraus

L’artiste allemande Kitty Kraus présente Sans titre, une de ses créations importantes, déjà expérimentée au Guggenheim et au Palais de Tokyo. Un bloc de glace teintée à l’encre de Chine a fondu au sol par l’action d’une ampoule électrique. Une œuvre qui fait penser à l’installation 1513200900, présentée l’hiver dernier par l’artiste français Edgar Sarin à la galerie parisienne Michel Rein, où un bloc de cire fondu par l’effet d’une ampoule finissait par provoquer un court-circuit.

Dans le cas de Kitty Kraus, la fonte de la glace a généré une flaque noire dans laquelle le visiteur a pu se mirer et dont il n’est resté qu’une trace sombre. Un rendez-vous entre le « feu » et l’eau et l’empreinte de leur rencontre.

Kelly Mark

De Kelly Mark, on apprécie, avec The Kiss, un dialogue silencieux et intime entre deux téléviseurs allumés face à face. Leur lumière change progressivement, instituant une chaleur sentimentale. Mais comment savoir que la couleur résulte de la saturation d’images pornographiques ?

Nous avons bien aimé aussi le jeu de perspectives de l’œuvre Sans titre de Stéphane La Rue. Constitué de quatre petits panneaux-boîtiers de contreplaqué enduits de gesso, cet assemblage délicat offre une géométrie surprenante qui rappelle l’imaginaire d’Escher.

On reste aussi intrigué devant la vidéo Le mur (2010), d’Olivia Boudreau, clin d’œil au Solar Breath de Michael Snow, avec ce drap qui ondoie au gré du vent et laisse difficilement entrevoir ce qu’il cache.

Performances

L’exposition est accompagnée de performances. Ce soir, à 18 h, Adriana Disman présentera Thresholding, durant laquelle, telle une sculpture dans l’espace, elle se tiendra, pendant deux heures, debout sur un tabouret à la recherche de l’équilibre et d’une réflexion sur l’inconnu et la mise en danger. Le 19 avril, à 18 h, Kelly Mark créera in situ Everything and Nothing, « une illustration du paradoxe entre le trop-plein et le vide », précise la commissaire de la Fonderie, Ji-Yoon Han. Enfin, Fortner Anderson produira Points of Departure, la récitation d’un poème ponctuée de longs silences, le 3 mai, de 10 h à 22 h.

Buveurs de quintessences, exposition collective, à la Fonderie Darling (745, rue Ottawa), jusqu’au 6 mai

L’exposition sera présentée au Casino Luxembourg-Forum d’art contemporain, en janvier 2019.

Terriens

Sept artistes contemporains, la Torontoise Shary Boyle et les artistes inuits Roger Aksadjuak, Shuvinai Ashoona, Pierre Aupilardjuk, Jessie Kenalogak, John Kurok et Leo Napayok, exposent céramiques et œuvres sur papier à la Galerie de l’UQAM jusqu’au 14 avril. Mise en circulation par l’Esker Foundation de Calgary, l’exposition Terriens évoque les mythes, les rêves et la condition humaine à l’aide d’œuvres d’art à la fois sensuelles et spirituelles.

À la Galerie de l’UQAM (1400, rue Berri, pavillon Judith-Jasmin), jusqu’au 14 avril

Guillaume Adjutor Provost

La démarche de création de l’artiste montréalais Guillaume Adjutor Provost est développée jusqu’au 21 avril à la galerie Hugues Charbonneau, avec une sélection d’œuvres déjà exposées par le passé lors des événements Bonne Fortune (au Centre Clark, en 2016), Matériellement rien, potentiellement tout (à Diagonale, en 2017) et Providence (à Clark, en 2017).

À la galerie Hugues Charbonneau (372, rue Sainte-Catherine Ouest, local 308), jusqu’au 21 avril

Frédéric Cordier

Spécialisé dans les installations de papier peint, la linogravure et les objets en 3D, Frédéric Cordier présente son premier solo à la galerie Laroche/Joncas. Une exposition très graphique qui témoigne d’un goût prononcé pour les sites industriels et les atmosphères irréelles. L’artiste canado-suisse de 32 ans sera présent au vernissage, samedi, de 15 h à 18 h.

À la galerie Laroche/Joncas (372, rue Sainte-Catherine Ouest, local 410), du 7 avril au 12 mai

Francine Lemieux

La galerie Art Plus, à Sutton, expose jusqu’au 29 avril les œuvres de la sculpteure Francine Lemieux. Céramique et photographie en toute intimité présente des sculptures qui évoquent les préjugés à l’égard des femmes, ainsi que des images de silos à grains et d’églises abandonnés. Le vernissage aura lieu samedi, à 14 h.

À la galerie Art Plus (8, rue Maple, Sutton), jusqu’au 29 avril. Du jeudi au dimanche, de 13 h à 17 h

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