Duel économique

Il faut baisser les taux d’impôt, évidemment ! 

Que devrait faire le gouvernement Legault avec le surplus de 4 milliards du Québec ?

Surprise ! Le Québec a présenté un surplus budgétaire record. Les recettes ont été plus importantes que prévu, et il reste finalement plus d’argent que le gouvernement ne l’anticipait il y a à peine neuf mois.

Que faire avec le magot ? À en croire certains commentateurs, c’était le branle-bas de combat au ministère des Finances pour trouver quoi faire avec ce surplus « embarrassant », qui serait devenu un « problème ».

Soyons sérieux un moment. Le Québec est la province qui prélève le plus de recettes fiscales en proportion de son PIB, celle où la part du revenu personnel consacrée à l’impôt est la plus grande, celle où le taux d’imposition marginal maximal du revenu des particuliers est le plus élevé. Tout de même !

Que faire de ces surplus qui tombent du ciel ? C’est presque indécent de poser la question, tellement la réponse est évidente, à moins que payer plus d’impôt que partout ailleurs au pays ne soit devenu un objectif en soi. Bien sûr, il faut baisser l’impôt sur le revenu des particuliers !

Imposer moins, pour plus d’impôts

Nous avons déjà atteint le seuil où les augmentations font fuir les contribuables touchés. On l’a vu lorsque le gouvernement fédéral a relevé le taux marginal maximal ; l’année suivante, ses recettes fiscales avaient diminué, les « riches » ayant déclaré des revenus moindres. Au contraire, diminuer les taux d’imposition sur le revenu des individus, et en particulier le palier le plus élevé, pourrait à moyen terme augmenter les recettes de l’État au lieu de les réduire.

Pourquoi ? Pour les grands projets, qu’il s’agisse d’un investissement, d’une maison, ou de créer une entreprise, une mise de fonds est dans la plupart des cas nécessaire.

Quand l’État prend moins d’argent dans les poches des investisseurs potentiels, il leur en reste plus pour… investir.

À titre d’exemple, en 2015, plus de 70 % du capital de départ des entreprises canadiennes provenait des fonds personnels de l’entrepreneur.

Même dans une économie en bonne santé, les investissements rapportent des bénéfices, en augmentant la productivité et, au bout du compte, la richesse. Le Québec a du retard à rattraper en ces matières ; c’est ici, en outre, que le revenu disponible par habitant est le plus bas.

Évidemment, discuter des effets de la fiscalité ne suscite pas autant d’émotion que les appels à effacer les effets de l’« austérité ». Ce serait pourtant une erreur d’ouvrir à nouveau le robinet des dépenses. Si mettre plus d’argent dans les services publics suffisait à régler les problèmes, il n’y aurait plus de listes d’attente. Les dépenses en santé ont presque doublé depuis 25 ans, en tenant compte de l’inflation et de la croissance démographique. Trouvez-vous que ça saute aux yeux, lorsque vous entrez dans une salle d’urgence ?

Au lieu de recommencer à nourrir le monstre, il faut changer sa diète, alléger la bureaucratie et revoir l’organisation des services.

En attendant, prendre moins d’argent aux contribuables reste la meilleure façon d’améliorer notre situation.

Pour ceux qui doutent encore de l’importance de la fiscalité sur la richesse d’une nation, une citation : «  Un niveau trop élevé d’impôt sur le revenu nuit à la création d’emplois, les particuliers et les entreprises préférant limiter leurs efforts productifs ou les déployer dans des régions où ces efforts sont moins taxés. Il y a donc un danger d’appauvrissement collectif et individuel lié à un trop lourd fardeau pour ceux et celles qui travaillent. » Les paroles sont celles de feu Bernard Landry, dans le discours du budget de 1998.

Duel économique

Baisser les impôts, rembourser la dette ou changer le monde ?

Si on regarde le portrait du Québec en ce moment, on voit que les surplus s’accumulent dans les coffres du gouvernement, alors qu’un peu moins d’un million de travailleurs québécois sont pauvres, que les écoles sont aux prises avec un trou récurent qui dépasse le milliard de dollars, que le réseau de la santé est exsangue et que le Québec enregistre une hausse de ses émissions de CO2.

Bien que les urgences ne manquent pas, le gouvernement préfère attendre, mettre en place de pâles mesures ciblées et laisser la situation générale s’envenimer en jouant la carte de la « prudence ». Avec un excédent de 4 milliards de dollars pour les six premiers mois de l’année (et même avec l’estimation exagérément conservatrice de surplus de 4,5 milliards offerte lundi dernier pour toute l’année) des reproches sont de mise, parce que le ministre des Finances refuse d’agir.

Pour l’instant, le gouvernement Legault tourne toute son attention sur la gestion de la dette québécoise.

Selon son plan : 8 milliards provenant du Fonds des générations iront au remboursement de la dette. En même temps, les surplus actuels seront entièrement affectés à des dépenses du même ordre : 2,9 milliards iront en versement au Fonds des générations et 1,7 milliard seront transférés en fin d’année dans la réserve de stabilisation.

Alors, si vous pensez que les urgences mentionnées plus haut devraient être au sommet des priorités du gouvernement, celui-ci ne partage manifestement pas votre avis.

Que faire ?

Nous savons une chose : les surplus dans les coffres de l’État ne disparaîtront pas d’eux-mêmes, parce que :

1) La croissance économique est forte et elle propulse les entrées fiscales vers de nouveaux sommets.

2) La marge de prudence du gouvernement s’élèvera à 11,1 milliards le 31 mars prochain.

3) Depuis trois ans, les surplus accumulés en fin d’année ont toujours dépassé ceux affichés en septembre.

Dans ce contexte, un surcroît de prudence n’est pas de mise, puisque cela empêche le gouvernement de voir activement à l’amélioration de la qualité de vie de la population.

M. Legault pourrait être tenté de répliquer en affirmant que la diminution promise des taxes scolaires vise cet objectif. Malheureusement, rien n’est plus loin de la réalité : diminuer les taxes scolaires, c’est priver les écoles de 700 millions de revenus. Si cette perte est compensée par de nouvelles subventions, c’est un autre ministère qui devra alors en écoper. Résultat : cela amènera une réduction des services à la population qui entraînera invariablement une diminution de la qualité de vie de la majorité.

Au lieu de perpétuer les mêmes arguments en faveur du remboursement de la dette ou de la diminution du « fardeau » fiscal, trois axes d’investissement seraient à privilégier :

Démocratiser l’économie

Québec devrait s’engager dans un vaste programme de financement d’entreprises à propriété collective gérées selon un mode de gestion démocratique. Ce faisant, il serait possible de diminuer notre dépendance envers les investissements de multinationales prédatrices, tout en redonnant un réel pouvoir aux travailleurs et aux travailleuses sur leur vie.

Transformer les services

À la place d’organiser les services en fonction des ressources financières, il faudrait organiser nos politiques fiscales en fonction des besoins à satisfaire de la population. Il est tout de même étonnant que l’avis des agences de notation pèse plus lourd dans la balance des choix gouvernementaux que le sort des gens habitant le territoire.

Lutter contre les changements climatiques

Reconfigurer notre réseau routier pour faire en sorte que le transport collectif devienne la norme quotidienne de tout un chacun devrait être une préoccupation de tous les instants.

Est-ce que 4 milliards de surplus suffisent pour faire tout cela ? Bien sûr que non. Il n’empêche que c’est cette direction que devrait prendre un gouvernement qui désire réellement répondre aux défis de son temps.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.