Un sherpa… devenu président

Le président de la République française, Emmanuel Macron, sait fort bien tout le travail que doit faire le sherpa d’un pays du G7 avant la tenue d’un sommet. Car M. Macron a déjà servi à titre de sherpa de la France, durant les premières années de pouvoir du président François Hollande. Peter Boehm, le sherpa du Canada, le connaît donc fort bien, étant donné qu’ils ont déjà travaillé ensemble pendant quelques sommets. « Avant, je l’appelais Monsieur Macron. Maintenant, je dois l’appeler monsieur le Président », a dit hier M. Boehm, sourire en coin.

Une bière pour le G7

Peter Boehm doit rencontrer ses homologues des autres pays du G7 pour la dernière fois la semaine prochaine à Baie-Saint-Paul, dans la région de Charlevoix, afin de forger le consensus nécessaire pour signer les communiqués définitifs du sommet de La Malbaie. Il compte bien profiter de l’occasion pour les inviter à déguster la bière fabriquée par la Microbrasserie Charlevoix, qui a décidé de créer une lager internationale en utilisant des ingrédients de chacun des pays du G7 pour souligner la tenue du 44e sommet annuel. Tout indique que M. Boehm attendra toutefois la fin des discussions avant de proposer une telle dégustation.

Entrevue avec le sherpa du canada

Le menu du G7 s'annonce costaud

Ottawa — À trois semaines du Sommet du G7 à La Malbaie, les velléités protectionnistes des États-Unis de même que l’ingérence de la Russie dans les campagnes électorales des pays démocratiques s’annoncent comme les sujets incontournables. Mais l’ordre du jour de cette rencontre annuelle des leaders des sept pays les plus industrialisés est quelque peu bousculé en raison de l’actualité. La Presse a rencontré hier le sherpa du gouvernement canadien, Peter Boehm, afin de faire le point sur ce sommet présidé par le premier ministre Justin Trudeau.

Depuis l’annonce des thèmes retenus par le Canada pour ce sommet [croissance économique inclusive, égalité des sexes, lutte contre les changements climatiques, innovation, construction d’un monde plus sûr], est-ce que des sujets ont été ajoutés à l’ordre du jour ?

Oui, il y a des sujets dont nous avons déjà discuté qui ont été ajoutés. Par exemple, les ministres des Affaires étrangères ont déjà traité à Toronto de la Russie. Il y a aussi beaucoup de choses qui se passent au Moyen-Orient qui seront discutées lors du sommet. On n’a qu’à penser à la Syrie, à l’Iran, à la situation dans la bande de Gaza. Il faut aussi aborder la question de la Corée du Nord, parce que le Sommet du G7 aura lieu deux jours à peine avant le sommet à Singapour entre M. Trump et le dirigeant nord-coréen.

Est-ce que l’on peut s’attendre à ce que le président Trump fasse un peu le survol de ses intentions, de ses objectifs, pour ce sommet historique ?

Je crois que dans le cadre de la discussion qui sera menée par le premier ministre, il va demander à M. Trump et certainement au premier ministre du Japon, M. Shinzo Abe, de discuter des négociations qui touchent la Corée du Nord.

Le Canada a tout de même joué un certain rôle dans ce dossier en organisant, avec les États-Unis, un sommet sur la Corée du Nord en janvier à Vancouver.

Oui, et pour nous, la situation des réfugiés rohingya est aussi un dossier important. La ministre des Affaires étrangères, Mme Chrystia Freeland, a déjà commencé à travailler là-dessus. Il y a aussi les élections au Venezuela, qui auront lieu ce dimanche. C’est un thème hémisphérique et la situation au Venezuela est pire qu’avant.

Donc, les thèmes s’accumulent en raison des événements à l’international ?

Oui, c’est le cas et c’est ça, la beauté du G7. Il faut être flexible pour avoir de telles discussions sur des sujets qui n’étaient pas au menu au départ. Nous sommes en train de travailler et de négocier pour les documents définitifs. Et c’est normal en ce moment. Chaque sherpa doit consulter son dirigeant pour exprimer les positions de son pays. Nous avons fait des progrès.

Dans le dossier du libre-échange, est-ce que vous notez plus de tensions parmi les pays du G7 ? On avait espoir de régler les négociations pour moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain [hier]. Doit-on s’attendre à plus de frictions sur le libre-échange et le protectionnisme américain ?

Je m’attends à des discussions robustes sur le thème du libre-échange. Pour nous, le dossier économique est primordial. C’est la raison d’être du G7, comme vous le savez. Mais certainement, compte tenu des développements concernant l’acier, les tarifs et les discussions sur l’OMC [Organisation mondiale du commerce], et la Chine, il y aura des discussions robustes. Mais c’est normal. Les dirigeants en ont aussi discuté l’année passée et les années précédentes. C’est un thème qui est récurrent. Mais nous sommes le seul pays qui a un accord commercial avec tous les autres. Nous sommes les seuls. Alors, pour nous, c’est très important.

Quand le Canada prend la parole, il peut donc parler avec une certaine autorité en la matière ?

Oui, c’est pour cela que nous avons mis le thème économique de la croissance qui profite à tout le monde. Ce sera le thème dominant des échanges. Aussi, le Canada met l’accent sur le respect des règles du commerce international.

J’aimerais vous entendre davantage sur la Russie. Est-ce que le spectre de la Russie se fera davantage sentir au Sommet du G7, compte tenu de ce qui a été discuté lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères qui a eu lieu à Toronto ?

Nous allons certainement avoir une bonne discussion sur les menaces à la démocratie venant de la Russie.

Vous avez déjà indiqué que votre objectif était de faire en sorte que ce sommet ne coûte pas excessivement cher. Où en êtes-vous ? Est-ce que vous avez un meilleur portrait du coût de ce sommet ?

Nous avons déjà annoncé le budget qui s’étend sur deux années fiscales, soit environ 600 millions. C’est moins élevé que pour le sommet de 2010, par exemple, qui a coûté plus ou moins 1 milliard de dollars. On verra bien. La majorité des coûts sont liés à la sécurité. Cela veut dire que l’on doit transporter des policiers de la GRC des autres régions du pays pour assurer la sécurité. Il faut aussi les héberger. Mais je crois que nous sommes dans une bonne position. Il faut dire qu’on ne parle pas seulement d’un sommet, mais aussi de huit réunions ministérielles, des réunions des sherpas aussi.

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