Trump envisage des grâces controversées de soldats
Le président des États-Unis, Donald Trump, a confirmé hier qu’il envisageait de gracier des militaires poursuivis pour crimes de guerre, se voyant reprocher un recours abusif à ce droit que lui accorde la Constitution
Ces grâces, si elles se concrétisaient, seraient « répugnantes », avait auparavant affirmé Pete Buttigieg, candidat à la primaire démocrate.
Ce serait « un affront à l’idée de l’ordre et de la discipline, un affront aux lois de la guerre », a ajouté cet ancien militaire de 37 ans, qui a servi en Afghanistan.
Le New York Times avait révélé l’intention du président de gracier des militaires pendant la fin de semaine du jour du Souvenir, qui honore les soldats américains tombés au combat.
Hier, M. Trump a confirmé qu’il examinait deux ou trois cas « un peu controversés » parmi de nombreux autres, ajoutant n’avoir encore pris aucune décision.
« Certains de ces soldats sont des gens qui ont combattu durement et longtemps. On leur apprend à se battre et, quand ils se battent, ils sont parfois traités de façon très injuste. On examinera donc cela », a déclaré M. Trump.
Parmi les militaires auxquels M. Trump envisagerait d’accorder sa grâce figure un soldat d’élite de 39 ans, Edward Gallagher, accusé d’avoir poignardé à mort un prisonnier blessé âgé d’une quinzaine d’années, alors qu’un médecin était en train de lui administrer des soins.
Membre des célèbres « Navy SEALs », unité d’élite de la marine américaine, il est aussi accusé d’avoir abattu au fusil de précision une jeune fille et un vieillard, ainsi que d’avoir fait feu sur des zones résidentielles à la mitraillette lourde. Son procès doit s’ouvrir le 28 mai devant un tribunal militaire dans la base navale de San Diego, en Californie.
Mercredi, c’est l’ancien commandant des forces de l’OTAN, l’ex-amiral James Stavridis, qui s’est opposé dans les colonnes du magazine Time à l’idée de gracier des militaires soupçonnés ou reconnus coupables de crimes de guerre.
« J’ai commandé plusieurs des militaires que Trump veut gracier. Les libérer affaiblira l’armée. »
— L’amiral Stavridis, à la retraite, dans le Time
Ce genre de grâces « renforce la propagande ennemie, car ils pourront dire que nous ne respectons pas nos propres principes », et peut conduire les ennemis « à se comporter de façon encore plus barbare », a-t-il indiqué.
Le président américain s’intéresse aussi au cas d’un ancien membre des forces spéciales américaines, le commandant Matt Golsteyn, inculpé de « meurtre avec préméditation » pour avoir tué en 2010 un Afghan qu’il soupçonnait d’avoir fabriqué des bombes artisanales et pour avoir ensuite incinéré le corps afin de le faire disparaître.
Selon l’armée, le crime de guerre est constitué, car l’Afghan avait été fait prisonnier. Matt Golsteyn doit être jugé en cour martiale à une date à déterminer.
Les médias ont aussi mentionné trois soldats du corps des marines punis par la justice militaire pour s’être fait filmer en train d’uriner en 2011 sur les cadavres de talibans tués au combat, ainsi qu’un ancien agent de la société de sécurité privée Blackwater, Nicholas Slatten, 35 ans, jugé coupable en décembre de l’assassinat d’un civil irakien en 2007, 11 ans après un carnage à Bagdad qui avait suscité une indignation mondiale.
Pour le général Martin Dempsey, ancien chef d’état-major américain, « la grâce de militaires accusés de crimes de guerre montre à nos soldats que nous ne prenons pas le droit de la guerre au sérieux ».
« Mauvais message. Mauvais précédent. Abdication de notre responsabilité morale. Représente un risque pour nous. »
— Le général Dempsey, qui a pris sa retraite en 2015, via Twitter
Donald Trump n’hésite pas à avoir recours au droit de grâce et, selon ses critiques, en fait surtout profiter ses soutiens de la première heure.
Il en a ainsi fait bénéficier ce mois-ci l’ancien patron de presse Conrad Black, grand laudateur du président.
Auparavant, M. Trump avait gracié Dinesh D’Souza, conservateur polémiste très anti-démocrate, ou encore l’ancien shérif Joe Arpaio, condamné pour ses méthodes policières discriminatoires envers les immigrés clandestins.
Deux grands quotidiens américains ont publié cette semaine des éditoriaux critiquant le projet de M. Trump.
« L’usage du droit de grâce par Donald Trump est peut-être légal, mais n’est absolument pas normal », a jugé le New York Times.
Ces grâces « seraient une insulte aux millions de militaires qui se sont comportés honorablement », a souligné le Washington Post.