Opinion 

L’urine, si utile dans l’histoire

L’urine est aujourd’hui cruciale pour évaluer la santé d’un individu. Tout cela n’est pas neuf et il n’a pas fallu attendre la révolution des analyses au XXe siècle pour que l’urine soit au cœur de tout un système de pensée.

À l’époque de la Rome antique, on se servait aussi de l’urine pour plusieurs choses et elle était même presque indispensable au commerce romain. L’urine était une source d’ammoniaque utilisée dans la teinturerie.

Elle a également permis de grands avancements dans la médecine. Hippocrate, qui a vécu autour de l'an 400 avant J.-C., est considéré comme le père de la médecine. Des volumes entiers du Corpus hippocratique étudient le volume, l’aspect, l’odeur, le sédiment et les différentes altérations des urines. Ce domaine de la médecine s’appelle l’uroscopie et va connaître ses heures de gloire jusqu’au XVIIIe siècle. 

Tous ne sont pas de cette école, Galien, aux IIe et IIIe siècles de notre ère, privilégiait le pouls, dont le toucher constituait la seule intervention de sémiologie manuelle directe.

Pourtant, l’urine demeure, pour les médecins, le moyen le plus sûr d’évaluer le degré de santé ou de maladie du patient.

L’uroscopie consistait à admirer les urines dans un récipient spécial, la matula, devenu l’emblème des médecins. C’est à Byzance que cette méthode atteignit son apogée. Au XIIIe siècle, Jean Actuarius, médecin de l’Empereur, y consacra un traité en sept volumes. On distinguait plus de 20 nuances de couleur de jaune. On sentait, touchait, goûtait et observait la situation des dépôts dans la matula.

Au XIVe siècle, l’examen des urines prend un caractère presque scientifique. Acturios, qui est médecin, consacre 46 chapitres de son traité à la valeur séméiologique de l’examen des urines et il écrit : « La science des urines est plus rapide et plus sûre que celle du pouls, car elle place tout sous nos yeux, tandis que l’autre subordonne tout au toucher. Or, il est bien plus facile à juger sur ce qu’on voit que d’après ce qu’on touche. » Au XVIIIe siècle encore, en Suisse, un certain Schuppach recevait des flacons d’urine de toute l’Europe.

Saveurs d'urine

À partir du XVIIIe siècle, la pratique de l’uroscopie change. L’examen visuel disparaît pratiquement, mais on conserve la roue des urines. Au XIXe siècle, la roue uroscopique est toujours employée pour détailler les différentes saveurs d’urine. Cette pratique médicale est encore utilisée aujourd’hui pour diagnostiquer des infections qui touchent le système urinaire, le système sanguin ou des hémorragies.

C’est d’ailleurs avec le goût qu’au XVIIe siècle, Thomas Willis, médecin anglais, va découvrir la qualité sucrée de l’urine et il écrit : « Le diabète est une affection du sang : le sucre va d’abord dans le sang et ensuite seulement dans l’urine. » Willis établit même un lien entre le diabète et le contexte socioéconomique des différentes classes sociales. Il décrit ainsi deux sortes de maladies : une curable et une incurable. Comme traitement, il recommande l’eau citronnée, du riz, des plantes visqueuses et de l’orge mélangée au lait. Un siècle plus tard, le médecin anglais Matthew Dobson prouve que les diabétiques ont trop de sucre aussi bien dans le sang que dans les urines.

Au XVIIe siècle, la marquise de Sévigny écrit à sa fille qu’elle devrait se laver les dents avec de l’urine de garçon prépubère et affirme que c’est le meilleur moyen de garder ses dents blanches.

Après les dents, les cheveux. À l’époque, les femmes italiennes raffolent du blond vénitien, bref, d’une teinture de cheveux. Pour l’obtenir, les femmes enduisent leurs cheveux lavés de diverses préparations décolorantes à base d’urine fermentée, de cendres, de soufre, de safran, de citron, etc. Puis, après cette décoloration, on se recolore les cheveux à l’aide d’une poudre à base de safran et de citron, et on fait sécher le tout au soleil. Voilà ce qui confère aux cheveux cette teinte si particulière du blond qui tire vers le roux ; certains l’appellent aujourd’hui le strawberry blond.

Bien utile, cette urine, finalement !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.