Chronique

Azamit et le marché du design

Azamit, femme d’affaires dans le monde du design, a ceci en commun avec Madonna et Cher : elle ne s’identifie que par son prénom.

« Je ne l’utilise jamais », répond-elle lorsque je lui demande si elle a un nom de famille. Je comprends qu’il ne faut pas insister. Et de toute façon, Azamit, c’est Azamit. Y en a-t-il une autre ? 

Azamit, c’est la fondatrice du Souk à la SAT – Souk@SAT –, un événement annuel qui vient tout juste de prendre fin, un marché de quatre jours des beaux objets qui offre depuis 2003 au monde du design montréalais une plateforme cruciale de commerce et de diffusion.

Si vous cherchez ce qui se fait de mieux en création originale ici, autant en meubles qu’en éclairage ou en céramique, même en bijouterie ou en impression, même dans l’alimentaire – avec accent sur la qualité des produits autant que sur le packaging –, allez voir sur le site du Souk à la SAT pour regarder qui y a exposé à travers les années et vous trouverez ainsi un réel catalogue de ce qui s’est passé depuis 15 ans.

« Nos critères sont très pointus », explique la fondatrice, qui reçoit des centaines de candidatures chaque année, déposées par des créateurs en tous genres qui veulent se retrouver dans l’enceinte de la Société des arts technologiques (SAT), sur le boulevard Saint-Laurent, pour vendre leurs produits.

« On a un nouveau jury, le plus éclectique possible chaque année. Je ne tranche pas. Je les laisse choisir. Ce que je veux, ce sont des points de vue variés. »

Arrivée à Montréal de l’Éthiopie quand elle avait 15 ans – elle en a aujourd’hui 44 –, formée en design de mode au Collège LaSalle puis à l’École supérieure des arts appliqués Duperré à Paris, Azamit a travaillé pendant 20 ans dans ce secteur – notamment comme mannequin – avant de se tourner vers le design des objets. 

L’idée de mettre en place le Souk est venue par l’entremise d’une amie, Felixe Carole Dicaire, qui lui a demandé un jour de l’aide pour vendre ses bijoux. « J’ai organisé une vente, je voulais la dépanner. » Azamit a réuni d’autres objets de designers québécois pour étoffer un peu l’événement. Notamment des créations de Denis Gagnon. La jeune femme n’avait pas de plan d’affaires précis ni de projet à long terme, mais le succès étonnant de l’exercice lui a donné l’idée de faire quelque chose de plus gros. « J’ai réalisé qu’il y avait une demande pour les produits d’ici. Mais je me suis dit que j’élargirais à tout ce dont on a besoin dans un appartement. »

C’est ainsi qu’a commencé ce marché du design à la SAT, sur le boulevard Saint-Laurent. Pourquoi là ? Parce que son amoureux de l’époque y travaillait.

Qui y a fait ses premières armes ? « Pour bien des marques, c’est devenu une rampe de lancement, là où on teste », explique-t-elle. Que ce soit le designer et fabricant de meubles À Hauteur d’homme, les poupées de chiffon Raplapla ou les lampes D’armes. La grande céramiste Pascale Girardin est souvent au Souk, tout comme la créatrice de bijoux Gabrielle Desmarais.

Et pour ceux qui adorent le design et suivent les prouesses de la star québécoise Philippe Malouin, consacré designer de l’année 2018 par le magazine Wallpaper et aujourd’hui installé à Londres – où il dessine des objets autant pour les hôtels Ace que pour le fabricant d’objets de maison Umbra Shift ou la marque danoise Kvadrat –, il était des premières éditions, relate fièrement Azamit.

« On vient ici pour vendre, bien sûr », explique Marie Custeau, fondatrice de la marque de produits de soins naturels pour bébés Enamour.

« Mais c’est aussi une réelle vitrine. De tous les marchés qui existent maintenant, ça demeure le meilleur. »

Pour être vu par le public, qui cherchera peut-être ensuite les produits ailleurs. Mais aussi par les gens de l’industrie, qui viennent faire du repérage. « Je savais que je devais être ici », confie Marie-Claude Roulier, une ancienne de Bombardier qui a fondé Vol Privé, une marque de produits pour le confort en avion en mérinos – oreillers, masques, couvertures, etc. – et qui participait pour la première fois cette année.

Azamit dit qu’elle est particulièrement fière, grâce à ce marché, d’avoir changé la perception de ce qui est fait localement. Parce qu’au Souk@SAT, on est loin des clichés de l’artisanat. 

Azamit ne travaille pas uniquement au Souk à longueur d’année. Elle œuvre aussi comme consultante en branding, elle crée des vitrines, fait toutes sortes de consultations.

Et cette année, elle a lancé un projet avec des designers québécois à Milan, en collaboration avec le site Archiproducts. Ainsi, les produits de sept designers montréalais ont été présentés durant la Semaine du design de Milan, en avril dernier, et y resteront pour un an. Des meubles d’Atelier Zébulon Perron, de la céramique de Pascale Girardin, des éclairages de D’armes et Lambert et Fils… Claste, Atelier Bardas et Maison Milan sont aussi présents pour incarner notre métropole. « Ce que je veux, c’est brander”Montréal et en propulser le design. »

Revue de l’année 2018 

Marie-Claude Lortie sera présente, aux côtés de nombreux chroniqueurs et journalistes de La Presse comme Philippe Cantin, Nathalie Petrowski, Francis Vailles, Hugo Dumas et Yves Boisvert, lors d’une soirée spéciale qui présentera les coulisses des grands reportages qui ont marqué l’année 2018. Directeurs de l’information, photographes et artisans qui créent chaque jour La Presse+ seront également dans la salle avec vous, pour échanger sur leur métier et répondre à vos questions. La rencontre aura lieu au Mtelus, à Montréal, le jeudi 6 décembre à 19 h 30.

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