Mon clin d’œil

« Deux matchs, ouf ! Mon année est faite. »

— Le Stade olympique

OPINION 

RADIO-CANADA Portez un second regard sur Second regard !

Depuis l’annonce de la fin de l’émission Second regard, ils sont nombreux sur les réseaux sociaux à dire leur surprise et leur mécontentement.

Pourquoi abolir cette émission de télévision (ayant d’honnêtes cotes d’écoute) qui a accompagné les Québécois dans leurs pérégrinations spirituelles et religieuses depuis près de 50 ans ? 

L’équipe de Second regard n’a eu de cesse de s’adapter aux multiples transformations du paysage spirituel et religieux du Québec.

Seule dans son domaine, elle aurait pu reconduire le même sans trop changer ; ce ne fut pourtant pas le cas. À maintes reprises, ces artisans ont osé, et ce, au risque de déranger. 

Le tournant des années 1990 fut, à cet égard, exemplaire. Devant la sécularisation effective d’une part de la société québécoise devant sa laïcisation, devant la privatisation progressive du religieux d’une part et l’affirmation d’un pluralisme religieux dans l’espace public d’autre part, Second regard s’est ouverte à l’exploration de religions étrangères au corpus chrétien, au renouvellement même du christianisme et a exploré le chemin (peu ou pas balisé) de la spiritualité. 

Évolution

On mesure encore mal à quel point ces nouvelles orientations étaient à la fois originales et essentielles. L’équipe de Second regard modernisait la présentation du religieux à l’aune de la recherche de sens des Québécois : l’émission devint peu à peu autant un lieu d’éducation pour tous (aux nouveautés des régimes pluralistes, notamment) qu’une assise servant à alimenter le débat public tout en réfléchissant aux grands enjeux éthiques et politiques qui traversent le Québec, le Canada, l’Occident, voire le monde.

Second regard a toujours été une des plus intéressantes plateformes de diffusion des recherches de pointe en philosophie, en histoire religieuse, en sociologie des religions, en sciences politiques et, plus largement, en sciences des religions.

Si elle donnait tantôt la parole aux artisans des mondes religieux et spirituels, l’émission instillait aussi un regard critique sur des questions épineuses comme la liberté religieuse, l’encadrement étatique du religieux, l’enseignement religieux (et les débats qui ont traversé cette thématique durant toutes ces années), le terrorisme qui se légitime du religieux, les conflits et les tensions de nature religieuse, etc.

À cet effet, l’émission a donné la parole à nombre de penseurs de tous lieux et de toutes disciplines, tantôt sages, tantôt prophétiques, tantôt analystes et experts qui ont nourri notre réflexion, année après année.

Unique en son genre

L’émission Second regard est la seule du genre dans les réseaux généralistes. Ce fait lui conférait une responsabilité dont elle s’acquittait avec force et équilibre. Carrefour de nos recherches de sens, cette émission nous parlait personnellement tout en nous introduisant à l’autre, celui qui vient d’arriver et qu’on méconnaît, celui qui émerge de nouvelles pratiques et de nouvelles sensibilités. 

Second regard est sans doute aussi le dernier repère médiatique qui a porté crédit aux traditions, non pas comme un lieu de vérités indépassables, mais comme un foyer de sens à partir duquel on peut penser plus grand, plus large, et plus profondément.

Radio-Canada, en fidélité à votre tradition d’information, d’éducation populaire et d’ouverture sur le monde, ne serait-il pas pertinent de porter un second regard sur Second regard ?

* E.-Martin Meunier est professeur titulaire à l’École d’études sociologiques et anthropologiques, titulaire de la Chaire de recherche Québec, francophonie canadienne et mutations culturelles de l’Université d’Ottawa ; Jean-Philippe Perreault est professeur et titulaire de la Chaire de recherche Jeunes et religion à la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval ; David Koussens est directeur du Centre d’études du religieux contemporain, titulaire de la Chaire de recherche Droit, religion et laïcité à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.

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