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Des élections historiques

Pour la première fois depuis les élections de 1976, tout indique que les Québécois ne voteront pas en fonction de la question nationale, le 1er octobre. 

Il s’agira d’un changement monumental, le Québec étant l’une des seules démocraties occidentales où le clivage politique ne se situe pas sur l’axe gauche-droite, mais bien sur l’axe constitutionnel. Pour la première fois en plus de 40 ans, la question nationale – non résolue – demeurera donc en suspens, jusqu’à nouvel ordre. Même le Parti québécois, porteur de l’option souverainiste, a remis aux calendes grecques la tenue d’un troisième référendum.

Les Québécois ont soif d’enjeux. Économie, finances publiques, santé, éducation, identité, infrastructure. Le nationalisme québécois, historiquement, a toujours structuré le débat politique. Pendant des décennies, nationalisme rimait avec souveraineté. Ce n’est plus le cas. Pour de plus en plus de Québécois, il se définit désormais à travers le prisme de la défense de l’identité.

Le Parti québécois, dévoré par son aile gauche, a adhéré à la thèse, avancée par la bien-pensance, selon laquelle il avait perdu les dernières élections à cause de l’épisode de la Charte des valeurs. Faux. Le gouvernement péquiste de Pauline Marois a été défait en raison de l’ambiguïté référendaire qu’il entretenait. Le terrain identitaire a rapidement été conquis par la CAQ qui est devenue l’option « bleue » aux libéraux comme parti de gouvernement dans l’imaginaire québécois.

C’est donc à un véritable mouvement de plaques tectoniques que nous assistons actuellement.

Historiquement, le Parti libéral du Québec s’est défini en opposition à son principal adversaire. Cet adversaire étant devenu, dans les années 70, le Parti québécois qui prône la souveraineté, le Parti libéral s’est reconstitué en coalition de fédéralistes de tous les horizons politiques. Et cette coalition perdure jusqu’à ce jour. Cela explique pourquoi un politicien de centre droit comme Martin Coiteux peut siéger au même Conseil des ministres qu’Hélène David, de centre gauche. M. Coiteux et Mme David croient au Canada et c’est cette conviction qui les unit au sein du Parti libéral du Québec. Mais pour combien de temps encore ?

Cette logique se disloque et la question nationale perd de l’importance. Dans ce contexte, comment maintenir cette coalition de fédéralistes de gauche et de droite ? Est-ce que le PLQ saura reconnaître son nouvel adversaire « bleu » en la CAQ ? Et s’il répond oui à cette question, comment va-t-il se redéfinir ? On peut déjà commencer à répondre à ces questions an analysant le discours du PLQ ainsi que ses efforts de recrutement.

D’une part, nous assistons à une certaine « trudeauisation » du PLQ qui se veut de plus en plus hostile au nationalisme québécois et de plus en plus ouvertement favorable au multiculturalisme canadien. On le voit régulièrement emprunter le même vocabulaire de la gauche diversitaire et racialiste qui fait rage au Canada anglais et aux États-Unis. L’épisode de la commission sur le racisme systémique en était un exemple éloquent.

D’autre part, l’arrivée d’Alexandre Taillefer est un pas marqué vers la gauche. Les positions politiques « progressistes » de Taillefer sont bien connues, tout comme son modèle d’affaires qui dépend fortement des subventions de l’État québécois. Et c’est sans compter l’annonce de la candidature de Marwah Rizqy, qui prône la gratuité scolaire. On est loin du règne de Jean Charest.

Bref, la transformation du PLQ d’une coalition de fédéralistes vers un parti essentiellement de centre-gauche est presque complétée. Le dénouement des prochaines élections et le clivage politique qu’elles produiront seront fascinants.

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