LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Pierre Gendron

Marathonien pictural

La salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval présente, jusqu’au 30 juin, une cinquantaine d’œuvres du peintre abstrait Pierre Gendron. Un époustouflant retour sur les cimaises pour ce marathonien de la peinture qui, à 84 ans, poursuit sa course colorée à grandes enjambées.

Voilà un artiste québécois qui a pas mal roulé sa bosse. Du Québec jusqu’en France en passant par la Grèce. De l’École des beaux-arts de Montréal (sous la férule de Jacques de Tonnancour, Jean-René Ostiguy et Albert Dumouchel) à l’atelier Desjobert à Paris en passant par les cours du graveur franco-polonais Johnny Friedlaender.

Au Québec, Pierre Gendron est aujourd’hui un peu tombé dans l’oubli. Pourtant, il a eu sa part de renommée dans l’histoire de l’art de la province. Avec des expos des années 60 jusqu’aux années 80, notamment au Musée des beaux-arts de Montréal, au Musée des beaux-arts du Canada et à Paris. Représenté alors par la galerie Agnès Lefort et membre de l’Association des artistes non figuratifs de Montréal, Pierre Gendron était reconnu pour l’énergie et la puissance de ses abstractions semblant se projeter à l’extérieur de la toile.

Un déploiement signé René Viau

La Maison des arts de Laval a confié au commissaire René Viau le soin de rassembler 54 toiles appartenant pour la plupart à l’artiste afin d’illustrer l’écriture du peintre lavallois marquée par une succession d’étapes artistiques, de 1958 à aujourd’hui.

Les œuvres montrées dans les vastes espaces de la salle Alfred-Pellan, dont certaines n’avaient jamais été exposées, sont toutes abstraites, même si la figuration a été la première signature de Pierre Gendron.

Influencé par l’École de Paris (où il a vécu de 1958 à 1960) autant que par les peintres abstraits new-yorkais de l’époque, Gendron s’est toujours positionné de façon originale, n’ayant jamais adhéré à une école en particulier. 

Même à Paris, il n’a pas fréquenté avec assiduité les Riopelle, Borduas ou Ferron quand ils y résidaient, préférant se mouler à la vie parisienne en fréquentant des écrivains et en allant écouter des musiciens locaux. Optant pour une pleine liberté d’expression, à l’image d’un David Hockney pour lequel il a beaucoup d’admiration.

Ses toiles des années 60 (même celle créée dans la lumière de Vence, dans le sud de la France) sont dans des tonalités plus sombres que celles des années 80, aux couleurs lumineuses. Une constante se dégage au fil des ans : malgré quelques variations, son abstraction faite de diagonales, de carrés et de jaillissements suggère toujours le paysage, les ombres, les contrastes naturels, les ambiances festives, voire les sons.

Peintre de la musique

Passionné de musique, mélomane reconnu, spectateur assidu de la Sala Rossa, Pierre Gendron a le plus souvent créé en écoutant du jazz, de la musique classique ou contemporaine. Sa série Paylande, hommage à des musiciens qu’il apprécie (Charles Mingus, Messiaen, Bach ou Marin Marais), est assez remarquable, le peintre parvenant à décliner dans l’acrylique ou l’huile des sentiments découlant d’une écoute musicale comme de vibrations intérieures. 

On découvre aussi de grands cadres évoquant le paysage québécois, notamment une très belle toile hivernale, différente du reste des toiles présentées et que l’on peut mettre en parallèle avec la série Iceberg de Riopelle, mais dans le style particulier de Gendron qui exclut le seul contraste noir-blanc avec des pigments délicats qui en font un coloriste assumé. Avec Pierre Gendron, même le froid n’est pas extrême, sa résistance étant évoquée par des teintes fluides et savamment orchestrées.

Cofondateur de la galerie Vertical, graphiste de formation et personnage bon enfant, Pierre Gendron avait déjà exposé à la Maison des arts de Laval en mai 1988. Trente ans plus tard, il est toujours aussi passionné, poursuivant son chemin avec un talent fou et une éloquence à la spatule et au pinceau qui demeure dynamique, 60 ans après ses premières créations.

« Je travaille sur le long terme. En ce moment, sur des choses plus dégagées. J’ai toujours ce besoin de peindre et ce qui motive, c’est l’envie de savoir ce que je pourrais peindre après. Car ce n’est jamais fini. Je ne suis jamais complètement satisfait et à la fin, je pense que ça paye ! »

— Pierre Gendron

La vision du commissaire René Viau par rapport au travail global de Pierre Gendron en appellera assurément d’autres, afin de pointer plus spécifiquement des périodes de son parcours. Le lancement de la publication Fête, de Pierre Gendron, qui présente des images de l’exposition et un texte du commissaire recensant la carrière de l’artiste, aura lieu le 17 juin à 14 h, à la Maison des arts, avec une performance musicale du contrebassiste montréalais Nicolas Caloia.

À la Maison des arts de Laval (1395, boulevard de la Concorde Ouest, Laval), jusqu’au 30 juin 

LA VIRÉE DES GALERIES

Autres expositions

Satosphère

Drichtel et Remote Sense, deux œuvres immersives présentées la semaine dernière en première mondiale au Symposium iX de la Société des arts technologiques, sont diffusées jusqu’à samedi dans la Satosphère. Créé par Axel Hélie Fontaine, Drichtel est un projet audio immersif accompagné de visuels audioréactifs spatialisés. Quant à Remote Sense, réalisé par le Britannique Jonny Knox et le Néerlandais Darien Brito, il s’inspire des artistes préhistoriques. 

Luce Meunier

La Galerie Antoine Ertaskiran présente une troisième expo solo de Luce Meunier, une exploration de stratégies plastiques et picturales utilisant acide, résine, pigments, encres et eau. L’exposition d’œuvres abstraites, intitulée 4, évoque la quatrième dimension, les quatre éléments ou encore les quatre points cardinaux. Elle comprend un large corpus de gravures et d’aquatintes et reflète le goût de cette artiste pour l’expérimentation.

À la Galerie Antoine Ertaskiran (1892, rue Payette, Montréal) jusqu’au 16 juin

Pierre Blache

Jusqu’au 16 juin, la galerie d’art photo La Castiglione présente Les lieux suspendus, un solo de Pierre Blache résultant de coups de cœur photographiques issus de ses voyages dans le monde. Paysages étranges, mystérieuses présences, géométrie, passage du temps : des clichés avec cette impression d’irréel qu’insinue le cadrage.

À la galerie La Castiglione (372, rue Sainte-Catherine Ouest, local 416, édifice Belgo, Montréal)

Federico Carbajal

L’œuvre Fiction opalescente, de l’artiste Federico Carbajal, a été retenue dans le cadre du concours d’art éphémère organisé par la Place des Arts pour habiller temporairement les luminaires du plafond des foyers de la salle Wilfrid-Pelletier. La Place des Arts a entamé la remise à neuf des 21 lustres conçus en 1963 par l’artisan italien Toni Zuccheri et constitués de 4500 lamelles de verre de Murano. Fiction opalescente sera exposée jusqu’au 27 avril 2020.

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