COVID-19

Le Nord en boîte

Beaucoup de projets sont tombés à l’eau en raison de la COVID-19. Certaines annulations sont particulièrement crève-cœur, comme celle de l’expédition que la Fondation Sur la pointe des pieds devait organiser à la fin d’avril au Nunavik.

Quatorze jeunes adultes en rémission du cancer devaient effectuer une grande expédition de ski de fond, encadrés notamment par de jeunes Inuits ayant participé aux programmes de Nurrait-Jeunes Karibus, un organisme sans but lucratif qui encourage le développement personnel et social à l’aide du plein air. 

Les organisatrices de Sur la pointe des pieds et de Nurrait ont toutefois mis sur pied, à vitesse grand V, des programmes pour que les participants vivent quand même une certaine expérience du Nord. Et puis, s’il existe des personnes particulièrement résilientes, ce sont bien les jeunes qui ont connu le cancer.

« Sur le coup, j’étais super déçue, mais les organisatrices se sont revirées de bord assez vite », commente Marie-Claude Marcotte, une jeune femme de 29 ans qui a dû faire face à un cancer de l’ovaire.

Diagnostiquée il y a un peu plus d’un an, elle a subi 12 semaines de traitements de chimiothérapie en plus de deux opérations. Elle est maintenant en rémission et a repris son boulot : répartitrice médicale d’urgence au 911.

« L’idée, c’est de ne pas laisser les jeunes avec un néant devant eux, affirme Marie-Michelle Paradis, chargée de projet à la Fondation Sur la pointe des pieds. On voulait leur permettre, d’une autre façon, d’atteindre une parcelle des objectifs qu’ils devaient atteindre en expédition. »

Un paquet bien spécial

Les gens de Sur la pointe des pieds se sont inspirés de ce qui se faisait dans d’autres camps d’oncologie et ont discuté de la question avec les responsables de Nurrait.

« On savait que dans un laps de temps aussi court, on n’arriverait jamais à recréer exactement ce qu’une expédition pouvait apporter : la rencontre avec les autres participants, la magie de l’environnement naturel », poursuit Mme Paradis.

La Fondation Sur la pointe des pieds a finalement décidé d’envoyer un paquet bien spécial à chaque participant, le « Nord en boîte ». Chaque jour, pour les 10 jours que devait durer l’expédition, le participant ouvre une enveloppe qui contient un petit cadeau ou une expérience à tenter.

« C’est une belle attention, commente Marie-Claude Marcotte. Au premier jour, on nous a envoyé un super beau livre avec plein de photos de paysages [Objectif Nord, de Serge Bouchard et Jean Désy] avec une dédicace à la main. C’est un beau clin d’œil au voyage qu’on ne peut pas faire. »

Plus tard, les participants ont eu droit à une recette de banique (un pain autochtone), des liens vers des courts métrages sur le Nunavik, des sachets de tisane inuite, une invitation à se dépasser physiquement et même un cercle de partage en ligne.

En expédition, le cercle de partage est une occasion pour les participants de parler de leur expérience.

« C’est très difficile de bâtir des liens de confiance entre des jeunes à distance qui ne se connaissent pas, mais on espérait qu’avec les premiers échanges, ils seraient assez à l’aise pour une rencontre en ligne », explique Marie-Michelle Paradis.

C’était justement ce type de partage qui avait amené Marie-Claude Marcotte à s’inscrire à l’expédition.

« Ce qui m’intéressait le plus, c’était d’avoir l’occasion d’être en contact avec des personnes de mon âge qui avaient vécu le cancer, qui avaient vécu une expérience semblable à la mienne. »

— Marie-Claude Marcotte, qui devait participer à l'expédition au Nunavik

« Dans mon entourage, j’avais le soutien de ma famille et de mes amis, mais c’était peut-être plus difficile pour eux de comprendre parce qu’ils n’étaient pas passés par là », raconte Marie-Claude Marcotte.

La jeune femme s’intéressait également au Grand Nord. « J’ai une amie qui travaillait dans le Nord qui nous parlait souvent des communautés cries et innues, qui ont des cultures très différentes de la nôtre, raconte-t-elle. Dans un même pays, on voit des réalités très différentes. C’est un genre de voyage dépaysant que je voulais faire depuis longtemps. »

Elle avait très hâte de rencontrer les gens de la communauté, qui allaient accueillir les participants et les guider.

D’autres déceptions

L’annulation du voyage est une grande déception pour les jeunes Inuits de plus de 16 ans qui ont participé à des expéditions organisées par Nurrait dans le passé et qui voulaient continuer à s’impliquer en encadrant l’expédition de Sur la pointe des pieds.

Il y a bien d’autres jeunes déçus au Nunavik : près d’une centaine d’élèves du secondaire de diverses communautés devaient participer à une des trois expéditions de ski organisées par Nurrait ce printemps.

« La première expédition partait le 15 mars, raconte Valérie Raymond, directrice générale de Nurrait. Tout a été annulé. »

Il a fallu récupérer l’équipement qui était déjà en transit et faire don de la nourriture préparée en avance par les jeunes participants.

Comme Sur la pointe des pieds, Nurrait a voulu offrir quelque chose aux jeunes, leur permettre « d’être ensemble tout en étant séparés ».

Les organisateurs ont opté pour un programme en ligne pour tous les jeunes de 12 à 20 ans du Nunavik, une succession d’ateliers qui s’étaleront sur 30 jours.

« Il suit les mêmes objectifs que poursuivent nos autres programmes, notamment une composante de mode de vie sain », précise Valérie Raymond.

Il y a un côté « vie active », avec des activités sportives, mais aussi un volet culturel, avec le partage de savoir traditionnel.

« On continue à travailler le développement social et personnel des jeunes avec des thématiques comme la gestion des émotions et la mise en valeur des forces personnelles », énumère Valérie Raymond.

Éventuellement, Nurrait aimerait collaborer de nouveau avec Sur la pointe des pieds, mais il sera difficile pour la fondation de monter à nouveau un tel projet, extrêmement coûteux. Celui-ci devait profiter d’une commandite du transporteur Canadian North.

« Je ne suis pas certaine de l’état des finances de la fondation d’ici un an ou deux, soupire Marie-Michelle Paradis. Les campagnes de financement risquent d’être moins glorieuses. »

La fondation se tournera probablement vers des expéditions moins coûteuses.

Marie-Claude Marcotte fait déjà savoir qu’elle est partante.

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