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Opinion

La force du consensus autour du modèle québécois

Depuis presque 20 ans maintenant que le Québec est gouverné par un parti de centre droit, libéral d’abord et caquiste aujourd’hui. Pourtant, la domination électorale du centre droit ne s’est pas traduite par une transformation radicale du modèle québécois ni même par une remise en cause de ce dernier.

Il semble y avoir un consensus concernant l’importance de préserver les acquis du modèle social québécois tant au sein des principaux partis politiques que chez les citoyens. Celui-ci consiste en des transferts sociaux assez élevés (surtout pour les familles avec enfants), en des politiques sociales novatrices telles que des services de garde et une assurance-médicaments universelle, ainsi qu’en une éducation postsecondaire accessible grâce à la gratuité des cégeps et aux faibles droits de scolarité à l’université. 

Bien que l’on puisse certainement en faire plus, c’est grâce à ces transferts sociaux que la réduction des inégalités et de la pauvreté est plus remarquable au Québec que dans le reste du Canada. Le modèle social québécois est financé par des taux d’imposition qui s’approchent des niveaux observés dans les pays d’Europe de l’Ouest, et qui sont considérablement plus élevés qu’ailleurs en Amérique du Nord.

Lors des dernières élections, aucun parti n’a remis en question ce modèle, et ce, peut-être par peur de voir sa popularité décliner.

Les efforts des derniers gouvernements libéraux pour s’éloigner du modèle québécois ont en effet soit échoué, soit nui aux résultats électoraux du parti. L’austérité budgétaire imposée par le gouvernement Couillard lors des premières années de son mandat a certainement contribué à la défaite historique de son parti. Du côté du gouvernement Charest, ses deux principales politiques visant à changer le modèle québécois en profondeur, soit la « réingénierie de l’État » et la hausse des droits de scolarité universitaires, furent bloquées par des manifestations populaires qui cherchaient à préserver les acquis sociaux.

Un parti qui voudrait affaiblir le modèle social québécois utiliserait la stratégie visant à « affamer la bête » en diminuant les taxes et impôts pour ensuite imposer des compressions des dépenses publiques. Pourtant, ni la CAQ ni le PLQ n’ont proposé de baisses d’impôts considérables aux dernières élections. La réduction de la taxe scolaire, la seule baisse de taxe proposée par la CAQ, coûtera 700 millions en 2022, soit environ 0,5 % des revenus du gouvernement québécois cette année-là. On est loin du programme de Doug Ford qui comptait réduire les revenus du gouvernement ontarien d’environ 8,7 milliards par année.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que le nouveau ministre des Finances, Éric Girard, a mentionné en entrevue ne pas vouloir amoindrir la taille de l’État en diminuant les impôts davantage que ce que sa marge de manœuvre fiscale lui permettrait. Cela reflète la volonté populaire : selon un sondage Léger publié au printemps dernier, près des deux tiers de la population préfèrent une hausse des dépenses publiques qui augmenterait le fardeau fiscal, plutôt qu’une baisse d’impôt qui diminuerait les dépenses publiques.

Bref, malgré la domination électorale du centre droit, il n’y a pas de parti élu l’Assemblée nationale qui propose une rupture majeure avec le modèle social québécois.

Défis importants

Tout cela est certes rassurant, mais le modèle québécois fera face à des défis importants dans les prochaines années et des adaptations importantes devront être réalisées pour assurer sa pérennité. 

Tout d’abord, le vieillissement de la population entraînera une augmentation considérable des dépenses de santé. Selon toute vraisemblance, cela forcera les Québécois à choisir entre des hausses d’impôts et des diminutions du panier de services publics, et il n’est pas acquis que des gouvernements de la CAQ ou du PLQ choisiront de préserver les services publics face à ces choix déchirants. 

Ensuite, la fin du cycle de croissance économique approche et une récession est à prévoir pendant le mandat de l’actuel gouvernement. Saura-t-il conserver la marge de manœuvre fiscale nécessaire afin de ne pas avoir à procéder à des coupes importantes lorsque la croissance économique ne sera plus au rendez-vous ?

Finalement, la chute du Parti québécois effrite les bases du modèle de la province. Le PQ a été un des grands moteurs du développement du modèle québécois alors que les dernières innovations majeures en politiques sociales ont été implantées sous sa gouverne. Il n’apparaît pas évident qu’un parti à gauche du centre puisse former un gouvernement à moyen terme. Un gouvernement progressiste est pourtant nécessaire pour créer des politiques sociales novatrices qui permettent à un État-providence de s’adapter aux changements sociaux et économiques qui le bouleverse. Bien qu’un gouvernement caquiste semble en mesure de préserver le statu quo, pourra-t-il procéder à des innovations sociales importantes pour pérenniser le modèle québécois ?

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